Photographies anciennes et souvenirs familiaux nous emmènent à Lachine au courant du XXe siècle. La vie de certains habitants y était rythmée par le fleuve, mais aussi par le sens des affaires.
En 2017, Maude Bouchard-Dupont a recueilli les témoignages de Pierrette Grégoire et d’André Robichaud, tous deux originaires de Lachine, pour la rédaction de la chronique « Montréal retour sur l’image » du Journal de Montréal. Grâce à des photographies et à ces souvenirs familiaux, il a été possible de reconstituer l’histoire de la famille Martin, propriétaire du traversier MS Jacques-Cartier et de plusieurs commerces à Lachine dans la première moitié du XXe siècle. Ce récit révèle un fragment du passé de cette ville, maintenant arrondissement de Montréal, liée depuis toujours au fleuve Saint-Laurent.
À la traverse de Lachine
Lachine vers 1910
Le traversier de Lachine devient au milieu du XIXe siècle une étape obligatoire du chemin de fer reliant Montréal aux États-Unis. Succédant au service de diligence et au voyage en barge à vapeur sur le canal de Lachine, la voie ferrée de la Montreal & Lachine Rail Road est inaugurée le 19 novembre 1847. À concurrence de 6 départs par jour de Montréal, il est possible de rejoindre le village de Lachine en 20 minutes seulement. Les départs se font à la gare Bonaventure, nouvellement construite près du square Chaboillez à Montréal. L’arrivée est située au quai de Lachine, qui vient alors d’être aménagé à la hauteur de l’entrée du Petit Canal (près de l’actuelle 21e avenue). Le traversier y opérera entre 1847 et 1852; les opérations déménageront ensuite du côté de la 34e avenue. Le simple traversier pour les passagers est remplacé en 1853 par un navire unique en son genre, probablement le premier de ce type au Canada, voire en Amérique du Nord. Construit dans les chantiers montréalais d’Augustin Cantin pour desservir spécifiquement le chemin de fer, le bateau vapeur Iroquois est doté de rails sur son pont principal. Le bateau passeur de 200 pieds de long (61 mètres) peut donc embarquer à son bord une locomotive et trois wagons! Une fois la traversée effectuée, le train reprend son chemin sur la ligne La Prairie–Saint-Jean, menant vers Plattsburgh et New York. Toutefois, le service de train par traversier est rapidement concurrencé par la construction et l’inauguration du pont Victoria par le Grand Tronc en 1859. Jugé plus lent et moins pratique, le transport ferroviaire vers les États-Unis par le traversier de Lachine cesse de fonctionner dans les années 1880. Les infrastructures sont maintenues pour les besoins des résidants de l’île de Montréal et de la Rive-Sud. Le traversier entre Lachine et Kahnawake continue ses activités jusqu’à l’inauguration du pont Honoré-Mercier en 1934. La ligne de chemin de fer entre Montréal et Lachine reste active grâce au tramway jusqu’en 1961.
À l’image des personnages du roman de Gabrielle Roy, Bonheur d’occasion, les Montréalais considèrent graduellement Lachine comme une destination de villégiature, d’autant plus qu’elle est facilement accessible par tramway. Sur place, les expéditions à la plage et les excursions en bateau ont la cote. Celle qui mène à Kahnawake permet d’aller voir des danses autochtones, de visiter le musée de la maison longue ou d’acheter de l’artisanat. Plusieurs traversiers effectuent le voyage d’avril à octobre, dont le Sir Henry, le Lafayette et le MS Jacques-Cartier.
Le MS Jacques-Cartier
MS Jacques Cartier 1924
Une fois son voyage inaugural effectué, le traversier commence ses opérations. Pouvant accueillir 40 automobiles, le MS Jacques-Cartier effectue la traversée entre Lachine et Kahnawake jusqu’à la construction du pont Mercier en 1934. Le bateau sillonne par la suite le fleuve comme traversier, entre Tadoussac et Baie-Sainte-Catherine, puis entre Rivière-du-Loup et Saint-Siméon, mais aussi comme cargo de bois entre Pointe-au-Pic et Pointe-aux-Orignaux. Converti en bateau de croisière par la famille Harvey, il navigue sur le fleuve de l’île aux Coudres à Trois-Rivières. Remisé en 2012, à la retraite du capitaine Luc Harvey, le MS Jacques-Cartier reprend la mer en 2018 après une mise à neuf. Continuant la tradition familiale, le capitaine Michel Harvey propose à ses passagers de découvrir le fleuve lors de courtes croisières alliant confort et aventure.
Aux commerces d’Adélard Martin
Magasin général famille Martin
Les descendants de la famille Martin
Quincaillerie Martin et Cie
Merci à la Société d’histoire de Lachine pour sa collaboration.
Cet article est paru dans la chronique « Montréal, retour sur l’image », dans Le Journal de Montréal du 11 juin 2017. Il a été enrichi pour sa parution dans Mémoires des Montréalais.
McKAY, Mac. « Post #2 Jacques-Cartier », Navigation Québec, 30 octobre 2015. (Consulté le 22 avril 2020).
RADIO-CANADA. « Un M/S Jacques-Cartier bonifié de retour à Trois-Rivières en 2018 », Radio-Canada, 14 novembre 2016.
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TC MEDIA. « Chemins de fer et traversiers », Capsule historique, 350 Lachine, Arrondissement de Lachine.
BALES, Robert J. « The Montreal & Lachine Rail Road and its Successors », Canadian Rail, no 177, mai 1966.