Dans le cadre de l’exposition Dialogue avec la communauté sino-montréalaise, le MEM est allé à la rencontre de personnes de la communauté. Ici, le parcours de Janet Sui Jing Lumb.
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L’héritage de sa mère
Née à Toronto, Janet passe une grande partie de son enfance à aider ses parents,
Jean Lumb et Doyle Lumb, dans leur renommé restaurant Kwong Chow Chop Suey House, situé dans le Quartier chinois. Sous la direction de Jean, cet établissement rencontre un succès retentissant auprès d’une clientèle mixte et devient rapidement un carrefour d’échanges pour les journalistes et les politiciens. Selon elle, la nourriture n’est pas seulement un moyen de subsistance, mais une façon de promouvoir sa culture et de faire évoluer la perception qu’ont les Canadiens blancs des Chinois. En réaction aux expropriations au quartier, elle s’engage davantage dans la préservation du patrimoine culturel et crée le comité Save Chinatown qui a pour mandat d’empêcher de futures démolitions. Elle voyage ensuite dans d’autres villes canadiennes en mission de sauvetage. Le combat de Jean marquera un moment charnière dans l’éducation de Janet : « J’attribue toutes mes bonnes qualités communautaires à ma mère. C’est une combattante et une pionnière de la défense des droits des Chinois. Elle a été refusée à deux écoles blanches pour aller dans une école ségréguée pour les Autochtones et les Asiatiques dans les années 1920. Elle a lutté pour le droit de vote vers 1941. Elle s’est battue contre l’embourgeoisement de la région de Toronto. Elle a été la première femme d’origine chinoise à recevoir l’Ordre du Canada. »
Trouver son propre combat
Dans les années 1970 et 1980, Janet travaille comme éducatrice sociale dans des foyers collectifs pour jeunes à Vancouver. Elle est la seule employée racisée et tous les jeunes, pour la plupart autochtones, demandent de ses nouvelles durant ses jours de congé. « J’étais comme eux et je comprenais ce que c’était d’être différent. Je n’étais pas riche et je venais d’une minorité culturelle », explique Janet. Ces premières expériences de travail la sensibilisent grandement aux inégalités sociales et approfondissent son sens de l’empathie et sa générosité.
Festival Accès Asie
Janet s’installe à Montréal vers la fin des années 1980. Pour mettre de l’avant le talent des artistes asiatiques, elle fonde en 1995 avec Bernard Truong le Festival Accès Asie, un évènement pancanadien basé à Montréal coïncidant avec la célébration nationale du Mois du patrimoine asiatique. Compositrice et saxophoniste de formation, Janet se donne l’objectif de combattre les stéréotypes et les barrières de la culture dominante et d’exposer le grand public aux arts et histoires asiatiques.
L’Espace vert du Quartier chinois
L’une des contributions les plus importantes de Janet Lumb à la communauté du Quartier chinois demeure L’Espace vert du Quartier Chinois. Co-organisé par Janet, ce jardin communautaire aussi appelé
Green Chinatown Montreal est né en raison du manque d’espaces verts dans le quartier. Situé à l’origine devant l’Hôpital chinois, il vise à offrir une activité de plein air thérapeutique aux patients. Rapidement, le projet prend de l’ampleur et devient un environnement convivial où riment partage et découverte. Il sert aussi à briser l’isolement social des aînés chinois en les amenant à participer en grands nombres à l’essor d’un potager biologique au sein de leur quartier – un bénéfice inespéré pour Janet. « Beaucoup de résidents âgés sont venus et ont insisté pour nous enseigner les bonnes techniques pour récolter certains légumes asiatiques. Cela a abouti à d’extraordinaires échanges interculturels et intergénérationnels », explique Janet avec une expression d’étonnement. Au fil des ans, le jardin communautaire déménage à plusieurs reprises. L’Espace vert est aujourd’hui situé à l’extrémité nord-est de Parthenais et Masson, loin du Quartier chinois.
La lutte d’une vie
Comme sa mère, Janet a mené plusieurs combats acharnés et est devenue un modèle d’inspiration et de militantisme pour la communauté. Elle reste active dans sa lutte contre la discrimination et pour la préservation de la culture chinoise; elle travaille étroitement avec plusieurs groupes, dont les Chinois progressistes du Québec et le Groupe de travail sur le Quartier chinois de Montréal. Douée d’une polyvalence rare, elle continue à partager sa passion pour la musique à travers plusieurs projets. Son plus grand souhait demeure de redonner au Quartier chinois son jardin communautaire.