Bonne ou aide familiale, cette travailleuse fait partie de la réalité montréalaise depuis des siècles. Cette profession peu reconnue a cependant évolué au fil du temps et a su gagner ses galons.
Aides familiales - service du thé
Réalité des domestiques avant le XXe siècle
Sous le Régime français, la Nouvelle-France compte déjà des servantes parmi sa population. Même si les hommes représentent le tiers des domestiques au XVIIIe siècle (on en dénombre approximativement 3000 à Montréal entre 1642 et 1760), la plupart sont donc des femmes. Parfois engagées dès l’âge de quatre ans, les jeunes filles intègrent le service domestique, perçu comme une forme d’apprentissage. Quand il s’agit d’un enfant, le maître s’engage habituellement à subvenir à ses besoins tant matériels, éducatifs que religieux. Ce dernier accorde rarement un salaire en argent à son employé, préférant lui offrir à la fin de son engagement soit des vêtements neufs, soit un animal domestique. L’engagement des enfants dure normalement jusqu’à leur majorité ou leur mariage.
Aides familiales - résidence de Lewis James Sergeant
Dans les années 1850, la révolution industrielle bat son plein en Amérique du Nord. Les femmes empruntent le chemin de l’usine car, même si cette occupation est bien moins rémunérée que le travail domestique, elle permet d’acquérir une certaine indépendance par rapport au patron : le soir venu, l’employée quitte son travail, contrairement aux servantes en général. Malgré tout, la profession de domestique demeure exercée par des femmes à 90 %.
Le féminisme au service des domestiques
Aides familiales - cours d'arts ménagers
Histoire de famille
Marie Lacoste Gérin-Lajoie vers 1915
Les aides familiales du nouveau millénaire
Aides familiales - femmes immigrantes vers 1911
Au fil des ans, la profession d’aide familiale a gagné une certaine sécurité sociale sur le plan des normes du travail. Toutefois, une image péjorative est encore accolée à cet emploi. Pourtant, l’importance de ce personnage dans l’histoire du Québec et de l’Amérique du Nord ne saurait être amenuisée. Les films et les livres qui mettent en scène des domestiques ne se comptent plus. Une preuve indéniable de la grandeur de leur rôle auprès des familles, malgré la contrainte d’avoir une présence effacée…
Cet article est paru dans le numéro 41 du bulletin imprimé Montréal Clic, publié par le Centre d’histoire de 1991 à 2008. Il a été rédigé en collaboration avec des stagiaires du cours Stage en milieu professionnel du département d’histoire de l’Université du Québec à Montréal : Simon St-Michel, Isabelle Dubois et Michel Trottier. Le stage était issu d’une collaboration entre Joanne Burgess, professeure au département d’histoire de l’UQAM, le Centre d’histoire de Montréal et l’Association des aides familiales du Québec. Les stagiaires ont contribué à la recherche documentaire de l’exposition Plus que parfaites, les aides familiales à Montréal 1850-2000 présentée au Centre d’histoire de Montréal et à la publication d’un livre du même titre. Le travail de recherche a été supervisé conjointement par Joanne Burgess, Raphaëlle De Groot et Elizabeth Ouellet.
Les appartements des domestiques, à compter du XIXe siècle, ont été fort variés. En effet, les conditions de vie des domestiques dépendaient directement de la situation de leurs maîtres.
Au milieu du XIXe siècle, il n’était pas rare de voir, chez les familles de classe moyenne, une seule chambre pour deux domestiques féminines qui partageaient donc le même lit. Ces chambres étaient mal chauffées, mal éclairées, mal aérées, peu meublées et pas décorées.
Cependant, dans les maisons bourgeoises, les domestiques avaient droit à leur propre chambre qui contenait beaucoup de mobilier. Leurs conditions de vie étaient également meilleures. Dans ces maisons, l’étage des chambres et les chambres elles-mêmes étaient d’un tel confort que les maîtres y logeaient certains de leurs invités à l’occasion.
Beaucoup de chambres de domestiques étaient aménagées sous les combles, peu importe le statut de la famille. Si elles n’étaient pas au grenier, on les trouvait au sous-sol. Les chambres situées sous le toit étaient généralement humides, glaciales ou suffocantes. Celles des sous-sols étaient, elles aussi, bien froides durant la période hivernale.
De petits groupes de domestiques, travaillant dans les maisons des plus fortunés, pouvaient se vanter d’avoir une salle de séjour à leur disposition. Certains d’entre eux pouvaient y recevoir des amis ou un futur prétendant.
Les cuisines étaient des locaux utilisés exclusivement par les domestiques. Certains y travaillaient, tous y mangeaient et beaucoup venaient s’y reposer le soir venu. Encore une fois, il s’agissait de locaux mal aérés et mal éclairés. De plus, la chaleur était souvent écrasante en raison du feu qu’on maintenait tout au long de la journée.
En somme, les appartements des domestiques étaient de moindre qualité. Malgré quelques rares exceptions, ces lieux offraient des conditions de vie difficiles pour la majorité des domestiques.
De la fin du XIXe siècle au milieu du XXe, les domestiques de la région de Montréal accomplissaient leur travail avec la seule force de leurs bras. En effet, le nettoyage des maisons se faisait principalement avec des outils manuels. La venue du pouvoir électrique aurait pu simplifier leurs tâches, mais les appareils ménagers électriques ont d’abord servi dans l’hôtellerie et la restauration dès le début du XXe siècle. Survient ensuite la crise économique des années 1930 qui empêche beaucoup de familles d’acheter des appareils.
Il faudra attendre la Seconde Guerre mondiale pour que les domestiques utilisent de façon courante des appareils ménagers électriques. La plupart des écrits révèlent que les tâches n’ont pas été simplifiées. Les maîtres, sachant que les domestiques pouvaient accomplir leur ouvrage plus efficacement, rajoutèrent certaines tâches sur une liste pourtant déjà bien longue…
DE GROOT, Raphaëlle et Élizabeth OUELLET. Plus que parfaites. Les aides familiales à Montréal, 1850-2000, Montréal, Éditions du Remue-Ménage, 2001, 177 p.
LACELLE, Claudette. Les domestiques en milieu urbain canadien au XIXe siècle, Ottawa, Environnement Canada-Parcs, 1987, 278 pages.