À Montréal, tout véhicule de taxi doit être équipé d’un taximètre. Établissant le prix de la course, ce compteur horokilométrique a évolué au cours du temps.
« Signe de son importance, c’est cet instrument qui, par métonymie [figure de style], a donné son nom au véhicule lui-même . » — Jean-Philippe Warren, Histoire du taxi à Montréal
Qu’est-ce qu’un taximètre?
Taximètre
Il faut se rappeler que seule une voiture munie d’un taximètre peut être exploitée comme taxi à Montréal, lequel a été rendu obligatoire pour la première fois par un décret de la municipalité en 1920. Dès lors, les propriétaires de taxi doivent démontrer avoir installé l’appareil approuvé auprès de l’inspecteur automobile du Service de police.
Il est intéressant d’apprendre que le taximètre est considéré comme faisant partie d’une catégorie d’appareils réservée à des utilisations horlogères spécialisées. Jusque dans les années 1980, de ce qu’on en sait à tout le moins, les installateurs de taximètres doivent être accrédités à titre d’horlogers par le Bureau des véhicules automobiles du ministère des Transports du Québec pour assurer la vérification mécanique (inspection, réglage et scellage).
Comment fonctionne le taximètre?
Taximètre vérification
« Une chaîne relie la transmission de la voiture à une boîte de réduction et cette boîte communique le mouvement de la transmission au taximètre; lorsque la voiture s’immobilise, un système d’horlogerie se met en marche. Le prix affiché varie en fonction de trois variables : le montant exigé au départ, la distance parcourue et le temps d’attente. Diverses combinaisons sont possibles et on peut, en pratique, modifier le poids des trois variables à l’infini. Généralement, les municipalités fixent un montant un peu plus élevé pour une première partie du premier kilomètre parcouru et un montant pour les minutes pendant lesquelles la voiture est stationnaire ou roule en deçà d’une certaine vitesse ― ce à quoi s’ajoute parfois un montant de chute, c’est-à-dire un montant de base inscrit au compteur avant même que la voiture n’ait commencé à rouler. »
Depuis l’avènement du taximètre, son fonctionnement reste pratiquement inchangé. Indépendamment des époques et des marques de voiture, même si la technologie progresse, seuls les tarifs changent au fil des décennies.
Évolution des tarifs
Taximètre mécanique
C’est en décembre 1990 qu’on a ajouté aux pouvoirs de la Commission des transports du Québec la vérification et le scellage des taximètres. Des ateliers d’installateurs sont ainsi délégués de pouvoir pour agir en son nom comme mandataires autorisés pour vérifier et sceller le taximètre. Sceller signifie fixer le compteur afin que personne ne puisse l’ouvrir. Depuis la mise en vigueur de la loi provinciale, en 2020, la Commission détermine les tarifs qui s’appliquent dans la métropole et dans le reste de la province. Elle a établi un tarif initial habituel et, pour la première fois, un tarif de nuit plus élevé. Ces changements sont exécutés par les mandataires autorisés dès 2022.
Le montant de départ est de 4,10 $, puis s’ajoute une redevance de 0,90 $ pour chaque course, et les taxes en vigueur, soit 1,04 $. En 2022, la course commence donc à 5,15 $. Tous les chauffeurs de taxi ont l’obligation de verser cette taxe pour financer le programme d’indemnisation et d’aide aux personnes ou aux groupements qui étaient titulaires d’un permis de propriétaire lors de son rachat par le gouvernement en 2021. S’ajoutent à ce montant 2,05 $ pour la distance par kilomètre parcouru avec le client et 0,77 $ par minute d’attente. En ce qui concerne le tarif de nuit, le taximètre commence à 5,75 $, compte 2,35 $ pour la distance parcourue et 0,89 $ du temps d’attente.
Trois types de taximètres à Montréal
Taximètres
Les premiers taximètres sont des appareils à mesure mécanique reliés par câble à la transmission du véhicule qu’il faut « crinquer » à la main pour enclencher la mesure du temps d’attente, un peu sur le principe de l’horloge grand-père. Celle-ci fonctionne grâce à un pendule et à un ensemble d’engrenages pour mesurer et afficher l’heure. Dans les débuts des années 1920, le compteur est placé à l’extérieur du véhicule à la hauteur de la fenêtre du chauffeur, facilitant l’accès pour tourner la manivelle. Leur fabrication est solide, mais ils sont volumineux et lourds, sans oublier qu’ils se dérèglent au froid. En outre, ils coûtent trop cher à l’achat au goût des propriétaires de taxi, « entre 125 $ pour les modèles de base et 400 $ pour les modèles haut de gamme », sans négliger qu’ils font un bruit incessant lorsqu’ils sont en marche.
Heureusement leur format diminue au fil du temps, ils s’allègent et gagnent en fiabilité. Un des avantages de cette technologie, comme on le rapporte à ce moment, est d’empêcher la fraude puisque le prix du trajet n’est plus assujetti au temps de la course ou à une entente entre le chauffeur et le client avant le départ. Le taximètre mécanique disparaît autour de 1992 pour laisser la place au taximètre électronique.
Quelques modèles de taximètres électroniques aux fonctionnalités variées arrivent sur le marché durant les années 1980-1985. Ils coexistent avec le taximètre mécanique durant un certain temps. À l’inverse du taximètre mécanique, ils ont l’avantage d’activer le tarif du temps d’attente automatiquement, sans l’intervention du chauffeur. Ainsi, il existe différents procédés pour les programmer qui sont généralement réalisés par les ateliers spécialisés. L’installation du taximètre varie en fonction de l’année et du modèle de l’automobile qui déterminent s’il est relié à la transmission ou à l’ordinateur du véhicule. Avec l’arrivée de voitures plus modernes, il peut aussi être relié à un module GPS. Les modèles de taximètres ne pouvant pas programmer les deux fonctions des tarifs jour et nuit ont disparu en 2022.
Le taximètre numérique fait son apparition dans l’industrie du taxi à Montréal avec la création de Téo Taxi en 2015, la première flotte de taxis électriques. Cette entreprise devient donc le premier intermédiaire à intégrer un taximètre virtuel dans une application de répartition d’appel. Au début, il combine un taximètre physique, que lui impose la Commission du transport, tout en transmettant les informations du montant de la course vers la tablette numérique par technologie sans fil. Par conséquent, il pave la voie aux autres compagnies de taxi qui emboîtent le pas lorsque la technologie est acceptée.
Le taximètre numérique est plus flexible et facilite le changement de tarification. Néanmoins, contrairement au taximètre électronique qui permet un scellage sans risque, le compteur numérique rend plus difficiles les mesures de contrôle. En effet, la nouvelle loi a facilité l’accès au métier de chauffeur de taxi et leur nombre s’est accru depuis 2020. Ceux qui optent pour le taximètre virtuel peuvent le télécharger sur Play Store et certains entrent eux-mêmes le tarif dans leur téléphone ou leur tablette.
Certification
Taximètre vérification 2
Peu importe le choix du taximètre, le mandataire autorisé par la Commission du transport du Québec doit finalement remplir un certificat de vérification attestant sa conformité avec une marge d’erreur de 1 % et apposer un sceau en plastique (autrefois fait en plomb) qui rend la fraude impossible. Ces vérifications sont obligatoires tous les six mois ou lors des changements de tarification.
GOUVERNEMENT DU QUÉBEC. « Transport rémunéré de personnes par automobile », Commission des transports du Québec.
GOUVERNEMENT DU QUÉBEC. « Transport rémunéré de personnes par automobile. Nouvel encadrement légal de l’industrie du transport rémunéré de personnes par automobile », ministère des Transports et de la Mobilité durable.
GOUVERNEMENT DU QUÉBEC. « Transport par taxi. Normes s’appliquant au lanternon », ministère des Transports et de la Mobilité durable, 2024.
RADIO-CANADA, OHDIO. « Le taxi à Montréal, un milieu sous tension depuis toujours », Aujourd’hui l’histoire, Ohdio, 23 minutes, 16 décembre 2020.
SAVOIE, Paule, Daniel CARON et Daniel TARDIF. Rapport d’étude. Système de gestion des taximètres, Direction des systèmes de gestion, Service des systèmes et procédés, ministère des Transports, Gouvernement du Québec, mai 1980, 105 p.
WARREN, Jean-Philippe. Histoire du taxi à Montréal. Des taxis jaunes à UberX, Les Éditions du Boréal, 2020, 432 p.
« Portrait. Les horlogers modernes », Taxi Le Journal, Bureau du taxi et du remorquage de Montréal, printemps 2009, volume 11, no 2, p. 17.
« Taximètre », Wikipédia, L’encyclopédie libre, dernière modification 23 juin 2024.
« Comment fonctionne l’horloge grand-père? », gnomonwatches.com, 27 mars 2024.
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Une série d'entrevues ont été réalisées en 2024 par Johane Bergeron dans le cadre de l’acquisition de la collection du Bureau de taxi de Montréal par le MEM. L’entrevue suivante a servi à l’écriture du présent article :
- Entretien avec Lise et Christian Roy, propriétaires de Gingras taximètre à Montréal, le 6 mai 2024. Gingras taximètre est une des plus vieilles compagnies d’installation de taximètres à Montréal. L’entreprise vend et fabrique des taximètres et des lanternons, en plus d’effectuer l’entretien de tous les appareils, peu importe les marques. Monsieur Gingras a fondé son entreprise autour de l’année 1959 et Jean Roy en a fait l’acquisition en 1982. Sa conjointe, Lise Roy, également propriétaire, s’est occupée du service clientèle de l’acquisition de l’entreprise jusqu’à ce que son fils, Christian Roy, reprenne les rênes. Il assure ainsi la relève de l’entreprise familiale qui compte sept employés. Au fil des ans, ils ont constitué une belle collection de taximètres et de lanternons en provenance de divers pays, qu’ils ont reçus en cadeau de la part de clients qui voyagent autour du monde.