Montréal étant situé au cœur d’un réseau hydrographique, sa fonction militaire, liée au ravitaillement, au transport des troupes et à l’organisation d’infrastructures militaires, s’est imposée d’elle-même.
Île Sainte-Hélène - Musée Stewart, 2004
Cette vocation débute au cours du deuxième conflit avec les nations iroquoises (1684-1701), lorsque les Français optent pour la conduite de la guerre en territoire ennemi. Montréal devient vite le point de départ d’expéditions vers l’arrière-pays, comme c’était d’ailleurs le cas pour le commerce des fourrures. Le rôle stratégique de Montréal se confirme après 1701, date à partir de laquelle Louis XIV donne aux autorités des colonies le mandat d’empêcher l’expansion anglaise. Pour palier le manque d’hommes et l’immensité du territoire, les stratèges français font de Montréal le cœur d’un réseau de communication, dont l’importance tient à sa capacité de déployer des troupes et du ravitaillement sur les fronts éloignés et les avant-postes. Pour assurer le succès de l’entreprise, Montréal se dote de divers entrepôts qu’il faudra mieux protéger. La construction d’une fortification à Montréal s’avère donc incontournable.
Amélioration des installations militaires
À partir de 1717, on remplace la vieille palissade en pieux de cèdre, construite en 1687, par une enceinte de maçonnerie. Pendant près d’un siècle, celle-ci dessinera les contours de la ville sur un périmètre de 3500 mètres : allant de l’actuelle rue McGill à l’ouest, à l’actuelle rue Saint-Hubert à l’est; de la rue de la Commune au sud, jusqu’à la ruelle des Fortifications au nord. Outre les fortifications, Montréal possède, comme installations militaires, une poudrière, une citadelle, un corps de garde ainsi que des entrepôts que l’on nomme à l’époque « magasins du roi ».C’est à l’ingénieur Gaspard-Joseph Chaussegros de Léry que revient la tâche de concevoir l’enceinte. Les considérations tactiques qui dictent la conception du mur reposent sur l’hypothèse que Montréal n’aura pas à subir un siège en règle. Les cours d’eau qui ceinturent l’île de Montréal se présentent comme autant de barrières naturelles, qui auront tôt fait de rendre laborieux le transport de grosses pièces d’artillerie. À partir de 1665, on érige de nombreux forts sur l’île et sur les rivières environnantes, bloquant ainsi l’accès à la ville. Parmi ceux-ci, on trouve le fort des Cèdres sur le Saint-Laurent, en amont de Montréal, les forts Saint-Jean et Chambly sur le Richelieu et le fort de Senneville à l’embouchure de la rivière des Outaouais. La fortification en pierre des champs de Montréal, d’une hauteur de cinq mètres, répond à l’éventualité d’une attaque que l’on suppose nombreuse en hommes mais soutenue par une petite artillerie. Achevée après 26 ans de construction, il semble qu’elle n’aurait pu protéger adéquatement la ville. Au dire du chevalier Johnstone, ancien aide de camp de Montcalm, la fortification de Montréal ne vaut « guère mieux qu’un mur de jardin ». Le chevalier n’a d’ailleurs pas tort, Montréal ne pourra résister aux Anglais en 1760, pas plus qu’aux Américains en 1775.
Carrefour des communications
A l’instar de la période du régime français, Montréal demeure, à l’époque britannique, une ville de garnison. Elle le restera jusqu’en 1870, année où les troupes britanniques quittent le territoire canadien, nouvellement confédéré. Les militaires logent dans les anciens magasins du roi, convertis en casernes, plutôt que chez l’habitant. Dès 1774, le pôle logistique de la colonie se déplace quelque peu vers la région du Richelieu, les Britanniques craignant une invasion des Américains à partir de cette zone. Lors de la guerre canado-américaine de 1812-1814, Montréal s’avère une fois de plus la plaque tournante des communications entre le Haut et le Bas-Canada, alors que le Richelieu se fortifie. À la suite de ce conflit, les Britanniques en viennent à établir un dépôt militaire sur l’île Sainte-Hélène en 1820, quittant les anciennes baraques militaires du faubourg Québec.
Champ-de-Mars - Régiment du Black Watch en 1916
Cet article est paru dans le numéro 35 du bulletin imprimé Montréal Clic, publié par le Centre d’histoire de 1991 à 2008.