La Grande Dépression amène Bethune à repenser le rôle de l’État dans le système de santé. Puis un voyage en URSS lui confirme que d’autres modèles sociopolitiques sont possibles.
Bethune en Espagne
En août 1935, Bethune participe à un congrès international de médecine à Leningrad, en URSS, en compagnie d’éminents collègues tels Hans Selye et Frederick Banting. Il profite de l’occasion pour visiter les cliniques, les sanatoriums et les hôpitaux. La Russie postrévolutionnaire l’impressionne : « Le spectacle le plus fascinant qui se soit produit sur cette terre depuis la Renaissance. » Il demeure néanmoins réticent face à un communisme qu’il qualifie de « religion moderne ».
De retour à Montréal, il refuse la présidence de l’association Les Amis de l’Union soviétique. Il n’est pas persuadé que le communisme constitue la solution au problème, mais il avoue à son amie Marian Dale Scott un irrésistible besoin de faire quelque chose. Alors qu’une jaunisse le force au repos, il en profite pour lire Karl Marx. La conversion idéologique de Bethune est en cours : en novembre 1935, il devient secrètement membre du Parti communiste, alors frappé d’illégalité. Il approfondit sa connaissance du marxisme en assistant aux conférences des leaders du Parti, Stanley Bréhaut Ryerson et Fred Rose, et en fréquentant la librairie marxiste de la syndicaliste Léa Roback.
Une médecine en crise
Bethune en Espagne
En décembre 1935, dans son appartement de la rue du Fort, il réunit à ses côtés le docteur Shister, cardiologue du Women’s General Hospital, le docteur MacLeod, jeune médecin en pratique privée, et Libbie Park, infirmière pour des consultations externes. Ils deviennent rapidement le Montreal Group for the Security of the People’s Health (Groupe montréalais pour la protection de la santé publique), et rédigent un manifeste proposant, entre autres, la création d’un programme d’assurance-maladie universel, l’uniformisation du régime d’emploi du personnel soignant et des mesures préventives. Le document est lancé en pleine élection provinciale, en 1936. Mais déjà, Bethune a l’esprit ailleurs et songe à l’Espagne, là où se joue le sort du monde.
Juillet 1936. La guerre civile vient d’éclater et Madrid la Républicaine est menacée par les troupes du général Franco. Touché, Bethune forme un comité d’aide à la démocratie espagnole. Il quitte ensuite son emploi pour aller travailler comme médecin aux côtés des forces républicaines antifranquistes, sans même connaître l’espagnol!
Médecin de guerre
Bethune 1937
Bethune s’illustre en Espagne comme un propagandiste redoutable, employant tous les moyens modernes de communication (journaux, radio, film). Il invente, bouscule les conventions et vit intensément, suscitant admiration et irritation. Des conflits de personnalités, des disputes professionnelles et des querelles administratives sur fond de paranoïa politique poussent ses collègues à réclamer son départ. Le service de transfusion est intégré à l’armée républicaine et Bethune renvoyé au Canada.
À son retour au pays, en juin 1937, on lui demande d’entreprendre une campagne en faveur de la cause républicaine qui l’amène aux quatre coins de l’Amérique du Nord avec le film Heart of Spain. Son charisme et sa sincérité augmentent le recrutement des Brigades internationales, attirent les dons et les médias. Il en profite pour rendre publique son adhésion au Parti communiste.
Ce texte est tiré de l’exposition Les aventures de l’imprévisible Dr Bethune présentée par le Centre d’histoire de Montréal du 17 novembre 2009 au 29 août 2010.