En 1923, les Montréalais reçoivent un cadeau aussi inespéré que généreux. Dans son testament, l’avocat Charles Campbell leur offre, notamment, parcs et concerts gratuits.
La tradition estivale des Concerts Campbell est née de la passion pour la musique et de la générosité peu commune d’un homme très discret. À sa mort, en 1923, l’avocat montréalais Charles Sandwith Campbell laissa en effet un important fonds destiné, entre autres, à la présentation de concerts gratuits dans les parcs de la métropole, et ce, à perpétuité. Voilà maintenant plus de 95 ans que la tradition se poursuit et, depuis, plus de 5000 concerts en plein air ont été présentés par la Succession Charles S. Campbell.
Un homme secret
Charles Sandwith Campbell
Grâce aux revenus importants que lui procurèrent ses années de travail, Campbell put se consacrer à son unique passe-temps, l’élevage de chevaux. Il importait des champions et acquit un grand terrain près de Stanbridge Ridge, non loin de Bedford dans les Cantons de l’Est. Il transforma ce lieu en ferme destinée à l’élevage de chevaux de courses. Délaissant petit à petit son métier, Campbell quitta la ville pour se réfugier à la ferme de Bedford qui devint rapidement son principal lieu d’ancrage. Il abandonna définitivement son bureau en 1923 et mourut dans sa propriété de Bedford le 12 juin de cette même année, à l’âge de 65 ans.
L’homme restait peu connu en dehors du cercle fermé et austère du droit des affaires. Célibataire et sans enfant, timide, réservé et peu communicatif, Charles Campbell ne prit jamais part aux débats publics ni à la politique active. À ce jour, on ne connaît aucune photographie du personnage, sauf ce portrait flou. Pourtant, le testament qu’il laissa à sa mort étonne à de multiples égards. Du jour au lendemain, Campbell devint l’un des philanthropes les plus importants de la ville de Montréal. Il fit tout d’abord don de fortes sommes à des œuvres de charité et à quelques hôpitaux, dont le Kingston General Hospital. L’établissement avait d’ailleurs prévu d’ériger un monument en l’honneur de son bienfaiteur, mais la direction de l’hôpital eut toutes les misères du monde à obtenir un peu d’information sur Charles Campbell. Les administrateurs responsables de la succession durent admettre qu’ils ne savaient presque rien au sujet du mystérieux philanthrope.
Des parcs et de la musique pour tous
Dans le testament, un fonds était aussi prévu pour assurer au cheval préféré de l’avocat, Kodak, une vie confortable jusqu’à la fin de ses jours. Mais ce sont les citoyens de la ville de Montréal qui bénéficièrent le plus des largesses de Campbell. Il laissa en effet une fortune assez importante pour créer une fondation, administrée encore aujourd’hui par le Trust Royal. En tout et pour tout, la somme offerte à la population montréalaise par la succession de Charles Campbell s’élevait à plus de 1 million de dollars, soit plus de 10 millions en dollars d’aujourd’hui.Un cinquième de la somme était destiné à l’acquisition de lots vacants qui seraient transformés en terrains de jeux pour les enfants des quartiers populeux. Ces parcs seront par la suite donnés à la Ville de Montréal qui a aujourd’hui la charge de les entretenir. Enfin, un autre cinquième de son héritage autorisait le Trust Royal à gérer un fonds en fiducie dont les revenus serviraient à la présentation de concerts gratuits durant l’été dans des lieux accessibles aux citoyens de la ville. Pour ce bienfaiteur et grand humaniste, ce don par testament avait pour but de faire la promotion des artistes d’ici, tout en permettant à la population d’assister à des concerts gratuits. Les Concerts Campbell sont aujourd’hui présentés par la Succession Charles S. Campbell gérée par le Trust Royal – RBC Gestion de patrimoine, en collaboration avec la Ville de Montréal. Si, au moment de la création des Concerts Campbell, la plupart des groupes présentés étaient des fanfares militaires, au fil des ans, la Succession a su intégrer divers genres musicaux.
Charles Campbell souhaitait offrir de la musique populaire aux citadins des zones très peuplées de sa ville, ce qui s’inscrivait dans le courant de la démocratisation de la musique héritée de la tradition protestante anglophone. Une tradition maintenue depuis près d’un siècle, pour le plus grand bonheur des Montréalais!
Collaboration à la recherche et à la rédaction : Thomas Élie.