La télégraphie inaugure l’industrie des télécommunications au XIXe siècle, mais l’efficacité de ses messagers dépend d’une autre innovation moderne : le vélo, promis à un grand avenir!
Album Universel - 28 juin 1902
Il ne faut pas s’étonner de voir de jeunes adolescents déjà sur le marché du travail au début du XXe siècle. Comme la fréquentation scolaire n’est pas obligatoire, presque la moitié des enfants quittent les bancs d’école après la septième année au Québec pour contribuer au revenu familial. Comme l’évoque l’Annaliste dans ses articles, le travail à un jeune âge forge le caractère et développe l’intelligence, ce qui reflète bien la mentalité de l’époque.
Pour accéder au métier de messager, ces garçons, en plus d’être d’habiles cyclistes, doivent se débrouiller parfaitement en anglais et en français pour servir adéquatement la clientèle d’affaires. Né d’un père franco-belge et d’une mère de descendance anglaise, Charles Fyon est l’exemple d’un parfait candidat pour le poste de messager pour la Great North Western Telegraph Co.
Chaque jour, une cinquantaine de jeunes messagers, surnommés « les boys », attendent impatiemment dans les bureaux de la compagnie. Une fois transcrits par les télégraphistes, les télégrammes à livrer aux quatre coins de la métropole sont distribués aux jeunes cyclistes. Au signal du gérant, les garçons enfourchent leur bicyclette fournie par l’entreprise.
Célérité et professionnalisme sont exigés
Album Universel - 7 juin 1902
Cette rencontre avec ces jeunes messagers vifs et ambitieux amène l’Annaliste de L’Album Universel à proclamer qu’« il n’y a pas de plus belles écoles pour la jeunesse que cet entrainement aux affaires, comme aux difficultés de la vie ». Être messager, un métier développant la débrouillardise et l’ouverture sur le monde, assure à Charles Fyon et ses collègues un avenir prometteur!
En se familiarisant avec le monde des communications et des transports en pleine expansion, plusieurs messagers ont effectivement connu une ascension sociale appréciable. Citons William Cornelius Van Horn, président du chemin de fer Canadien Pacifique entre 1881 et 1899, ou encore Lewis McFarlane, à la tête de la compagnie Bell entre 1915 et 1925. Même au sein de la société de télégraphie, les jeunes hommes ambitieux peuvent monter les échelons aisément. Ayant débuté comme messager à la Great North Western Telegraph Co. à l’âge de 15 ans, en 1893, F. M. Sheppard devient opérateur de télégraphe en 1903. Il transmet alors surtout les résultats des parties de crosse et des courses de chevaux, un sujet de préoccupations pour bien des Montréalais. Lorsqu’il prend sa retraite en 1943, après 49 ans de services, F. M. Sheppard est le représentant commercial des télégraphes du Canadien National, qui ont intégré les services télégraphiques de la Great North Western Telegraph Co. en 1919.
Les bureaux de télégraphie à Montréal
PA-117883
Comme Boston, New York et Philadelphie, Montréal se dote de communications télégraphiques très tôt dans son histoire. En 1846, les techniques de télégraphie permettant d’envoyer des messages codés à distance se modernisent et se diffusent en Amérique du Nord. Une année plus tard, la Montreal Telegraph Co. est prête à offrir ses services de télécommunication aux citoyens de la métropole. L’engouement pour cette nouvelle technologie se fait sentir. Bientôt, la compagnie montréalaise est concurrencée par la Dominion Telegraph Co. en 1868, puis par la Great North Western Telegraph Co. en 1880.
Télégraphe
L’article original est paru dans la chronique « Montréal, retour sur l’image », dans Le Journal de Montréal du 22 février 2015 et dans le livre Promenades historiques à Montréal, sous la direction de Jean-François Leclerc, les Éditions du Journal, 2016, p. 144-145. Il a été révisé et augmenté pour sa parution dans Mémoires des Montréalais en 2018.
BEAULIEU, Marion. Pratiques cyclistes à Montréal : 1900-1950, Mémoire (M.A.), UQAM (histoire), 2017. [En ligne].
https://archipel.uqam.ca/10884/1/M15164.pdf
GAGNÉ, Amélie. La petite Reine et les femmes, la bicyclette au Québec, 1880-1920, Mémoire (M.A.), UQAM (histoire), 2005.
https://histoire.uqam.ca/wp-content/uploads/sites/21/2017/03/Amelie_gagn...
HAMEL, Thérèse. « Obligation scolaire et travail des enfants au Québec : 1900-1950 », [En ligne], Revue d’histoire de l’Amérique française, Vol. 38, no 1, été 1984.
https://www.erudit.org/fr/revues/haf/1984-v38-n1-haf2334/304236ar.pdf