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Le taximètre montréalais

10 octobre 2024

Dossier

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À Montréal, tout véhicule de taxi doit être équipé d’un taximètre. Établissant le prix de la course, ce compteur horokilométrique a évolué au cours du temps.

« Signe de son importance, c’est cet instrument qui, par métonymie [figure de style], a donné son nom au véhicule lui-même . » — Jean-Philippe Warren, Histoire du taxi à Montréal

Qu’est-ce qu’un taximètre?

Taximètre

Photo couleur montrant un taximètre en gros plan dans un taxi.
MEM – Centre des mémoires montréalaises
Le taximètre est un appareil de mesure mécanique ou électronique qui permet de calculer le prix d’une course de taxi en fonction de la distance parcourue et du temps d’attente dans le véhicule. Son origine étant le mot allemand Taxameter (1890), il a été recomposé avec le mot taxi (de taxer, « réclamer un tarif ») et le mot mètre (issu du grec metron, « mesure »).

Il faut se rappeler que seule une voiture munie d’un taximètre peut être exploitée comme taxi à Montréal, lequel a été rendu obligatoire pour la première fois par un décret de la municipalité en 1920. Dès lors, les propriétaires de taxi doivent démontrer avoir installé l’appareil approuvé auprès de l’inspecteur automobile du Service de police.

Il est intéressant d’apprendre que le taximètre est considéré comme faisant partie d’une catégorie d’appareils réservée à des utilisations horlogères spécialisées. Jusque dans les années 1980, de ce qu’on en sait à tout le moins, les installateurs de taximètres doivent être accrédités à titre d’horlogers par le Bureau des véhicules automobiles du ministère des Transports du Québec pour assurer la vérification mécanique (inspection, réglage et scellage).

Comment fonctionne le taximètre?

Taximètre vérification

Photo en noir et blanc montrant en gros plan une voiture de taxi de la compagnie La Salle dans un garage. À l’intérieur de la voiture se trouvent le conducteur et un passager. Et à l’extérieur, un homme debout fait des vérifications à côté d’un appareil.
Archives de la Ville de Montréal, VM94-Z653-6.
Le taximètre fonctionne donc un peu comme une montre ou une horloge. Alors que les petits engrenages tournent à l’intérieur d’une horloge pour faire pivoter les aiguilles et donner l’heure, le même principe s’applique pour le taximètre mécanique. Dans ce cas, l’intérieur ressemble à des spirales devant être remontées pour faire tourner le compteur afin d’établir le prix de la course. Jean-Philippe Warren l’énonce clairement dans son livre Histoire du taxi à Montréal :

« Une chaîne relie la transmission de la voiture à une boîte de réduction et cette boîte communique le mouvement de la transmission au taximètre; lorsque la voiture s’immobilise, un système d’horlogerie se met en marche. Le prix affiché varie en fonction de trois variables : le montant exigé au départ, la distance parcourue et le temps d’attente. Diverses combinaisons sont possibles et on peut, en pratique, modifier le poids des trois variables à l’infini. Généralement, les municipalités fixent un montant un peu plus élevé pour une première partie du premier kilomètre parcouru et un montant pour les minutes pendant lesquelles la voiture est stationnaire ou roule en deçà d’une certaine vitesse ― ce à quoi s’ajoute parfois un montant de chute, c’est-à-dire un montant de base inscrit au compteur avant même que la voiture n’ait commencé à rouler. »

Depuis l’avènement du taximètre, son fonctionnement reste pratiquement inchangé. Indépendamment des époques et des marques de voiture, même si la technologie progresse, seuls les tarifs changent au fil des décennies.

Évolution des tarifs

Taximètre mécanique

Photo couleur d’un taximètre mécanique avec son pavillon monté indiquant le mot “VACANT”.
Photos gracieuseté de la famille Roy. Collection Gingras taximètre.
En 1920, dès qu’un client entre dans une voiture taxi, considérée en ce temps comme un service de luxe, le chauffeur « baisse le pavillon de son taximètre », ce qui déclenche le compteur. Alors que le prix d’un billet de tramway coûte 5 cents, une course en taxi commence à 0,50 $ pour franchir « le premier trois cinquièmes de mille (1 km) » de distance. Un autre 0,10 $ « s’enregistre pour chaque cinquième de mille (0,3 km) supplémentaire ». Lorsque la voiture s’arrête, « le taximètre facture les minutes à 2,00 $ de l’heure ». À cette époque, le chauffeur peut exiger des frais supplémentaires pour chaque passager additionnel, pour le transport de grosses valises ou si la course se termine au-delà des frontières de la ville. Ce moyen de transport des personnes se démocratise rapidement au cours de la décennie.

C’est en décembre 1990 qu’on a ajouté aux pouvoirs de la Commission des transports du Québec la vérification et le scellage des taximètres. Des ateliers d’installateurs sont ainsi délégués de pouvoir pour agir en son nom comme mandataires autorisés pour vérifier et sceller le taximètre. Sceller signifie fixer le compteur afin que personne ne puisse l’ouvrir. Depuis la mise en vigueur de la loi provinciale, en 2020, la Commission détermine les tarifs qui s’appliquent dans la métropole et dans le reste de la province. Elle a établi un tarif initial habituel et, pour la première fois, un tarif de nuit plus élevé. Ces changements sont exécutés par les mandataires autorisés dès 2022.

Le montant de départ est de 4,10 $, puis s’ajoute une redevance de 0,90 $ pour chaque course, et les taxes en vigueur, soit 1,04 $. En 2022, la course commence donc à 5,15 $. Tous les chauffeurs de taxi ont l’obligation de verser cette taxe pour financer le programme d’indemnisation et d’aide aux personnes ou aux groupements qui étaient titulaires d’un permis de propriétaire lors de son rachat par le gouvernement en 2021. S’ajoutent à ce montant 2,05 $ pour la distance par kilomètre parcouru avec le client et 0,77 $ par minute d’attente. En ce qui concerne le tarif de nuit, le taximètre commence à 5,75 $, compte 2,35 $ pour la distance parcourue et 0,89 $ du temps d’attente.

Trois types de taximètres à Montréal

Taximètres

Mosaïque de neuf modèles de taximètres.
MEM – Centre des mémoires montréalaises
Qu’importe les modèles de taximètres dont la marque change d’un fournisseur à l’autre, on peut les diviser en trois catégories entre les années 1920 et 2020 : mécanique, électronique et numérique.

​​​Les premiers taximètres sont des appareils à mesure mécanique reliés par câble à la transmission du véhicule qu’il faut « crinquer » à la main pour enclencher la mesure du temps d’attente, un peu sur le principe de l’horloge grand-père. Celle-ci fonctionne grâce à un pendule et à un ensemble d’engrenages pour mesurer et afficher l’heure. Dans les débuts des années 1920, le compteur est placé à l’extérieur du véhicule à la hauteur de la fenêtre du chauffeur, facilitant l’accès pour tourner la manivelle. Leur fabrication est solide, mais ils sont volumineux et lourds, sans oublier qu’ils se dérèglent au froid. En outre, ils coûtent trop cher à l’achat au goût des propriétaires de taxi, « entre 125 $ pour les modèles de base et 400 $ pour les modèles haut de gamme », sans négliger qu’ils font un bruit incessant lorsqu’ils sont en marche.

Heureusement leur format diminue au fil du temps, ils s’allègent et gagnent en fiabilité. Un des avantages de cette technologie, comme on le rapporte à ce moment, est d’empêcher la fraude puisque le prix du trajet n’est plus assujetti au temps de la course ou à une entente entre le chauffeur et le client avant le départ. Le taximètre mécanique disparaît autour de 1992 pour laisser la place au taximètre électronique.

​​​Quelques modèles de taximètres électroniques aux fonctionnalités variées arrivent sur le marché durant les années 1980-1985. Ils coexistent avec le taximètre mécanique durant un certain temps. À l’inverse du taximètre mécanique, ils ont l’avantage d’activer le tarif du temps d’attente automatiquement, sans l’intervention du chauffeur. Ainsi, il existe différents procédés pour les programmer qui sont généralement réalisés par les ateliers spécialisés. L’installation du taximètre varie en fonction de l’année et du modèle de l’automobile qui déterminent s’il est relié à la transmission ou à l’ordinateur du véhicule. Avec l’arrivée de voitures plus modernes, il peut aussi être relié à un module GPS. Les modèles de taximètres ne pouvant pas programmer les deux fonctions des tarifs jour et nuit ont disparu en 2022.

​​​Le taximètre numérique fait son apparition dans l’industrie du taxi à Montréal avec la création de Téo Taxi en 2015, la première flotte de taxis électriques. Cette entreprise devient donc le premier intermédiaire à intégrer un taximètre virtuel dans une application de répartition d’appel. Au début, il combine un taximètre physique, que lui impose la Commission du transport, tout en transmettant les informations du montant de la course vers la tablette numérique par technologie sans fil. Par conséquent, il pave la voie aux autres compagnies de taxi qui emboîtent le pas lorsque la technologie est acceptée.

Le taximètre numérique est plus flexible et facilite le changement de tarification. Néanmoins, contrairement au taximètre électronique qui permet un scellage sans risque, le compteur numérique rend plus difficiles les mesures de contrôle. En effet, la nouvelle loi a facilité l’accès au métier de chauffeur de taxi et leur nombre s’est accru depuis 2020. Ceux qui optent pour le taximètre virtuel peuvent le télécharger sur Play Store et certains entrent eux-mêmes le tarif dans leur téléphone ou leur tablette.

Certification

Taximètre vérification 2

Photo en noir et blanc montrant deux voitures de taxi attendant à l’extérieur d’un garage, pendant qu’une troisième voiture est à l’intérieur pour une vérification.
Archives de la Ville de Montréal, VM94-Z653-1.
Or, si la façon d’entrer la tarification s’est transformée, il ne faut pas perdre de vue que ces applications doivent correspondre aux mêmes fonctions qu’un taximètre physique. En principe, le chauffeur est responsable de s’en assurer. Les ateliers d’installateurs de taximètres choisissent des systèmes de répartition des appels clés en main et adoptent des applications éprouvées pour faire le scellage sans que les tarifs ne puissent être changés.

Peu importe le choix du taximètre, le mandataire autorisé par la Commission du transport du Québec doit finalement remplir un certificat de vérification attestant sa conformité avec une marge d’erreur de 1 % et apposer un sceau en plastique (autrefois fait en plomb) qui rend la fraude impossible. Ces vérifications sont obligatoires tous les six mois ou lors des changements de tarification.

Références bibliographiques

GOUVERNEMENT DU QUÉBEC. « Transport rémunéré de personnes par automobile », Commission des transports du Québec

GOUVERNEMENT DU QUÉBEC. « Transport rémunéré de personnes par automobile. Nouvel encadrement légal de l’industrie du transport rémunéré de personnes par automobile », ministère des Transports et de la Mobilité durable

GOUVERNEMENT DU QUÉBEC. « Transport par taxi. Normes s’appliquant au lanternon », ministère des Transports et de la Mobilité durable, 2024. 

RADIO-CANADA, OHDIO. « Le taxi à Montréal, un milieu sous tension depuis toujours », Aujourd’hui l’histoire, Ohdio, 23 minutes, 16 décembre 2020.

SAVOIE, Paule, Daniel CARON et Daniel TARDIF. Rapport d’étude. Système de gestion des taximètres, Direction des systèmes de gestion, Service des systèmes et procédés, ministère des Transports, Gouvernement du Québec, mai 1980, 105 p.

WARREN, Jean-Philippe. Histoire du taxi à Montréal. Des taxis jaunes à UberX, Les Éditions du Boréal, 2020, 432 p.

« Taximètre », Wikipédia, L’encyclopédie libre, dernière modification 23 juin 2024.​

« Comment fonctionne l’horloge grand-père? », gnomonwatches.com, 27 mars 2024. 

Une série d'entrevues ont été réalisées en 2024 par Johane Bergeron dans le cadre de l’acquisition de la collection du Bureau de taxi de Montréal par le MEM. L’entrevue suivante a servi à l’écriture du présent article :

  • ​​​Entretien avec Lise et Christian Roy, propriétaires de Gingras taximètre à Montréal, le 6 mai 2024. Gingras taximètre est une des plus vieilles compagnies d’installation de taximètres à Montréal. L’entreprise vend et fabrique des taximètres et des lanternons, en plus d’effectuer l’entretien de tous les appareils, peu importe les marques. Monsieur Gingras a fondé son entreprise autour de l’année 1959 et Jean Roy en a fait l’acquisition en 1982. Sa conjointe, Lise Roy, également propriétaire, s’est occupée du service clientèle de l’acquisition de l’entreprise jusqu’à ce que son fils, Christian Roy, reprenne les rênes. Il assure ainsi la relève de l’entreprise familiale qui compte sept employés. Au fil des ans, ils ont constitué une belle collection de taximètres et de lanternons en provenance de divers pays, qu’ils ont reçus en cadeau de la part de clients qui voyagent autour du monde.