Créé en 1861, l’Institut Nazareth offre éducation et hébergement aux personnes aveugles de Montréal. Premier établissement de ce type au Canada, il laissera sa marque dans le paysage de la ville.
Institut Nazareth 1920
La création d’un premier asile pour aveugles sera l’initiative du père Benjamin-Victor Rousselot. Originaire de France et ayant lui-même des problèmes visuels, il s’inspire de l’Institution des aveugles de Paris pour fonder en 1858 une première salle d’asile dans un local de l’hospice Saint-Joseph de Montréal. Ce premier asile n’est alors pas réservé spécifiquement aux aveugles, mais offre divers secours aux démunis du quartier Saint-Antoine. Trois ans plus tard, Rousselot sollicite les Sœurs grises pour ouvrir un nouvel établissement, sur un vaste terrain situé sur la rue Sainte-Catherine, entre les rues Saint-Urbain et Jeanne-Mance. Ce nouvel édifice portera d’abord le nom d’Asile Nazareth.
Une institution pionnière
Atelier Nazareth
Au cours de la première décennie, l’Asile accueille trois ou quatre nouveaux pensionnaires par année. Le nombre d’admissions double toutefois à partir des années 1870, pour atteindre environ 12 nouvelles inscriptions au tournant du XXe siècle.
Pendant les premières années, les procédés d’écriture pour aveugles étant encore à leurs balbutiements au Canada, les religieuses enseignent surtout le développement d’habiletés manuelles. L’Asile Nazareth fait toutefois figure de pionnier, car il est la première école à introduire l’enseignement du braille en Amérique du Nord.
Créé par Louis Braille à la fin des années 1820, ce système d’écriture tactile mettra près de 100 ans à s’imposer à travers l’Occident. Au moment où l’Asile Nazareth est créé, divers systèmes d’écriture sensorielle se font encore concurrence, particulièrement de ce côté-ci de l’Atlantique. Bien que les sœurs de l’Asile Nazareth optent pour le braille, se procurer des ouvrages n’est pas une mince affaire. Les quelques livres en braille sont encore tous imprimés en Europe. Les livres sont importés au compte-goutte, à prix élevé, en raison des coûts de transport. Malgré la quasi-absence d’ouvrage en braille, ce système d’écriture est tout de même enseigné à Nazareth dès 1865. Le manque de manuels est en partie compensé par un enseignement oral. Les services de l’Institut incluent aussi des ateliers de travail ainsi qu’un département de musique. L’enseignement de la musique occupera d’ailleurs une place prépondérante à Nazareth, qui formera de nombreux musiciens, dont plusieurs feront ensuite carrière comme organistes d’église ou accordeurs de piano.
Déménagements et mutations
Institut Louis-Braille
Au tournant des années 1930, de nouvelles associations, souvent fondées par d’anciens pensionnaires de l’Institut, voient le jour. Face à cette nouvelle concurrence, l’Institut Nazareth cède peu à peu certains secteurs d’activité à d’autres organismes. L’Institut restreint ainsi graduellement son offre de services pour se consacrer principalement à l’éducation des aveugles d’âge scolaire et devient à l’aube des années 1940 une école spécialisée pour les jeunes garçons et les filles âgées d’environ 25 ans et moins. En 1940, l’Institut déménage à nouveau, pour s’installer cette fois dans un édifice de la Côte-Saint-Michel (aujourd’hui boulevard Crémazie Est).
Ayant adopté la mixité depuis ses débuts, Nazareth délaisse finalement l’éducation des garçons en 1953. Celle-ci est alors confiée au tout nouvel Institut Louis-Braille, dirigé par les Clercs de Saint-Viateur, qui a pignon sur la rue Claremont, à Westmount, jusqu’à ce qu’il déménage en 1960 sur la rue Beauregard à Longueuil.
Réformes gouvernementales et nouveau mandat
Institut Nazareth - enseignement
Les politiques adoptées par le gouvernement québécois bouleversent en profondeur les deux principaux instituts pour aveugles, qui se dotent d’une nouvelle structure administrative en 1975. L’Institut Nazareth et l’Institut Louis-Braille fusionnent alors pour former l’Institut Nazareth et Louis-Braille, devenant du même coup un organisme public. La communauté des Sœurs grises reprend alors pour son usage l’édifice occupé par l’Institut Nazareth, sur le boulevard Crémazie. Quant aux élèves des deux anciens instituts, ils seront à nouveau regroupés dans un seul campus, soit celui de l’immeuble de l’ancien Institut Louis-Braille, à Longueuil.
Puis, en 1979, le gouvernement québécois régionalise les services d’éducation adaptés aux enfants aveugles et semi-voyants. Les enfants résidant dans les régions de l’ouest de la province sont désormais pris en charge par la Commission scolaire de Chambly. Cette réforme entraine la fin de l’œuvre éducative à l’Institut Nazareth et Louis-Braille, transformant ainsi le mandat de l’organisme, qui se consacre depuis à la réadaptation. Installé au 1111, rue Saint-Charles, à Longueuil, et intégré au CISSS (centre intégré de santé et de services sociaux) de la Montérégie-Centre, l’Institut Nazareth et Louis-Braille offre aujourd’hui divers services de réadaptation aux personnes ayant une déficience visuelle résidant dans les régions de Montréal, de la Montérégie et de Laval.
COMMEND, Susanne. Les Instituts Nazareth et Louis-Braille, 1861-2001 : Une histoire de cœur et de vision, Québec, Septentrion, 2001, 326 p.
PATRIMOINE IMMATÉRIEL RELIGIEUX DU QUÉBEC. « L’éducation aux aveugles à l’Institut Nazareth », [En ligne], Récit de pratique culturelle.
http://www.ipir.ulaval.ca/fiche.php?id=378
TRUDEAU, Nicole. « Institut Nazareth », [En ligne], Encyclopédie canadienne, 16 décembre 2013.
https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/institut-nazareth