Les Jésuites déménagent loin de la ville!
Le Collège Sainte-Marie est fondé par les Jésuites en 1848. Son emplacement, sur la rue Dorchester (aujourd’hui boulevard René-Lévesque) entre les rues de Bleury et Saint-Alexandre, est devenu trop exigu au début du 20e siècle pour le collège grandissant. La solution envisagée est de déménager une partie des activités vers un site plus tranquille à l’extérieur de la ville. À l’instar des autres communautés religieuses, les Jésuites décident de rejoindre les pourtours de la montagne. Le Collège Sainte-Marie acquiert ainsi les 42 arpents de la ferme Leslie à Côte-des-Neiges en 1909. Le plan topographique de 1869 (Fortification Survey) montre que la ferme Leslie avait été aménagée en plusieurs secteurs, avec une maison et ses dépendances, un verger et un boisé. L’emplacement du boisé Leslie recoupe le bois des Pères actuel.
Après leur acquisition, les Jésuites laissent toutefois le terrain en friche pendant près de 20 ans. En effet, la construction des premiers bâtiments du futur Collège Brébeuf ne débutera qu’en 1927. Les parties de l’ancienne ferme Leslie à l’est de l’avenue Louis-Colin et à l’ouest de l’avenue Decelles seront vendues. Une partie du terrain conservé est ensuite réservée à la construction des nouveaux bâtiments et enfin « l’autre part offre à la communauté un parc encore inculte, mais dont les embellissements prochains feront un magnifique ensemble de pelouses, de corbeilles de fleurs, d’allées, d’avenues et de sentiers se prolongeant en sous-bois, dans un labyrinthe de halliers, de buissons touffus, de hautes futaies, de bosquet ombreux, de vallons et de clairières[1] ».
Une masse boisée continue dans le temps
En 1948, les étudiants du collège construisent une grotte avec une statue dela Viergedans le coin nord-est du bois des Pères. Cette grotte accueillait des messes organisées par les Jésuites. Elle fait aujourd’hui face à l’une des verrières du bâtiment de HEC Montréal. Bâtie en pierre des champs, la grotte a gardé son caractère simple et rustique. Seule la niche en pierre latérale accueillant la statue dela Viergea disparu.
La plaquette du 25e anniversaire de Brébeuf publiée en 1953 parle peu de l’aménagement paysager du site, si ce n’est que pour vanter la quantité de travaux de terrassement qui ont été faits pour préparer les terrains de jeux et les pistes de course. Le texte fait tout de même mention d’une « rangée de peupliers et d’érables qui donnent leur ombre aujourd’hui et voilent les toitures surgies des jardins environnants ». Cette rangée fut plantée à la suite de l’élargissement du chemin dela Côte-Sainte-Catherine qui avait fait disparaître les « beaux ormes » longeant le chemin. Un plan de développement de l’architecte Roland Dumais exposé au collège cette même année prévoyait d’ailleurs la disparition de presque tout le boisé pour la construction d’un aréna et de son stationnement! Heureusement, l’expansion subséquente du collège n’a pas suivi ce plan et le boisé est resté intact.
Au cours du 20e siècle, les Jésuites aménagent deux clairières, deux petits étangs clôturés et une éolienne. Malgré quelques arbres coupés, on continue de planter régulièrement des arbres qui font augmenter la biodiversité du boisé. Celui-ci est alors utilisé comme un véritable outil d’éducation par le collège. Les étangs, nommés « étangs du Père Lamarche » et dont les traces ne sont aujourd’hui plus perceptibles, seront remblayés dans les années 1960. Une partie du boisé, le long du boulevard Édouard-Montpetit, sera ensuite rasée au début des années 1960, puis sera reboisée avec le temps.
Même si l’on sait que les Jésuites ont effectué de nombreux aménagements paysagers dans ce boisé, il n’existe aucune trace écrite de leurs travaux, ni de plan précis à ce sujet. Seules les photographies anciennes et quelques vues aériennes permettent de retracer l’histoire de ces aménagements paysagers. Le bois des Pères représente un témoin de la forêt de la montagne, déjà présente à l’époque de la ferme Leslie, qui a subsisté jusqu’à nos jours.
Avec la transformation du système d’éducation québécois à partir des années 1960, le cours classique est remplacé par le nouveau programme collégial et le collège devient graduellement laïc. Les éléments religieux du paysage tombent donc en désuétude et disparaissent graduellement.
En 1992, le Collège Brébeuf vend la portion à l’extrémité nord-est de son terrain à l’École des hautes études commerciales, qui fait construire un pavillon par l’architecte Dan Hanganu sur le boisé originel. Des groupes de citoyens se mobilisent pour demander la protection de cette forêt. Le nouveau pavillon, inauguré en 1996, s’insère alors à travers les arbres de manière à en perturber le moins possible l’environnement boisé. Le caryer cordiforme centenaire a été l’un des pivots centraux du concept architectural. L’édifice effectue en effet un décroché au niveau de la petite masse arborée qui entoure le caryer cordiforme, pour créer une relation physique et paysagère entre l’édifice et la forêt environnante. Le « boisé traversant » est au cœur du concept architectural, l’édifice s’insérant dans le boisé en étant entouré d’arbres sur trois faces.
Depuis, le bois n’a pas connu d’aménagement paysager majeur. Seule la tempête de verglas de 1998 est venue affecter grandement l’état du boisé. Un élagage puis un reboisement sont alors effectués pour le fortifier.
[1] Collège Jean-de-Brébeuf (n. d.). Petite histoire du boisé Jean-de-Brébeuf. Document relatant des entretiens avec des pères jésuites, effectués par les élèves du Collège Jean-de-Brébeuf. Document Word transmis par Jean-Pierre Larose, 27 p.