À la fin des années 1960, le Congrès des écrivains noirs et la crise de l’Université Sir George Williams révèlent un militantisme noir montréalais lié aux mouvements protestataires mondiaux.
Université Sir George Williams
Un monde en transformation
Dans les années 1960, un vent de renouveau souffle sur Montréal et le Québec. Le contexte économique est favorable. Des transformations sociales multiples et une plus grande ouverture sur le monde s’observent. Mais, ces gains ne se font pas sans heurts, et des tensions sociales sont perceptibles. En 1968, on note un bouillonnement des milieux étudiants québécois qui reflète d’ailleurs l’effervescence des milieux universitaires ressentie dans plusieurs pays occidentaux. Ainsi en mai 1968, Paris est ébranlé par les mouvements de revendications sociales menés par les étudiants, puis par les ouvriers. Aux États-Unis, les horreurs de la guerre du Vietnam crèvent l’écran des téléspectateurs américains jour après jour.
Le racisme est aussi vécu au quotidien. Dans la lutte pour les droits civiques des Noirs, Martin Luther King, le leader charismatique afro-américain, prône la non-violence et la lutte contre la pauvreté. Mais, devant la violence que subissent les partisans du mouvement, d’autres voix s’élèvent, dont celle de Stokely Carmichael, qui radicalise son discours en 1966 en revendiquant un Black Power, un pouvoir noir. Cependant, au début d’avril 1968, toute la communauté noire est unie dans l’indignation, alors que l’Amérique apprend avec stupéfaction l’assassinat de Martin Luther King à Memphis, six mois avant le Congrès des écrivains noirs à Montréal.
Luttes anticolonialistes, négritude et réflexion montréalaise
Congrès des écrivains noirs
Le Congrès des écrivains noirs
Affiche Congrès des écrivains noirs
Janvier et février 1969 : les évènements de Sir Georges Williams
Sir George Williams
Parmi les inculpés, Anne Cools, originaire de la Barbade, fondera à Toronto en 1974 une des premières maisons d’accueil pour femmes battues au Canada, puis, en 1984, elle deviendra la première sénatrice noire du Canada. Condamné à 18 mois de prison, Roosevelt « Rosie » Douglas sera déporté en Dominique, où il accèdera au poste de premier ministre en 2000.
Pour plusieurs, la confrontation a révélé au grand jour l’existence d’un racisme trop souvent méconnu. À l’Université Sir Georges William s’en suivront une révision des droits, une plus grande participation des étudiants aux processus de décision et la création d’un bureau du protecteur du citoyen (ombudsman). Et pendant les décennies suivantes, ces deux événements, le Congrès des écrivains et la crise de Sir George Williams, continueront à inspirer plusieurs militants de la communauté noire. De récents ouvrages, ainsi qu’un film, Ninth Floor, nous invitent à revivre ces évènements qui marquent un volet important de l’histoire de Montréal.
Contribution à la recherche et à la rédaction : Neal Santamaria.
AUSTIN, David. Nègres noirs, nègres blancs, race sexe et politique dans les années 1960 à Montréal, Lux Éditeur, Montréal, 2015, 296 p.
MARTEL, Marcel. « ‟S’ils veulent faire la révolution, qu’ils aillent la faire chez eux à leurs risques et périls. Nos anarchistes maisons sont suffisants” : occupation et répression à Sir George-Williams », Bulletin d’histoire politique, vol. 15, no 1, 2006, p. 163-177.
MILLS, Sean. Contester l’empire − Pensée postcoloniale et militantisme, Éditions Hurtubise, 2011, 349 p.
TARRAB, Gilbert. « Le Congrès des écrivains noirs (compte rendu) ». L’homme et la société, vol. 12, no 1, 1969, p. 254-257.
WARREN, Jean-Philippe. « Le défi d’une histoire objective et inclusive. Fear of a Black Nation: Race, Sex and Security in Sixties Montreal par David Austin », [En ligne], Bulletin d’histoire politique, vol. 23, no 1, 2014, p. 264-291.
http://id.erudit.org/iderudit/1026516ar
SHUM, Mina. Ninth Floor, [En ligne], Office national du film, 2015.
https://www.onf.ca/film/neuvieme_etage/