Au cours des décennies, dans un environnement sécuritaire et chaleureux, les diverses Maisons d’accueil du Chaînon ont offert des services adaptés à des fillettes et à des femmes de tous âges.
Le Chaînon prodigue aux femmes en difficulté un accueil sans jugement et un hébergement gratuit et sécuritaire. Ce que le Chaînon offre, c’est le concept d’une Maison d’accueil, car la même ambiance, réconfortante et bienveillante, et le même esprit de famille ont habité tous les endroits où l’organisme a eu pignon sur rue.
Une « Maison » à travers les institutions catholiques
« Il se présentait toujours beaucoup de jeunes filles mais, moi, je les recevais ces jeunes dans un but surnaturel; je voulais les préserver du péché, relever celles qui étaient tombées : c’était “pour Dieu et les âmes!” » ― Yvonne Maisonneuve, fondatrice
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La Maison d’accueil, laïque, est tout de même catholique durant toutes les années où sa fondatrice est présente, soit de 1932 à 1965. Pendant ces décennies, la pratique religieuse demeure importante dans la société. Yvonne offre un encadrement religieux par la célébration quotidienne de la liturgie inspirée de la spiritualité bénédictine, un encadrement soutenu par un directeur spirituel qui visite régulièrement la Maison. Et, malgré l’étroitesse de certains espaces qui abriteront son œuvre durant cette période, une pièce fera toujours office de chapelle.
L’accueil familial de la Maison d’accueil
« Ça part de la bâtisse. Une fois qu’on franchit le seuil de la porte, on est en sécurité, il y a quelqu’un qui nous accueille, c’est gros, c’est pesant la maison, c’est propre. Après ça, on est accueillis, on est écoutés, on est soignés, on est dorlotés. Après ça, il y a des intervenants hautement qualifiés pour prendre soin de ces femmes-là. » — Judi Richards, auteure-compositrice-interprète, émission Maisonneuve à l’écoute, 2000
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« C’est fabuleux Le Chaînon, c’est quelque chose qui n’existe nulle part ailleurs […] C’est un endroit où on trouve beaucoup de chaleur, de compréhension et d’amour. » — Yvon Deschamps, humoriste et philanthrope, émission Au jour le jour, 1983
Certains éléments sont essentiels à la confection d’un chez-soi réconfortant : la propreté, des couleurs agréables, des espaces communs et une organisation exemplaire pour que chaque personne ait son espace personnel. Les lieux de la Maison d’accueil sont organisés de façon à permettre un bel équilibre entre les échanges, la détente, le recueillement et les loisirs. Parmi les nombreuses activités, le chant, la musique et la danse ont longtemps tenu une place de choix. Avec la venue de la télévision, les loisirs se sont diversifiés, mais les moments de fêtes sont demeurés. Et, tous les mois, les anciennes bénéficiaires sont invitées à renouer leurs liens durant une journée festive de retrouvailles, danses et musiques.
La genèse de l’œuvre
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Les débuts sont ardus. Non seulement les ressources sont largement insuffisantes et le nombre de jeunes filles frappées par le chômage augmente chaque jour, mais un conflit oppose certaines dames du comité concernant la réalité budgétaire et quelques-unes espèrent, plutôt que d’apporter une aide désintéressée aux jeunes filles démunies, la formation de meilleures domestiques. Après quelques mois de ce régime de tumultes et de comptes à rendre pour le moindre billet de tramway, Yvonne, forte de l’appui de quelques-unes de ces dames et de membres influents de la paroisse, quitte le Foyer Saint-Viateur.
Les premières Maisons d’accueil
« Yvonne avait l’art de voir chaque individu dans sa totalité. Aujourd’hui, il y a des départements complets pour ça! » — Lucie Morrissette, Associée, Le Chaînon : La maison de Montréal, 1998
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La Maison De La Gauchetière
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L’organisme structure les espaces de la Maison d’accueil afin d’y procurer différents services. À partir de 1941, une section héberge des jeunes femmes pauvres souffrant de maladies chroniques et des jeunes orphelines âgées de 11 à 16 ans peuvent y trouver refuge et recevoir l’éducation manquante afin d’être mieux équipées pour se frayer un chemin dans la vie. En 1946, la Maison est organisée de façon à accueillir également des mères avec leurs enfants et, dès l’année suivante, elle héberge des fillettes abandonnées de 7 à 17 ans.
Au cours du temps, l’association ouvre différentes Maisons d’accueil afin de couvrir une plus grande étendue de besoins sociaux. En 1955, des Associées s’installent rue Saint-Thomas dans la ville Jacques-Cartier, secteur aujourd’hui fusionné à la municipalité de Longueuil, afin d’offrir le service Accueil aux foyers. L’objectif est de visiter les taudis du quartier pour secourir des familles dans la misère. L’aide apportée est diverse : meubler les logis, fournir linges, nourritures, remèdes, faire venir le médecin, seconder pendant les accouchements, trouver des emplois, essayer de guérir les alcooliques, régulariser des unions libres et envoyer à l’école des enfants qui courent les rues. En 1968, un service semblable est ouvert rue Dorion à Montréal. En plus de ces services quotidiens, des maisons de vacances permettent à la communauté de respirer l’air de la campagne. La Maison Saint-Basile offre à partir de 1952 des retraites gratuites aux délaissées et la Maison à Sainte-Scholastique permet un repos à celles qui ont besoin de reprendre des forces. Des maisons de type camp d’été accueillent les fillettes pour passer leurs vacances près de l’eau. En 1974, une expropriation force la fermeture temporaire du service de la Maison-mère de La Gauchetière.
La Maison de l’Esplanade
« Dans une maison comme la nôtre, il y a toujours un équilibre très subtil à trouver entre le bien-être de chacune et la paix du groupe. Pour que le climat reste serein, on sait qu’il y a des limites à ne pas franchir… Lorsque Le Chaînon a ouvert son Accueil de nuit, on avait prévu qu’on accueillerait des femmes aux comportements très marginaux, et on voulait tout faire pour leur permettre d’être elles-mêmes. » — Fernande Themens, Associée, Le Chaînon : La maison de Montréal, 1998
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Les nombreux nouveaux services sociaux offerts par l’État au cours des années 1970 poussent l’organisme à se pencher sur son identité, à changer son nom en 1978 et à modeler ses services afin de continuer à répondre aux besoins non offerts par les autres organismes. Une plus grande conscientisation concerne les femmes aux prises, entre autres, avec des enjeux de santé mentale et la violence conjugale. À partir de 1979, l’accueil vise uniquement les femmes seules et, en 1984, des places sont ajoutées pour des séjours plus longs. En 1987, l’année internationale des sans-abris révèle les nombreux visages des personnes vivant dans la rue, dont celui de femmes en situation d’itinérance. Le Chaînon se dote alors d’un accueil de nuit organisé. Plutôt que de fournir un divan pour des cas d’urgence, une refonte des unités d’hébergements permet d’accueillir jusqu’à 16 femmes chaque nuit; 12 places sont offertes en permanence et 4 places permettent de répondre à des besoins d’urgence.
La Maison de l’Esplanade offre un environnement sécuritaire et chaleureux et peut héberger quotidiennement, pour des séjours temporaires, 51 femmes en difficulté et gérer autour de 10 000 demandes d’aide par année. Outre le dortoir, le 4e étage peut accueillir 21 femmes dans des unités de court terme, de 6 à 8 semaines, alors qu’au 3e étage, 15 femmes peuvent profiter d’un séjour pouvant aller jusqu’à un an. Quand les dames du Chaînon terminent leur séjour à la Maison de l’Esplanade, elles ont la possibilité, depuis 2019, de bénéficier d’un logement transitoire grâce à la Maison Sainte-Marie dotée de 49 unités meublées. La Maison Yvonne-Maisonneuve de la rue De Bullion fournit elle en location 15 chambres individuelles à des femmes de 55 ans et plus recommandées exclusivement par Le Chaînon; on y propose un accompagnement médical, la gestion des médicaments et du budget.
« Quand on sait vraiment écouter l’autre, il n’y a plus de loi ni de norme qui existent. Finalement, c’est la proximité qui nous rend ouverts à l’autre. » — Jeannine Gagné, Associée, Le Chaînon : La maison de Montréal, 1998
Ce qui caractérise profondément la Maison d’accueil, c’est l’amour et la souplesse qui y règnent. Tout s’accomplit depuis le premier jour, par amour du service, du partage et de son prochain. Et le premier réflexe au Chaînon, qui demeure innovateur, c’est de limiter les règles et de s’adapter aux besoins des femmes afin de respecter le rythme de chacune. Ce qui requiert un doux et savant équilibre entre la prise en compte de l’unicité des besoins de chaque femme et la préservation de la sécurité de l’ensemble du groupe.
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L’élaboration de cet article a bénéficié du soutien du Laboratoire d’histoire et de patrimoine de Montréal de l’Université du Québec à Montréal, notamment grâce à l’expertise de l’historien Martin Petitclerc. Merci à Sylvie Bourbonnière, directrice générale de La Fondation Le Chaînon, pour sa relecture, de même qu’à Lucie Morrissette, Fernande Themens et Jeannine Gagné.
Archives
Les archives de l’Association d’entraide Le Chaînon.
Monographies
BAILLARGEON, Denyse. Brève histoire des femmes au Québec, Montréal, Boréal, 2012, 288 p.
BAILLARGEON, Denyse. « Pratiques et modèles sexuels féminins au XXe siècle jusqu’à l’avènement de la pilule », Une histoire des sexualités au Québec, Jean-Philippe Warren (dir.), Montréal, VLB éditeur, 2012, p. 17-31.
BIZIER, Hélène-Andrée. Une histoire des Québécoises en photos, Montréal, Fides, 2006, 319 p.
HALPERN, Sylvie. Le Chaînon : La maison de Montréal, Montréal, Stanké, 1998, 238 p.
LÉVESQUE, Andrée. Résistance et transgression, Montréal, Remue-Ménage, 1995, 157 p.