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Leurs Honneurs, Messieurs les Maires et Madame la Mairesse

13 janvier 2016

De Jacques Viger à Valérie Plante, 44 hommes et une femme se sont succédé à la mairie. Mais très peu d’électeurs pouvaient voter en 1833. Le processus de démocratisation a toutefois suivi son cours depuis.

William Hales Hingston et la variole

Caricature du maire William Hales Hingston en chevalier saint Georges terrassant le dragon de la variole.
Canadian Illustrated News, vol. XIV, no 17, 4 novembre 1876.
Le Paon, le Martyr, le Cigarier, Monsieur Montréal, on croirait entendre parler les personnages d’une pièce de théâtre burlesque. Détrompez-vous. Voilà plutôt les surnoms que l’on pourrait donner à quelques-uns de ceux qui ont occupé la mairie de Montréal depuis que la ville s’est vu accorder sa première charte en 1832. De Jacques Viger à Valérie Plante, 44 hommes et une femme se sont succédé à la mairie. Certains ont été oubliés, tel John Easton Mills, le maire martyr. D’autres nous sont familiers non pas pour leurs réalisations à la mairie de Montréal mais pour avoir occupé des fonctions politiques, par exemple John J. C. Abbott qui succéda à John A. Macdonald au poste de premier ministre du Canada à la mort de celui-ci en 1891, ou encore Wolfred Nelson, patriote célèbre. Cependant, les noms de certains anciens maires sont étroitement associés, dans la mémoire populaire, au destin de la ville, pensons à Camillien Houde, qu’on surnommait Monsieur Montréal, ou à Jean Drapeau.

Lors du premier scrutin, en juin 1833, seuls 44 électeurs exercent leur droit de vote, le quartier Sainte-Anne étant le seul où des candidats se disputent les deux postes de conseillers. Pour voter, il fallait être de sexe masculin, âgé d’au moins 21 ans, être propriétaire et résider à Montréal depuis un an. En 1860, s’y ajoutent les hommes locataires ayant payé leurs taxes et acquitté la corvée. En 1889, on étend le droit de vote aux veuves et aux filles majeures propriétaires et, 10 ans plus tard, à celles qui sont locataires. Les femmes mariées propriétaires et celles mariées sous le régime de séparation de biens ne pourront s’en prévaloir qu’en 1934. Le suffrage universel n’est adopté qu’en 1968, faisant passer le nombre d’électeurs de 380 068 aux élections de 1966 à 698 369 à celles de 1970. Ajoutons que le scrutin secret est introduit en 1889.

Les voies vers la politique

Mairie - Dépouillement de votes, 1947

Photographie de trois personnes employées au dépouillement des votes du bureau de scrutin no 82 dans le hall d'honneur.
Archives de la Ville de Montréal. VM94-Z381-6.
Quant au personnel politique municipal, sa composition a bien évolué depuis 165 ans. Les conditions d’éligibilité aux postes de maire et de conseillers n’ont été éliminées qu’en 1910. En 1889, par exemple, on demandait aux échevins et au maire de posséder des biens immobiliers évalués respectivement à 2000 dollars et à 4000 dollars. La richesse constituait ainsi une voie privilégiée vers la politique. Jusqu’en 1873, le conseil municipal avait des allures de club sélect du monde des affaires. De 1873 à 1914, l’élite politique se diversifie. La renommée intellectuelle et la popularité amènent au pouvoir des hommes comme William Hales Hingston, médecin et chirurgien renommé. À partir de 1914, les milieux des affaires et de la finance laissent la place à une nouvelle catégorie d’hommes qui font de la politique une profession. La popularité a désormais plus d’importance que la richesse. Fait intéressant à noter, à l’image de la population de la métropole, très peu de maires et de conseillers sont des Montréalais d’origine au XIXe siècle. De plus, le cumul des fonctions dans les différents ordres de gouvernements est fréquent.

Le conseil est composé majoritairement d’anglophones jusqu’en 1882. Il faut se souvenir que Montréal compte davantage d’anglophones jusqu’en 1867. Ce qui n’empêche pas certains francophones de se démarquer, tel Jean-Louis Beaudry, le premier maire à cumuler 10 mandats. À la mairie, il existe une règle non écrite d’alternance entre maires anglophone et francophone, mais cette règle est régulièrement transgressée. À partir de 1914, cette pratique est carrément abandonnée. Médéric Martin et Camillien Houde sont sans conteste les figures dominantes de cette première moitié du XXe siècle. Avec ses 30 ans de règne, Jean Drapeau est un cas à part tellement l’homme est identifié aux grands projets et à l’image internationale de Montréal.

Des régimes municipaux en évolution

Médéric Martin

Portrait de Médéric Martin.
Archives de Montréal. VM94,Z834.

Depuis l’octroi de sa première charte en 1832 jusqu’à aujourd’hui, Montréal a connu pas moins de sept régimes de gouvernement différents. Octroyée pour quatre ans, la première charte de la Corporation de la Cité de Montréal ne fut pas renouvelée en 1836, l’Assemblée législative ne siégeant pas. Une deuxième charte est accordée à Montréal en 1840. Jusqu’en 1852, le maire est choisi par les conseillers. Charles Wilson fut le premier maire élu par les électeurs. Le poste de maire, bien que prestigieux, ne donne que peu de pouvoirs à son titulaire; il ne siégera au comité exécutif qu’en 1949. Ce sont véritablement les présidents des comités (finance, voirie, santé, etc.) qui administrent la Ville. En 1909, suite à un référendum, un bureau des commissaires est créé, l’ancêtre du comité exécutif. À la suite des difficultés financières de la Ville, le gouvernement provincial impose sa tutelle de 1918 à 1921 et de 1940 à 1944. En 1940, le gouvernement soumet Montréal à un nouveau régime fort complexe. Le conseil municipal est désormais composé de 99 conseillers issus de trois catégories : les 33 conseillers de la classe A sont élus par les propriétaires, ceux de la classe B par les propriétaires et les locataires et les conseillers de la classe C sont nommés par 13 associations. La classe C est abolie en 1960 et la classe A en 1962. Les années 1950 voient les premiers partis politiques municipaux s’organiser; ils sont reconnus officiellement en 1980.

Mairie - Conseillers municipaux en 1947

Photographie d’un groupe d'employés et de conseillers municipaux dans le hall d’honneur.
Archives de la Ville de Montréal. CA M001 VM094-Y-1-17-D0379-P04.
Ainsi, le lent processus de démocratisation de la vie politique montréalaise a suivi son cours depuis 1832 et se poursuit aujourd’hui encore. La scène municipale n’est plus réservée à une petite poignée d’hommes. Il reste que le taux de participation aux élections municipales demeure peu élevé par rapport à celui des autres ordres de gouvernement.

Cet article est paru dans le numéro 37 du bulletin imprimé Montréal Clic, publié par le Centre d’histoire de 1991 à 2008. Le Centre d'histoire de Montréal a présenté l'exposition « Leurs Honneurs, Messieurs les Maires » du 18 septembre au 6 décembre 1998.

Les maires de Montréal

Jacques Viger, Peter McGill, Joseph Bourret, James Ferrier, John Easton Mills, Édouard-Raymond Fabre, Charles Wilson, Wolfred Nelson, Henry Starnes, Charles-Séraphin Rodier, Jean-Louis Beaudry, William Workman, Charles-Joseph Coursol, Francis Cassidy, Aldis Bernard, William Hales Hingston, Sévère Rivard, Honoré Beaugrand, John Caldwell Abbott, Jacques Grenier, James McShane, Alphonse Desjardins, Joseph-Octave Villeneuve, Richard Wilson-Smith, Raymond Préfontaine, James Cochrane, Hormidas Laporte, Henry Archer Ekers, Louis Payette, James John Edmund Guerin, Louis-Arsène Lavallée, Médéric Martin, Charles Duquette, Camillien Houde, Fernand Rinfret, Adhémar Raynault, Jean Drapeau, Sarto Fournier, Jean Doré, Pierre Bourque, Gérald Tremblay, Michael Applebaum, Laurent Blanchard (intérim), Denis Coderre, Valérie Plante

Références bibliographiques

MARSOLAIS, Claude-V., et autres. Histoire des maires de Montréal, Montréal, VLB Éditeur, 1993, 323 p.

DAGENAIS, Michèle. La démocratie à Montréal, de 1830 à nos jours, Montréal, Ville de Montréal, 1992, 52 p.

BOURASSA, Guy. « Les élites politiques de Montréal : de l’aristocratie à la démocratie » dans Richard DESROSIERS. Le personnel politique québécois, Montréal, Boréal express, 1972, pp. 117-142. (Coll. « Études d’histoire du Québec, no 3 »).