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Petites-Mains ou l’inclusion des femmes immigrantes montréalaises

22 février 2021
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Petites-Mains, entreprise montréalaise d’insertion sociale, vient en aide aux femmes immigrantes en risque d’exclusion sociale. Son succès prouve l’efficacité de sa méthode.

Petites-Mains est une entreprise d’économie sociale œuvrant à l’insertion des femmes immigrées en risque d’exclusion sociale en raison de leur culture ou de leur religion. Il s’agit souvent de femmes monoparentales, sans revenu ou prestataires d’un soutien public de revenu. L’organisation les aide à sortir de leur isolement et leur donne les moyens d’accéder au marché du travail par l’économie sociale d’une manière valorisante.

Conséquences locales des flux migratoires planétaires

Petites-Mains 1

Cinq femmes sont assises à des tables dans une classe.
Petites-Mains
La mission de cette entreprise est liée aux conséquences de la migration humaine, phénomène millénaire dont les manifestations et les déploiements ont changé récemment, car le monde s’est globalisé. Selon les estimations de l’Organisation internationale pour les migrations, en 2019, les 272 millions de migrants internationaux représentaient 3,5 % de la population mondiale. Dans les dernières années, les conflits non résolus ont augmenté le nombre de réfugiés, et une grande partie d’entre eux sont des femmes.

Au Canada, le recensement de 2016 montrait que le nombre de communautés ethniques présentes sur le territoire s’approchait alors de 200. Un aperçu du portrait multiethnique montréalais est offert par les arrondissements Côte-des-Neiges—Notre-Dame-De-Grâce et Villeray—Saint-Michel—Parc-Extension, où résidaient, en 2016, 136 420 personnes d’origine immigrante, soit 23,8 % des 570 940 immigrants qui habitaient la ville. Ils hébergent donc l’une des plus grandes populations immigrantes et multiethniques à Montréal.

Dans les domaines du développement local et de l’économie sociale, l’entreprise Petites-Mains, tout d’abord située dans Côte-des-Neiges, est un exemple. Le développement local est une dynamique dans laquelle tous les acteurs sociaux coordonnent leurs actions pour mener des projets favorisant l’intérêt commun. Les acteurs locaux contribuent à générer des dynamiques novatrices pour réactiver les relations entre les acteurs sociaux du territoire. Quant à l’économie sociale, elle est devenue un outil puissant pour favoriser localement le développement humain et l’insertion sociale de ceux qui sont exclus de la société.

Exemple de développement local et d’économie sociale

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Des femmes travaillent sur des machines à coudre dans un grand atelier.
Petites-Mains
Petites-Mains a vu le jour en 1992 dans le quartier Côte-des-Neiges après qu’un comptoir qui fournissait des aliments aux familles démunies du secteur a fermé ses portes. Une religieuse de la congrégation de Sainte-Croix, sœur Denise Arsenault, a alors réuni les femmes fréquentant le lieu pour trouver une solution nouvelle et durable au problème d’approvisionnement en aliments des plus pauvres du secteur. À la suite de cette réunion est née, l’année suivante, l’idée d’organiser un premier programme de formation alternative : un projet de couture. En 1994, sœur Denise Arsenault rencontre Nahid Aboumansour, immigrante d’origine libanaise, qui est actuellement la directrice de l’entreprise. Elles ont travaillé ensemble et, deux mois plus tard, un atelier de couture devenait fonctionnel, réunissant 10 couturières à temps partiel. Depuis, Petites-Mains produit une variété de vêtements pour hommes et femmes et des accessoires, toujours selon une philosophie équitable, c’est-à-dire respectant les droits de la personne et les ressources naturelles. C’est à ce moment que le nom de Petites-Mains a été adopté, nom sous lequel l’entreprise s’est constituée en société en 1995.

Depuis sa fondation, Petites-Mains a connu une croissance et un développement continus. En 2000, l’organisation est reconnue entreprise d’insertion sociale et acceptée comme membre du Collectif des entreprises d’insertion du Québec. Depuis sa constitution en entreprise d’insertion, trois grands volets sont devenus les piliers de sa méthode d’insertion des femmes : l’insertion correspond à la formation personnelle et à l’intégration sociale; la formation touche la formation technique proprement dite et la productivité; le socioculturel implique des cours de francisation organisés en partenariat avec le ministère de l’Immigration et la Corporation de développement économique communautaire.

Petites-Mains 4

Gros plan sur deux femmes travaillant sur des machines à coudre industrielles dans un grand atelier.
Petites-Mains
En 2006, 150 personnes sont quotidiennement dans les locaux de l’entreprise, et plus de 1500 profitent annuellement des différents services de formation, d’aide, d’accueil, de références et de placement. En 2007, Petites-Mains quitte Côte-des-Neiges et s’installe sur le boulevard Saint-Laurent, dans un immeuble qui lui permet de poursuivre les projets déjà existants et d’en concrétiser de nouveaux, tels que l’atelier de sérigraphie et de broderie, où sont imprimés des logos et autres visuels sur divers supports, et le Café-Comptoir équitable et spécialisé en cuisine internationale, où sont servis des repas complets et des collations. Pour ce déménagement, les directrices de l’entreprise ont ciblé un quartier central, multiethnique et très accessible à une clientèle issue de tous les quartiers de Montréal, ceci pour accomplir leur tâche plus efficacement. Le nouvel immeuble rend possibles l’expansion des activités de l’entreprise, l’amélioration de la qualité de la formation et l’encadrement des participantes dans un processus d’accompagnement nécessaire à leur insertion sociale.

Stratégies d’insertion socioéconomique des femmes immigrées 

Petites-Mains 5

Six femmes debout prennent la pose devant une table garnie de bols et d’assiettes remplis de nourriture.
Petites-Mains
Les programmes de formation ainsi que les services offerts par Petites-Mains ont été conçus pour favoriser l’insertion socioéconomique des participantes à partir de leurs besoins personnels et dans un encadrement structuré, au niveau tant professionnel que social. Grâce au programme Femmes et métiers, l’entreprise forme et insère 40 participantes par année au marché du travail, en partenariat avec Service Canada. Par les programmes Couture industrielle, Aide-cuisinière ou Commis de bureau, offerts en partenariat avec Emploi-Québec, l’entreprise forme et insère chaque année 64 femmes. Le programme Action Diversité épaule les femmes immigrantes vivant des situations d’exclusion en raison de leur culture, de leur bas niveau de scolarité, du manque d’expérience professionnelle pour mieux s’intégrer à la société d’accueil. Ce programme leur donne accès aux différents ateliers d’introduction à la société québécoise et leur offre un appui psychosocial personnalisé. Les femmes qui le suivent ont la possibilité de participer à des sorties culturelles et de mieux s’adapter aux réalités de leur nouvelle société. Le programme est financé par le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles.

Profitant des programmes de formation alternative offerts par Petites-Mains, les participantes peuvent intégrer le marché du travail, approfondir leur connaissance de la culture d’accueil ainsi que se familiariser avec le monde du travail. D’autre part, les participantes apprennent à se valoriser par le partage et par les pratiques de valorisation de soi, expérimentés pendant le processus formatif. Selon les intervenantes, à la fin du programme, la plupart des participantes sont satisfaites de la formation reçue. De même, l’entreprise est fière du succès de ses participantes sur le marché du travail. 

Initiative locale, Petites-Mains est un exemple d’entreprise qui mobilise et gère une diversité de ressources selon les principes de l’économie sociale. Les résultats de cette organisation permettent de constater l’incidence de l’économie sociale dans la revitalisation du secteur productif montréalais grâce à des initiatives socioculturelles et à la formation d’une main-d’œuvre spécifique. Visant l’insertion socioéconomique et culturelle des femmes, celle des immigrantes en risque d’exclusion sociale en particulier, la formation leur donne plus de chances d’intégrer activement et productivement la société d’accueil, et de faire partie des talents dont une ville a besoin pour croître.

Références bibliographiques

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CASTELS, Stephen. « Migración internacional a comienzos del siglo XXI: tendencias y problemas mundiales », Revista Internacional de Ciencias Sociales, UNESCO, no 165, 1965, p. 17-32.

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https://publications.iom.int/books/informe-sobre-las-migraciones-en-el-m...

PECQUEUR, Bernard. Le développement économique local, Syros, Paris, 1989.

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https://www12.statcan.gc.ca/nhs-enm/2011/as-sa/99-010-x/99-010-x2011001-...

VEGA, Reina Victoria. Le rôle de l’action communautaire dans l’insertion sociale à Montréal, Montréal, CIDIHCA, 2019.