Considérées comme des missionnaires urbaines, les Associées offrent leur vie à Dieu en prenant soin des femmes. Cet apostolat laïque requiert bien des qualités, dont énergie et désintéressement.
De sa création en 1932 jusqu’à l’arrivée des premiers salariés en 1975, le fonctionnement de l’Institut Notre-Dame-de-la-Protection (Le Chaînon depuis 1978) a reposé sur le travail apostolique et laïque de femmes à l’esprit missionnaire. Nommées les Associées, elles embrassaient la mission, comme la fondatrice Yvonne Maisonneuve, en consacrant leur vie à aider bénévolement les femmes en difficulté.
Des missionnaires urbaines
« Moi, je voulais aller me promener seule, librement et, à l’association, je l’ai toujours fait. J’aimais faire du sport, avoir du plaisir, jouer de l’accordéon. Il me semblait important de garder tout ça, et c’est bien parce que, chez les Associées, on le pouvait que j’ai prononcé mes vœux avec conviction. » — Monique Bérubé, Associée, dans Sylvie Halpern, Le Chaînon : La maison de Montréal, Éditions Stanké, 1998
Associées Chaînon
Pour répondre à l’ampleur de la tâche, Yvonne ne peut compter sur de premières collaboratrices qu’à partir de 1938. Celles-ci, inspirées par les valeurs et l’esprit de l’œuvre, désirent offrir leur vie à Dieu en servant les jeunes filles dans le besoin. Considérées comme des missionnaires urbaines, des apôtres d’un nouveau genre, elles prennent soin des femmes qui se présentent à la Maison d’accueil, mais parcourent également les rues sombres et les foyers pauvres de la grande ville à la recherche de jeunes filles et de fillettes exposées aux malheurs de tous genres afin de leur offrir, au besoin, un abri temporaire.
Reconnaissance de l’Église
Associées 1958
« Ce que j’ai trouvé ici est l’essentiel, l’amitié, la compréhension, l’unité, l’égalité, la conscience de l’autre. Ces valeurs essentielles ont fait qu’à mon tour, j’ai adhéré à ces valeurs. » — Claudette, Associée, 1971
Associées uniforme
Les motivations qui guident ces jeunes filles à quitter la sécurité pour s’occuper de malheureuses victimes d’un sort éprouvant sont multiples. Plusieurs témoignent que, bien qu’attirées par la vie en communauté, elles ont compris que le règlement plus souple de l’association leur convenait mieux. D’autres évoquent avoir été touchées par la joie, le respect et l’accueil inconditionnel qui régnaient à la Maison d’accueil. Mais toutes affirment avoir été impressionnées qu’une femme comme celle qui allait devenir leur « Mère Yvonne » puisse exister. Elles soulignent avoir appris auprès d’elle le vrai sens de la charité et ont eu la conviction de voir Jésus en action à travers sa joie et son dévouement envers son prochain. De plus, elles sont fortement impressionnées par la mission de servir les personnes démunies en totale dépendance en la Providence.
Les vœux de l’Associée
« Chaque personne avait une valeur au sein de l’institut, qu’elle soit dépourvue de santé et parfois moins intelligente que les autres. Notre Mère trouvait toujours quelque chose à faire au sein de la communauté, s’informait, encourageait tous ces membres, et avec une affection qui lui était bien particulière. » — Alice Dumais, Associée, 1971
Associées 3
Tout comme la fondatrice, les Associées ne reçoivent aucun salaire et mènent une vie simple. Elles vivent en communauté dans la pauvreté, prient, travaillent, mangent et prennent soin ensemble de leurs protégées dans un esprit évangélique. Elles sont logées, nourries et, après une période de trois à quatre ans de service dans l’œuvre, elles sont définitivement admises et ne pourront plus, comme le droit canon le prescrit pour les communautés, être renvoyées pour cause de santé ou pour d’autres raisons.
Moralité et délicatesse
« J’ai découvert qu’une Associée, c’est une personne qui se doit d’être disponible et calme pour affronter des situations très diverses. Et aussi, une valeur qui, je crois, est à conserver, c’est la discrétion qui me paraît essentielle dans les œuvres que nous accomplissons, faisant partie de cette dignité humaine dont nous parlons tant dans notre monde actuel. » — Colette Drainville, Associée, 1971
Associées 1956
L’uniforme des Associées, ni religieux ni complètement laïc, est modeste, simple et commode, permettant d’atteindre des milieux inaccessibles aux religieuses. Pour une bonne période, la robe est de couleur bleu marine, ornée d’un col et de poignets blancs, complétée par une cravate courte et un médaillon. En été, l’uniforme s’allège par des manches plus courtes. Pour les sorties, les Associées troquent le voile qu’elle porte à l’intérieur de la Maison d’accueil pour un petit chapeau et portent un manteau de saison assorti. L’habit est assez confortable pour parcourir sans encombre de longues distances à pied, à vélo, en tramway ou à mobylette; il leur permet d’aller n’importe où et à n’importe quelle heure pour secourir les jeunes filles ou les familles dans le besoin. De plus, il adoucit la tâche de la quête car, même si les Associées arrivent munies d’un permis, l’uniforme leur ouvre plus aisément les portes des donateurs et donatrices.
S’adaptant aux modes en cours, l’uniforme évolue. En 1958, le voile est retiré, en 1962, les poignets blancs sont enlevés et les chapeaux rapetissent et, en 1968, la voilette est supprimée à la chapelle. En 1971, les Associées peuvent choisir la couleur et le modèle qu’elles préfèrent et finalement, au tournant de l’année 1974, l’uniforme devient optionnel, et seulement quelques Associées choisissent de le garder.
Bascule vers le salariat
« Il a fallu — surtout les anciennes associées — faire le deuil de tout un passé. Mais nous y sommes arrivées, le Chaînon en est sorti renforcé […] Et ce qui me fascine toujours, c’est que d’une Yvonne des débuts héroïques à une Hélène aujourd’hui, notre esprit soit resté le même : intact. La façon d’être proche de l’autre, de considérer la femme qu’on accueille avec respect, de vouloir rester convaincu qu’elle est maître de sa vie. Et de penser, avant tout, à voir la personne au-delà des apparences extérieures, même les plus affligeantes. » — Jeannine Gagné, Associée, dans Sylvie Halpern, Le Chaînon : La maison de Montréal, Éditions Stanké, 1998
Associées et salariées
Cette cohabitation de salariés et d’Associées bouscule les réflexions. Certaines Associées craignent que les protégées ne sentent pas qu’elles sont véritablement aimées si le personnel est payé pour le faire ou s’il ne baigne pas à temps plein dans leurs vies. Les Associées découvriront avec soulagement que les salariés ont le même profond désir de servir et que la rupture a du bon : le personnel peut se retirer, se reposer, se régénérer et revenir frais et disposé au travail. D’ailleurs, la plupart des Associées commenceront elles aussi à recevoir un salaire et à vivre en appartement.
Le Chaînon a réussi à s’adapter aux temps modernes tout en préservant ce qui le caractérise : la dévotion envers son prochain, la délicatesse, l’accueil inconditionnel et le service gratuit. En 2022, six Associées membres du groupe fondateur sont toujours vivantes, elles sont encore actives au conseil d’administration ou consultées : Lucie, Monique, Colette, Ginette, Jeannine et Fernande. Chaque année, elles renouvellent leur engagement. Si chacune agit selon des raisons personnelles, toutes le font aussi par solidarité pour la famille qu’elles forment et en tant que gardiennes des valeurs de l’œuvre.