Rue Saint-Laurent, lorsque les odeurs de café et de tomates prennent d’assaut vos narines et que les drapeaux vert, blanc, rouge happent votre œil, vous savez être rendu dans la Petite Italie.
Joueurs de Bocce
Aux limites de la ville urbanisée
Au début du XXe siècle, les ouvriers italiens arrivent par milliers à Montréal afin de travailler sur les grands chantiers de construction canadiens. Cette immigration, temporaire au départ, laisse tranquillement place à un établissement permanent qui entraine la venue de femmes et d’enfants. En 1911, la ville compte un peu plus de 7000 Italiens.
Club Shamrock
Cette zone est alors peu urbanisée. Les fermes côtoient les industries et les maisons ouvrières qui se multiplient. À l’est de la rue Saint-Laurent, là où se trouve l’actuel marché Jean-Talon, le club irlandais Shamrock possède un stade de crosse qui peut accueillir quelque 7000 spectateurs.
Un logis, un travail et un jardin
Fête religieuse italienne
La ligne de tramway 55, qui est prolongée jusqu’à la rue Isabeau (actuelle rue Jean-Talon) en 1893, encourage le déplacement de cette population. Les terrains et les logements à prix modiques ainsi que la création de nombreux emplois, stimulée par la présence du chemin de fer et des industries, sont autant de raisons qui poussent les Italo-Montréalais à se diriger vers le nord. L’une des motivations insoupçonnées est toutefois l’espace disponible. En effet, les champs permettent la cueillette de fruits et d’herbes sauvages, mais aussi la culture d’un potager qui garantit aux familles ouvrières une certaine autonomie alimentaire. Avoir son propre jardin offre également la possibilité de cultiver des produits du terroir italien alors difficiles à trouver sur le territoire montréalais. Les zones forestières environnantes sont sources de bois, pour la construction ou le chauffage, et de petits gibiers à chasser.
La population italienne est telle que la paroisse Notre-Dame-de-la-Défense est fondée à sa demande en 1910. L’église, située au coin des rues Dante et Henri-Julien, est construite en 1918; d’autres services italiens, dont deux écoles, sont ensuite créés. Quelques commerces à saveur italienne ouvrent également leurs portes.
Famille Fratino
Vague italienne
Malgré la crise économique des années 1930, le quartier connaît un développement important. La ville lance des travaux d’aménagement d’envergure avec la construction, entre autres, du marché du Nord (actuel marché Jean-Talon, 1933) et de la Casa d’Italia (1936).
Après la Seconde Guerre mondiale, entre 1948 et 1972, 121 700 Italiens arrivent au Québec, dont une très grande proportion à Montréal. Ils supplantent en nombre les Italo-Montréalais déjà présents et font de la langue italienne le troisième idiome le plus parlé dans la métropole, après le français et l’anglais.
Casa d'Italia
La Petite Italie
Épicerie Milano
Cette arrivée massive entraine le déploiement d’une population déjà dispersée. Les quartiers Saint-Michel, Montréal-Nord, Saint-Léonard, Rivière-des-Prairies et autres banlieues montréalaises sont, à leur tour, colorés par la présence italienne. Au fil des décennies, les Italiens désertent le secteur de la rue Saint-Laurent. De nouvelles communautés, surtout des Haïtiens et des Latinos, s’y installent.
Depuis les années 1980, la Ville entreprend des travaux de revitalisation du tronçon Saint-Zotique–Jean-Talon. Des arches décoratives sont ajoutées au paysage et les commerçants sont encouragés à exprimer le caractère italien de leur entreprise. La Petite Italie prend un tournant commercial et touristique.
Il n’en demeure pas moins que ses odeurs de café nous envoutent; ses pizzas, ses pâtes, ses charcuteries et ses glaces nous allèchent; et ses joueurs de bocce nous charment. La Petite Italie reste le lieu symbolique de la présence plus que centenaire des Italo-Montréalais. En 2011, Montréal compte plus de 260 000 personnes d’origine italienne.
Les Italiens arrivés après la Seconde Guerre mondiale investissent de nouveaux secteurs de Montréal. Tout comme leurs prédécesseurs l’ont fait dans la rue Saint-Laurent et ailleurs, ils marquent ces lieux de leur présence. Pensons aux typiques maisons comportant plusieurs logements développées par des entrepreneurs italiens à l’intention de leur communauté. Avec leurs briques blanches et leurs ornementations, elles se remarquent dans plusieurs quartiers de la ville. Les commerces, affublés d’une enseigne verte, blanche et rouge, témoignent aussi de cette empreinte typiquement italo-montréalaise.
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