En 2017, l’exposition du Centre d’histoire Fil de tendresse, fio de ternura dévoile la relation entre grands-parents et petits-enfants luso-montréalais. Les aînés témoignent ici de ces liens.
Fil de tendresse - Famille Torres
En 2015, elle fait donc appel à deux amis, Fernando dos Santos, photographe, et Francisco Peres, vidéaste, pour aller à la rencontre de grands-parents et de petits-enfants luso-montréalais. Joaquina Pires est le moteur de ses rencontres et de cette collecte de données qui sont le ferment de l’exposition. Il s’agit de capter des regards, des gestes, des mots qui illustrent des relations bâties entre les générations et parfois par-delà l’océan.
Cette démarche exploratoire et mémorielle conduit à l’élaboration de l’exposition du Centre d’histoire de Montréal Fil de tendresse, fio de ternura, dont Joaquina Pires est la commissaire. Elle présente des textes, des photographies et des films ayant pour sujet des grands-parents et des petits-enfants de la communauté portugaise de Montréal.
Les vidéos présentées dans ce projet ont été tournées à l’hiver 2016 à Montréal, notamment à la Maison des Açores du Québec et au Centre communautaire Santa Cruz. Trois rencontres ont eu lieu, deux avec des aînés, âgés de 60 à 87 ans, et une avec des jeunes, âgés de 15 à 27 ans. La participation était volontaire; il leur était demandé de parler de leurs grands-parents ou de leurs petits-enfants.
Du côté des grands-parents
Dans des mots très colorés les plus âgés expriment ce qu’ils ressentent en tant que grands-parents : « C’est une deuxième chance donnée par le Bon Dieu », « Être grand-mère, c’est une beauté ». Ils expliquent aussi ce que représentent leurs petits-enfants : « Mes petits-enfants sont tout pour moi. Quand ils viennent à la maison, c’est une journée de pur bonheur. L’occasion de cuisiner les bons petits plats qu’ils aiment »; « Mes petits-enfants et arrière-petits-enfants sont les nouvelles racines de la famille. C’est ce que j’ai de plus précieux au monde »; « Mes deux petits-enfants sont mes deux grands amours ».
La plupart des grands-parents ont bien sûr leur rôle très à cœur. Un futur grand-père constate qu’il va changer de statut et estime qu’il est très gratifiant d’être grand-père. Il espère gâter son futur petit-enfant, mais aussi lui servir de guide et lui transmettre la culture, la langue portugaises. Il souhaite l’emmener à des activités en portugais et être assez discipliné pour lui parler en portugais. Une grand-mère aime jouer son rôle en étant « plus relax », car elle a maintenant plus de temps que quand elle était mère. Une autre affirme que sa relation avec ses jeunes petits-enfants est un partage avec une distance et une liberté qu’elle n’avait pas en tant que parent. Elle veut seulement jouer le rôle de grand-mère, être « une grand-maman gâteau, pas la mère suppléante et autoritaire ». Elle déclare avec le sourire : « L’éducation, c’est les parents qui la donnent. J’ai le beau rôle : les faire jouer, leur faire découvrir la vie, les rendre curieux, par exemple de ma culture d’origine. »
Le passage à la postérité est ainsi un thème très souvent abordé par les grands-parents. Comme beaucoup, un couple parle de la transmission de la langue et de la culture portugaises, mais il ajoute qu’il voudrait aussi inculquer des principes et une certaine morale à leurs petits-enfants. Un autre couple affirme avec une grande satisfaction : « Nos petits-enfants se débrouillent en portugais. Ils aiment notre culture et en sont fiers. Ils regardent la télé en portugais et aiment le fado! Ils sont fiers de leurs origines. »
Une relation en portugais
Cependant, la transmission de la langue est parfois épineuse. Un aîné constate que « parler portugais avec les petits-enfants est plus difficile qu’avec les enfants ». Une grand-mère explique : « J’essaie de leur apprendre le portugais, mais ce n’est pas facile parce que mon gendre et ma belle-fille sont Québécois. Je parle [à mes petits-enfants] en portugais, ils me comprennent. » Un autre grand-père confie : « Nous voudrions communiquer en portugais avec nos petits-enfants, mais ce n’est pas évident, surtout quand ils sont adolescents : ils s’intègrent au présent et le portugais n’est alors pas leur langue. » Pour beaucoup, l’enseignement de la langue portugaise est un effort réel et nécessaire. Une grand-mère y investit un grand espoir : « C’est beaucoup de discipline de m’adresser à eux toujours en portugais. Je souhaite leur donner le goût de la langue portugaise. Que ce soit la langue du plaisir, une langue ludique. Je veux leur apprendre un portugais qu’ils seront fiers de parler, par les histoires, les jeux… pour que, pour eux, le portugais et le Portugal soient la terre de tous les possibles. »
Ainsi les petits-enfants apportent des moments de vrai bonheur à leurs aïeux. Une grand-mère, parlant de sa vieillesse, s’enthousiasme : « Ils ont facilité cette étape de ma vie. » Une autre dit : « À cause d’eux, je vois la vie autrement. Ils m’apportent une sérénité que je ne connaissais pas. Nos petits-enfants nous donnent l’épaisseur du temps qui passe. »