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Les Madelinots de Verdun

23 mars 2020
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Arrivée à Verdun à partir du début du XXe siècle, une communauté d’expatriés madelinots s’y est enracinée.

Fête des enfants du Mouvement Social Madelinot

Un homme et une femme sont debout et tiennent chacun un microphone. Autour d’eux se trouve une foule composée d’enfants et de quelques adultes.
Archives du Mouvement Social Madelinot
Entre 1900 et 1930, plusieurs familles des Îles-de-la-Madeleine quittent l’archipel en raison de la pénurie de travail. Les pêcheurs madelinots doivent alors composer avec les aléas des conditions météorologiques et l’épuisement des bancs de poissons situés près des îles.

Certains trouvent du travail dans les chantiers forestiers de la Côte-Nord, d’autres dans les industries du Saguenay ou de la Mauricie, dans les fonderies de la Nouvelle-Écosse ou dans les usines et hôpitaux de Montréal. Fiers de leurs racines acadiennes, les Madelinots forment des communautés « tissées serrées » dans les nouvelles villes où ils s’établissent et reviennent régulièrement dans leur archipel natal. Pendant ces années, on assiste à la formation d’une véritable diaspora madelinienne.

Quitter les îles et s’établir près du fleuve

Partie de hockey des Phoques de Verdun

Sept hommes en habit de hockey sont agenouillés. Dix autres sont debout, entourés de quatre entraîneurs.
Archives du Mouvement Social Madelinot
En 1899, Arsène Richard, né dans une famille acadienne, devient curé de Verdun. Il fonde la paroisse mère de Verdun, Notre-Dame-des-Sept-Douleurs. Plusieurs Acadiens de la Gaspésie et des Maritimes, qui immigrent à Montréal pendant cette période pour trouver du travail, sont accueillis par le curé. En 1932, le curé fonde l’hôpital de Verdun et se met à la recherche d’infirmières bilingues. De nombreuses infirmières acadiennes, des Îles-de-la-Madeleine et du Nouveau-Brunswick, répondent à l’appel.

À la même époque, plusieurs Madelinots immigrent aussi dans le quartier pour trouver du travail dans les ateliers du Canadien National, de la Dominion Glass ou dans d’autres industries à proximité. Plusieurs jeunes filles madeliniennes sont engagées comme domestiques par des familles de Westmount. Le mouvement de migration se poursuit pendant la Seconde Guerre mondiale alors que plusieurs expatriés des Îles-de-la-Madeleine trouvent un emploi dans les usines situées à proximité de Verdun. Des enseignantes et des infirmières viennent aussi s’établir en ville. À leur arrivée à Montréal, des jeunes originaires des îles s’installent en pension chez des familles madeliniennes arrivées plus tôt dans la métropole.

Le Mouvement Social Madelinot

Fête de Noël au Mouvement Social Madelinot

Une jeune femme, habillée en fée, est entourée d’enfants.
Archives du Mouvement Social Madelinot
En 1960, on estime à plus de 1000 le nombre de familles de Madelinots qui vivent à Montréal. La plupart d’entre elles habitent à Verdun, dans le secteur de la Côte-Saint-Paul, et à LaSalle. Le 19 février 1969, dans le sous-sol de l’église Saint-Paul, située sur l’avenue de l’Église à Verdun, 32 personnes originaires des Îles-de-la-Madeleine se réunissent pour former une association. Elles créent alors le Comité sportif madelinot et choisissent les membres de leur conseil de direction. M. Léo Benoit est nommé président du comité.

Un mois plus tard, la mission de l’organisme prend de l’ampleur et le comité change de nom. Il devient alors le Mouvement Social Madelinot et vise à regrouper autour d’activités sociales, philanthropiques, culturelles et sportives des Madelinots de naissance, d’adoption ou d’alliance. Aux yeux du président, Léo Benoit, « le but principal du M.S.M. [Mouvement Social Madelinot] est de meubler la solitude de ceux qui sont éloignés ». En peu de temps, le mouvement compte 500 membres. Dès la première année, il organise des soirées amicales dans le sous-sol de l’école Notre-Dame-de-la-Paix, des « partys » de homards, des ligues de quilles et de hockey, un concours pour élire la reine du mouvement social à l’occasion du bal des duchesses ainsi que plusieurs autres activités.

Un groupe très actif

Collecte de fonds du Mouvement Social Madelinot

Une bannière à l’effigie d’un thermomètre est affichée au mur. Une femme, de dos, serre la main d’un homme. Une autre est debout et tient un microphone.
Archives du Mouvement Social Madelinot
En 1970, l’association se dote d’un local situé au 527, 4e Avenue, à Verdun. À partir de 1971, un club de l’âge d’or se forme au sein du groupe. Le Mouvement Social Madelinot obtient sa charte du gouvernement québécois en 1971. Un an plus tard, un incendie ravage le local de l’association et force son déménagement. Le Mouvement Social Madelinot déménage au 4827, avenue de Verdun. Le mouvement déménagera à nouveau le 2 décembre 1985 au 3690 rue Wellington, dans une ancienne banque. Une importante campagne de financement a lieu au sein de la communauté pour permettre l’achat des nouveaux locaux. L’équipe de hockey des Phoques de Verdun, composée de joueurs madelinots, connait de belles années sous la direction de l’entraîneur Jules Boudreau et dispute des matchs contre des équipes de l’archipel sur les îles et à Verdun.

Toujours en 1970, le journal L’Archipel, le bulletin d’information des Madelinots de Verdun, est publié pour la première fois et livré chez ses abonnés. Quatre ans plus tard, la publication cesse ses activités. Elle est remplacée quelques mois plus tard par le journal L’Hameçon. En plus d’articles sur des sujets variés, le journal contient un « carnet social » qui recense les naissances, déménagements, voyages et maladies de membres de la communauté, des comptes rendus à propos de l’âge d’or, du jeu de quilles, du hockey ou encore des activités du comité culturel. Il est publié jusqu’en 2002.

Le mouvement demeure bien vivant dans les décennies qui suivent et de grandes célébrations marquent le 35e anniversaire de l’association en 2004, ainsi que le 50e en 2019. En 2020, les membres du Mouvement Social Madelinot se retrouvent toujours pour jouer au bingo ou aux cartes.

Les Madelinots dans le sud-ouest de Montréal en 2020

Bal des duchesses

Sept jeunes femmes sont debout. Derrière chacune d’entre elles, un homme est debout.
Archives du Mouvement Social Madelinot
La communauté madelinienne vibre toujours à Verdun et à LaSalle en 2020. Dans cet arrondissement, plusieurs commerces, dont des garages, magasins et restaurants, sont tenus par des expatriés madelinots. Le restaurant Les Îles en Villes, tenu par Ginette Painchaud, native du Havre-Aubert, propose une cuisine typique des Îles-de-la-Madeleine et il est devenu un lieu de réunion pour les expatriés de l’archipel établis à Montréal. Situé à l’angle du boulevard LaSalle et de la rue Wellington, le parc des Madelinots est ainsi nommé en 2004 pour souligner la présence de plusieurs générations de Madelinots à Verdun et la vitalité de la communauté.

Merci à Jules Boudreault et à Lola Vigneau pour leur collaboration à la recherche nécessaire à l’écriture de cet article.

Références bibliographiques

CARBONNEAU, Pauline. Découverte et peuplement des Îles-de-la-Madeleine, L’Étang-du-Nord, Les éditions la Morue Verte, 2016.

FORTIN, Jean-Charles. Les Îles-de-la-Madeleine, histoire en bref, Presses de l’Université Laval, 2004.

FORTIN, Jean-Charles et Paul LAROQUE. Histoire des Îles-de-la-Madeleine, Québec, Les Éditions de l’IQRC, no 15, 2003, 403 p. (coll. Les régions du Québec).

GRAVEL, Denis et Hélène LAFORTUNE. Verdun 125 ans d’histoire, 1875-2000, Montréal, Ville de Verdun/Archiv-Histo inc., 2000, 318 p.

HÉBERT, Pierre-Maurice. Les Acadiens du Québec, Montréal, l’Édition de l’Écho, 1994, 478 p.

LEBLANC, Yves. Les Îles de la Madeleine face à leur destin, Montréal, Leméac, 1980, 324 p. (coll. Ouvrages Historiques).

Revue L’Hameçon, vol. 5, no 5, févr. 1979.