Petit chemin de campagne au milieu du XVIIIe siècle, la rue Sainte-Catherine devient une artère commerciale majeure à partir de 1890. Dès lors, elle entre dans le cœur des Montréalais.
Avant de devenir l’une des principales artères commerciales de la ville, la rue Sainte-Catherine n’était, au milieu du XVIIIe siècle, qu’un petit chemin de campagne. Alors qu’une voie comme la rue Saint-Laurent commence sa traversée de l’île dès 1717, en partant du fleuve pour rejoindre la rivière des Prairies, le tracé des routes transversales est plus complexe : il passe au travers des terres sur un axe ouest-est, ce qui nécessite un accord entre les cultivateurs voisins pour choisir l’emplacement des nouveaux chemins.
Au fur et à mesure que la cité se développe au XIXe siècle, ces chemins d’abord privés deviennent publics : les différents tronçons d’origine de la rue Sainte-Catherine sont progressivement reliés de Westmount jusqu’à Hochelaga-Maisonneuve, et l’ancienne route rurale est désormais l’une des principales artères de la métropole.
Où faire ses emplettes
Vers 1870, Montréal, berceau de la révolution industrielle au Canada, est le centre commercial, financier et industriel du pays, avec une population évaluée à plus de 100 000 habitants. Le commerce de détail montréalais s’accroît au rythme de cette expansion démographique et économique. La ville fourmille de petits « magasins du coin », qui témoignent d’une intense activité commerciale, et quelques magasins plus imposants ouvrent leurs portes : Morgan (1845), John Murphy and Co. (1867), Jas. A. Ogilvy (1866), Dupuis Frères (1868), A. Pilon (1878), S. Carsley (1880), W. H. Scroggie (1883), le Syndicat de Saint-Henri (1901). Plusieurs ont pignon sur rue dans le Vieux-Montréal, alors centre commercial de la ville. Les marchands importateurs, établis à proximité du port depuis le Régime français, bénéficient d’une clientèle fidèle qui se presse dans leurs magasins des rues Notre-Dame, Saint-Jacques et Craig (aujourd’hui Saint-Antoine).
L’intensification de l’industrialisation pendant la seconde moitié du XIXe siècle incite les élites bourgeoises de la vieille ville à se déplacer lentement vers le mont Royal. Plusieurs riches familles francophones s’installent le long des rues Saint-Denis et Saint-Hubert, à proximité des squares Saint-Louis au nord et Viger au sud. Suivant cette clientèle cossue, de nombreux marchands ouvrent boutique rue Sainte-Catherine. Vers 1890, la vocation commerciale de celle-ci se confirme par le déménagement des grands magasins qui y connaîtront leur âge d’or pendant les sept décennies suivantes : Dupuis Frères (1882), Simpson (1905), Eaton (1925) ou encore Morgan (1891), dont la succursale principale située rue Sainte-Catherine Ouest sera acquise par La Baie en 1960. À la fin des années 1960, on compte 832 magasins concentrés le long de cette voie achalandée. 15 000 personnes y travaillent, dont le quart dans le domaine du vêtement.
Divertissements au rendez-vous
Rue Sainte-Catherine - Chic-n-coop, années 1950
Difficile d’imaginer la métropole sans « la Catherine »! Comment en effet l’envisager amputée de ce long corridor bordé de part et d’autre d’une enfilade de vitrines, de façades joyeuses et illuminées, de commerces, dont les plus renommés sont inscrits au cœur des échanges et des rapports tissés entre les différentes classes et cultures composant la réalité montréalaise?
Cet article est paru dans le numéro 23 du bulletin imprimé Montréal Clic, publié par le Centre d’histoire de 1991 à 2008. Il a été mis à jour en 2015.
LINTEAU, Paul-André. La rue Sainte-Catherine. Au cœur de la vie montréalaise, Montréal, Les Éditions de l’Homme, 2010, 237 p.
Avant-après : Rue Sainte-Catherine
Rue Sainte-Catherine, à l'angle de McGill College
1952. Rue Sainte-Catherine [carte postale]. Centre d’histoire de Montréal. 1999.9.
2014. Rue Sainte-Catherine, par Denis-Carl Robidoux. Centre d’histoire de Montréal.