1871-1906
Montréal, une grande ville industrielle
Dans le dernier tiers du 19e siècle, Montréal, grande ville industrielle et métropole du Canada, accueille de nombreux nouveaux venus attirés par les emplois dans les usines. Ce sont notamment des Canadiens français qui, à partir de 1865, redonnent à la ville sa majorité francophone. En 1871, Montréal compte 130 000 habitants; 30 ans plus tard, ce nombre grimpe à 325 000.
Plusieurs municipalités de banlieue se créent autour du territoire de la ville, dont quelques-unes ceinturent le mont Royal : Saint-Jean-Baptiste à l’est; Saint-Louis-du-Mile-End, Outremont, Côte-des-Neiges au nord; Notre-Dame-de-Grâce à l’ouest. C’est l’époque où la banlieue montréalaise est florissante. À partir de 1883, Montréal commencera à annexer certaines de ces municipalités indépendantes : son territoire, dans les limites établies en 1792, est pratiquement tout occupé.
La métropole canadienne est une ville de contrastes dont le territoire reflète les clivages entre les notables et les ouvriers, entre les francophones catholiques et les anglophones protestants. L’élite réside à flanc de montagne, dans les quartiers bourgeois; les ouvriers habitent au pied de la montagne ou encore dans l’est de la ville.
Les niveaux de richesse marquent le paysage urbain. Les quartiers ouvriers sont populeux et affichent leurs lots de maisons pauvres, sans verdure à proximité. Les secteurs résidentiels de prestige sur la montagne offrent quant à eux des vues imprenables et de l’espace. Si certains quartiers sont moins tranchés dans leur aspect, il reste que les deux extrêmes se distinguent à cette époque.
La création du parc du Mont-Royal en 1876
L’idée de créer un grand parc urbain pour assainir la ville et donner accès à la nature fait son chemin depuis quelques décennies. À la suite d’une coupe à blanc effectuée en 1859-1860 sur le terrain de l’un des propriétaires du flanc sud, des citoyens indignés réclament des espaces verts protégés aux édiles municipaux. Entre 1872 et 1875, la Ville procède à des expropriations et acquiert 200 hectares de terrain pour ce parc, pour lesquels elle a contracté un emprunt d’un million de dollars. En parallèle, la Ville mène deux autres projets de grands parcs : celui sur le site de la ferme Logan, qui deviendra le parc La Fontaine, et un autre sur l’île Sainte-Hélène.
La Ville confie l’aménagement du parc du Mont-Royal au plus réputé des architectes paysagistes américains, Frederick Law Olmsted, le concepteur de Central Park à New York.
Pour faire contraste avec l’agitation de la ville, Olmsted conçoit un vaste espace de verdure apaisant, dont le rôle est d’agir, selon lui, sur le bien-être moral et physique des citadins. Il met en relief la beauté et le charme de la montagne dans une succession de huit paysages le long d’un chemin de montée de sept kilomètres. Il compose les différentes zones paysagères avec des plantes indigènes et exotiques. Même si le plan directeur d’Olmsted n’a pas été réalisé en tous points, ses principes continuent aujourd’hui de guider l’aménagement et la gestion du parc.
Le parc du Mont-Royal est inauguré en mai 1876.
Frederick Law Olmsted propose un réseau de circulation dans le parc, créé pour faire profiter des bienfaits des espaces verts et des points de vue sur la ville aux visiteurs. Les piétons y accèdent par des escaliers et des sentiers; les calèches déambulent sur le grand chemin.
Le paysage de la montagne et de ses environs change
Les interventions humaines se multiplient sur la montagne au tournant du 20e siècle. Dans la foulée de la création du parc du Mont-Royal, différents aménagements viennent enrichir l’expérience de découverte des lieux et des vues.
Même si son édification va à l’encontre du concept de l’architecte Frederick Law Olmsted, qui souhaitait que les gens gravissent la montagne lentement pour profiter de ses bienfaits, un funiculaire est construit en 1884. Localisé dans l’axe de la rue Duluth, le véhicule sur rail amène les visiteurs au sommet tout en offrant un formidable point de vue sur la ville lors de l’ascension. Il sera en activité jusqu’en 1918.
En 1906, on inaugure un belvédère sur le mont Royal, qui deviendra rapidement un lieu de promenade apprécié avec une vue imprenable sur la ville, un lieu de carte postale. Il sera démoli en 1934, remplacé par le chalet actuel.
Quelques institutions, en continuité avec le mouvement amorcé à la période précédente, choisissent de s’installer sur les flancs de la montagne. C’est le cas du Collège Notre-Dame, dont la première aile est érigée en 1881, et de l’Hôpital Royal Victoria en 1893. À proximité, les Sulpiciens complètent leur complexe éducatif avec un Séminaire de philosophie bâti sur le chemin de la Côte-des-Neiges entre 1890 et 1894.
L’Université McGill poursuit son expansion avec la construction de nouveaux bâtiments, dont les pavillons de génie et de physique. Le Musée Redpath y ouvre ses portes en 1882. L’université gère un jardin botanique sur le site de l’actuel parc Summit, situé sur le sommet Westmount de la montagne. Elle le vendra dans la première moitié du 20e siècle à la Ville de Westmount, à la condition qu’il devienne une réserve d’oiseaux et de plantes; l’espace vert au sommet de cette colline sera ainsi préservé jusqu’à nos jours.
La montagne et la qualité de vie des habitants de Montréal
Une partie de la population bénéficie de nouveaux services publics au tournant du siècle, notamment l’électricité, le chauffage au charbon ou au gaz. Des réservoirs d’eau potable s’ajoutent sur la montagne pour répondre aux besoins croissants : celui de Côte-des-Neiges en 1893 et le réservoir Vincent d’Indy en 1907.
La création du parc du Mont-Royal survient alors que s’intensifient les activités ludiques et sociales sur la montagne, notamment l’observation de la nature ou la pratique de sports, particulièrement les sports d’hiver comme la glissade et la raquette.
Sur le flanc est, le parc comprend un terrain qui s’étend jusqu’à la rue de l’Esplanade, entre les avenues des Pins et du Mont-Royal – l’actuel parc Jeanne-Mance. À l’ouest de l’avenue du Parc, qui sera ouverte en 1883, se trouve ce qu’on appelle le Fletcher’s Field. Ce premier terrain de golf de la ville, qui sera en fonction de 1874 à 1896, attire les amateurs.
À l’est de l’actuelle avenue du Parc, le long des terrains de l’Hôtel-Dieu, l’espace du parc est moins aménagé. Il comprend une carrière, au nord de l’avenue Duluth, et quelques structures associées au site de l’Exposition provinciale qui se trouve du côté nord de l’avenue du Mont-Royal. Les familles visitent cette exposition annuelle qui s’y tient entre 1878 et 1896, avec son Palais de cristal où l’on présente des concerts, des réceptions et diverses expositions agricoles et horticoles. Après la fermeture de l’Exposition, cette partie de l’actuel parc Jeanne-Mance est réaménagée pour accueillir des équipements de sports et de loisirs.
Sur le flanc nord de la montagne, les cimetières occupent un vaste espace où se côtoient verdure, sentiers sinueux et monuments funéraires. Ils s’agrandissent au cours de cette période. Comme le parc du Mont-Royal, ils sont des lieux de promenade appréciés des Montréalais.
Études sur le site patrimonial déclaré du Mont-Royal
COMMISSION DES BIENS CULTURELS DU QUÉBEC. Étude de caractérisation de l’arrondissement historique et naturel du Mont-Royal. 2005.
POITRAS, Claire. L’arrondissement historique et naturel du Mont‐Royal, une montagne dans la ville. Une identité façonnée par les interactions entre les activités humaines et un milieu naturel. Rapport présenté au Bureau du Mont‐Royal et au ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine du Québec, Institut national de la recherche scientifique, Montréal, juillet 2011.
Publications
DE LAPLANTE, Jean. Les parcs de Montréal : des origines à nos jours. Montréal, Éditions du Méridien, 1990.
DUFRESNE, Sylvie. « Attractions, curiosités, carnaval d’hiver, expositions agricoles et industrielles : le loisir public à Montréal au XIXe siècle », dans BRAULT, Jean-Rémi, dir. Colloque Montréal au XIXe siècle. Des gens, des idées, des arts, une ville. Montréal, Leméac, 1990, p. 233-267.
LINTEAU, Paul-André. Brève histoire de Montréal. Montréal, Boréal, 1992.
LINTEAU, Paul-André. Histoire de Montréal depuis la Confédération. Montréal, Boréal, 2000.
RÉMILLARD, François et Brian MERRETT. Demeures bourgeoises de Montréal. Le Mille carré doré 1850-1930. Montréal, Éditions du Méridien, 1986.
ROBERT, Jean-Claude. Atlas historique de Montréal. Montréal, Art Global, Libre Expression, 1994.
VILLE DE MONTRÉAL. Les rues de Montréal : répertoire historique. Montréal, Éditions du Méridien, 1995.
YOUNG, Brian. Photos de Geoffrey James. Une mort très digne. L’histoire du cimetière Mont-Royal. McGill-Queen’s University Press, 2003.
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1872
Début des expropriations pour la création du parc du Mont-Royal.
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1874
Embauche de Frederick Law Olmsted pour dessiner les plans du parc du Mont-Royal.
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1874
Deuxième Charte de la Ville de Montréal : agrandissement des limites de Montréal, qui englobent ainsi les terrains du parc du Mont-Royal.
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1874
Création du Village de Notre-Dame-de-Grâce, qui devient Village de Côte-Saint-Antoine, puis Westmount en 1890.
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1875
Incorporation du Village d’Outremont; il devient une ville vingt ans plus tard.
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1876
Inauguration du parc du Mont-Royal.
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1878
Incorporation du Village de Saint-Louis-du-Mile-End, qui devient Ville de Saint-Louis en 1895 et est annexé à Montréal en 1909.
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1881
Construction du Collège Notre-Dame sur Côte-des-Neiges.
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1884
Incorporation de la Ville de Saint-Jean-Baptiste; annexion à Montréal la même année.
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1885
Inauguration du funiculaire (en service jusqu’en 1918).
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1889
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1893
Ouverture de l’Hôpital Royal Victoria.
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1906
Ouverture du belvédère offrant une vue panoramique sur la ville en direction sud, avec pavillon de restauration.
L’installation d’établissements scolaires et de santé à flanc de montagne marque cette période, avec l’ouverture du parc du Mont-Royal et ses aménagements récréatifs. Plusieurs traces en témoignent aujourd’hui.
La petite histoire du mont Royal
Les amis de la montagne
Grand Répertoire du patrimoine bâti de Montréal : le Mille carré doré
Service de la mise en valeur du territoire et du patrimoine de la Ville de Montréal
Montréal en quartiers : quartier Square Mile
Réalisé par Héritage Montréal
Beveridge, Dr Charles E. Le mont Royal dans l’œuvre de Frederick Law Olmsted.
Ville de Montréal
Musée McCord
690, rue Sherbrooke Ouest
Montréal (Québec) H3A 1E9
Renseignements généraux : 514 398-7100
info@mccord.mcgill.ca
Les amis de la montagne et la maison Smith
1260, chemin Remembrance
Montréal (Québec) H3H 1A2
Téléphone : 514 843-8240, poste 0
info@lemontroyal.qc.ca
Centre d’histoire de Montréal
335, place D’Youville (coin St-Pierre)
Vieux-Montréal (Québec) H2Y 3T1
Renseignements : 514 872-3207
chm@ville.montreal.qc.ca
Musée Redpath d’histoire naturelle
859, rue Sherbrooke Ouest
Montréal (Québec) H3A 0C4
Téléphone : 514 398-4086, poste 00549
redpath.museum@mcgill.ca