Lors de la crise de Saint-Léonard, les Italo-Montréalais se font entendre sur la question de la langue d’enseignement. C’est un épisode marquant de leur intégration au système scolaire.
Italiens - Langue enseignement
Cette crise majeure, qui a eu et a toujours le potentiel d’éveiller les passions, nous fait parfois oublier que les Italo-Montréalais sont intégrés au système d’éducation québécois depuis le début du XXe siècle. Avant l’épisode de Saint-Léonard, peu de règles sont imposées, et rares sont les gens qui se soucient du choix des Italiens quant à la langue d’enseignement de leurs enfants.
Conservation et intégration
Italiens - Manifestation Saint-Léonard
Majoritairement catholiques, les Italo-Montréalais se dirigent naturellement vers la Commission des écoles catholiques de Montréal (CECM). Cette dernière finance, à même les paroisses italiennes, l’ouverture des établissements. Ces écoles peuvent alors déterminer librement leur langue d’enseignement. En 1928, le curé de la paroisse Notre-Dame-du-Mont-Carmel, située dans l’actuel Centre-Sud, réclame à la CECM des professeurs compétents dans les trois idiomes, car, dit-il, « les Italiens tiennent beaucoup à apprendre les deux langues officielles, le français et l’anglais, et en même temps ils ne voudraient pas que l’italien soit négligé ». À travers ce souci de conservation et d’intégration, les Italo-Montréalais créent et choisissent différents modèles, soit l’école trilingue, bilingue, francophone ou anglophone.
Plus que les Italo-Montréalais, les autres communautés immigrantes tendent, dès cette époque, à préférer l’école anglophone. Répondant à cette demande, la CECM multiplie les classes anglaises, s’inquiétant moins de l’anglicisation de ses fidèles que de leur potentielle apostasie. Certains d’entre eux optent, en effet, pour le réseau protestant qui a une bien meilleure réputation que les établissements francophones pour ce qui est de l’accueil des nouveaux arrivants.
Suivre le chemin pavé
Italiens - Finissants école Notre-Dame-de-la-Défense
Jusque-là ignorée, la question de l’anglicisation des nouveaux arrivants commence à susciter l’inquiétude d’intellectuels francophones. Au sein de la CECM, le Comité des néo-Canadiens est formé en 1947 et recommande la création de cours de français et de classes trilingues sur le modèle de certaines écoles italiennes de Montréal. En 1962, alors que le Comité est présidé par un Italo-Montréalais, la CECM lance un projet pour la fondation de 13 établissements d’enseignement trilingues. Devant une opposition musclée provenant surtout du secteur anglophone de la CECM, l’initiative achoppe rapidement. À la veille de la crise de Saint-Léonard, l’anglicisation de milliers d’immigrants se poursuit.
Affirmation citoyenne
Italiens - caricature Saint-Léonard
L’épisode est un important moment de structuration et d’affirmation citoyenne pour les Italo-Montréalais. Sous la direction d’une bourgeoisie italienne montante, une résistance populaire est organisée à travers des manifestations et la création de classes clandestines. Ces Italo-Montréalais forment différents groupes de pression et réclament l’intervention du gouvernement en leur faveur. Ils revendiquent une politique linguistique nationale non discriminatoire qui permettrait un enseignement en anglais de qualité, que ce soit dans des classes bilingues ou unilingues anglophones.
L’effet boule de neige
En s’opposant à la francisation obligatoire, les Italo-Montréalais révèlent l’importante anglicisation des immigrants qui, au terme des années 1960, choisissent à 90 % l’école anglophone. En pleine Révolution tranquille, ils provoquent une prise de conscience généralisée qui alimente le mouvement néonationaliste en expansion. Ils encouragent l’intervention d’un État qui a désormais la responsabilité du système d’éducation public. Après les échecs d’une succession de lois qui visent à mettre fin au conflit devenu national, la Charte sur la langue française est adoptée en 1977. Elle consacre le français comme principale langue de scolarisation et fait toujours figure d’autorité en 2017.
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