À la crèche de l’Oratoire Saint-Joseph

C’est en décembre 1950 que la première crèche extérieure grandeur nature est aménagée à l’Oratoire Saint-Joseph. Aux côtés des personnages de la Nativité et des frères de la congrégation de Sainte-Croix, monseigneur Paul-Émile Léger, qui n’est pas encore cardinal, donne sa bénédiction lors d’une cérémonie extérieure diffusée le jour de Noël sur les ondes de CKAC. Malgré le temps glacial, une centaine de parents et d’enfants viennent rendre hommage à l’Enfant Jésus couché dans sa mangeoire.

L’initiative émane du comité du Noël Chrétien, formé d’hommes d’affaires montréalais. L’objectif est de rechristianiser la fête de Noël. En effet, plusieurs ont remarqué une baisse de la dévotion depuis la fin de la guerre. La tradition des crèches est alors mise de l’avant. Initiée en 1223 par saint François d’Assise, cette pratique était largement diffusée en Europe, mais encore relativement nouvelle au Québec. Bien que les crèches aient traversé l’océan vers la Nouvelle-France avec les premières communautés religieuses, elles n’ont trouvé leur place sous la plupart des sapins qu’autour des années 1930. Les personnages de la première crèche de 1950 sont considérés comme « une tentative sommaire » par la direction du sanctuaire du mont Royal, qui prend en charge la crèche en 1951 et mandate un sculpteur pour la fabrication des personnages de la Nativité. Dès les années 1950, les artistes, mais aussi les écoliers, se mettent donc à fabriquer des santons, chacun avec sa touche personnelle.

Si la première crèche à l’Oratoire Saint-Joseph est un franc succès, les frères de Sainte-Croix sont néanmoins résolus à offrir une version plus raffinée l’année suivante. Souvent sollicité pour confectionner des œuvres pour l’institution, l’artiste montréalais d’origine italienne, Joseph Guardo, reçoit ainsi l’éminente commande. De sa boutique du 963, rue Rachel Est, il conçoit les plans et la maquette de l’œuvre. Une fois celle-ci finalisée et inaugurée sur la terrasse de l’Oratoire le 22 décembre 1951, la splendeur des personnages en plâtre grandeur nature ne manque pas d’impressionner les visiteurs, petits et grands. Partout au Québec, les comités de paroisses réclament bientôt leur propre crèche pour orner la devanture de l’hôtel de ville ou l’église. Dans les écoles de la métropole, le comité du Noël Chrétien organise dès 1951 un concours de fabrication de crèches. Les jeunes écoliers de la Croisade eucharistique et de la Ligue des cadets et cadettes du Sacré-Cœur rivalisent de talent et de patience chaque année pour concevoir leur œuvre dans le même esprit que celle du maître Guardo à l’Oratoire Saint-Joseph.

La crèche entre au musée

Après plusieurs Noëls à la belle étoile, les magnifiques œuvres de plâtre de Joseph Guardo se sont détériorées. La crèche est rapatriée à l’intérieur à la fin des années 1970 où, après une restauration, elle est de nouveau exposée à l’abri des intempéries. C’est en 1976 que le Musée de l’Oratoire Saint-Joseph entame sa tradition d’exposition de crèches de Noël. Ressuscitant l’initiative du comité du Noël Chrétien des années 1950, le Musée organise pendant trois ans un concours de crèche en collaboration avec les écoliers de la Commission des écoles catholiques de Montréal (CÉCM). Puis, le Musée commence à faire l’acquisition de crèches et à créer des expositions en partenariat avec des prêteurs privés, des artistes et en collaboration avec les communautés culturelles.

Parfois controversées, comme la crèche « hipster » exposée en 2018 montrant notamment les rois mages équipés de « segway » [gyropode] pour porter leur présent à l’Enfant Jésus, les expositions du Musée de l’Oratoire sont en général appréciées du public et attirent chaque année des milliers de visiteurs. Constituée aujourd’hui de plus de mille ensembles différents, la collection de crèches de l’Oratoire Saint-Joseph fait la fierté de l’institution.

Cet article est paru dans la chronique « Montréal, retour sur l’image », dans Le Journal de Montréal du 24 décembre 2017.