Présente avant même la fondation de la ville, l’agriculture est encore dans la première moitié du XXe siècle une activité florissante sur l’île de Montréal, nourrissant une grande partie de sa population.
Agriculture 1921
Propulsée par l’industrialisation, l’expansion que connaît Montréal dans la seconde moitié du XIXe siècle s’est inévitablement faite au détriment des terres agricoles environnantes, éloignant toujours plus la population de ses sources d’approvisionnement alimentaire. Mais malgré la progression de l’urbanisation, l’environnement agricole qui ceinture alors la ville demeure dynamique et d’une grande importance pour la population. Montréal et sa campagne sont ainsi interdépendantes.
Un monde agricole en mutation
Carte 1904
Malgré qu’elle voie son territoire continuellement restreint, l’agriculture montréalaise se montre à l’avant-garde du Québec agricole, adoptant plus tôt la mécanisation, réduisant du même coup son bétail et se concentrant de plus en plus sur des types de production qui se généraliseront plus tard. Elle s’adapte ainsi aux nouvelles réalités du marché nord-américain, marqué notamment par le fulgurant essor de la production céréalière dans les Prairies.
Des fermes petites, mais à production intensive
Marché place Jacques-Cartier
Plus petites, ces fermes se tournent de plus en plus vers la production maraîchère. Alors que les vignerons qui étaient présents au XIXe siècle disparaissent peu à peu et que les vergers se font moins nombreux, la production de légumes et de certains fruits, tel le fameux melon de Montréal qui connaîtra son heure de gloire dans les années 1920 et 1930, bat son plein. La production maraîchère est particulièrement florissante dans le centre de l’île, notamment dans Notre-Dame-de-Grâce, Côte-des-Neiges et Rosemont. De petites fermes subsistent également dans les municipalités d’Outremont et de Westmount.
Jusque dans les années 1950, près de la moitié des fermes montréalaises sont ainsi vouées à la production de légumes et de fruits principalement destinés au marché local, soit nettement plus que les fermes du reste de la province. Près de la moitié de cette production maraichère est alors vendue au marché Bonsecours, inauguré en 1847. Les marchés Saint-Laurent, Saint-Jean-Baptiste, Maisonneuve, Atwater, Lachine et du Nord (Jean-Talon) se partagent l’essentiel du reste de la production.
Encore épargné par l’urbanisation, l’ouest de l’île compte au début du XXe siècle plus de la moitié des fermes de l’île. En 1921, on en trouve ainsi 143 à Pierrefonds, 128 à Saint-Laurent, 104 à Pointe-Claire et 90 à l’Île-Bizard. Dans l’est, seule la municipalité de Saint-Léonard-de-Port-Maurice (aujourd’hui arrondissement de Saint-Léonard), avec ses 107 fermes, en conserve un nombre comparable. Dans l’ouest, la culture céréalière continue de dominer le paysage agricole et la production de foin prend de plus en plus d’importance. Pour sa part, l’élevage laitier se marginalise peu à peu.
Vestiges et soubresauts
Côtes-des-Neiges ferme Deguire
Le boom immobilier suivant la Seconde Guerre mondiale aura toutefois raison de la plupart des fermes montréalaises. Plusieurs propriétaires cessent peu à peu de cultiver leurs terres, qui sont tour à tour achetées par des promoteurs immobiliers. Petit à petit, la campagne laisse place à la banlieue. À la fin du siècle, seule une poignée de fermes à l’extrémité ouest de l’île de Montréal et sur l’île Bizard résistent encore à la pression de l’urbanisation.
Afin de préserver le patrimoine agricole de l’ancienne ferme du sénateur Louis-Joseph Forget, à Senneville, la Ville de Montréal crée en 1991 le parc agricole du Bois-de-la-Roche. Ayant une visée éducative, ce parc est l’un des seuls endroits sur l’île de Montréal où l’on trouve encore des bâtiments de ferme de la fin du XIXe siècle.
Malgré la disparition de la quasi-totalité des terres agricoles de l’île de Montréal, de nouvelles formes d’activités agricoles ont émergé à partir des années 2000. Des initiatives d’agriculture urbaine se sont en effet multipliées dans les différentes municipalités et arrondissements de l’île. Bien que leur production ne soit en rien comparable à celle des fermes montréalaises du début du XXe siècle, elles permettent à nouveau à une partie de la population de s’approvisionner en aliments locaux.
CASTONGUAY, Stéphane. « Agriculture on the Montreal Plain, 1850-1950: Urban Market and Metropolitan Hinterland », dans Metropolitan Natures: Environmental Histories of Montreal, sous la direction de Stéphane Castonguay et Michèle Dagenais, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 2011, p. 187-210.
DUPONT, David. Une brève histoire de l’agriculture au Québec : De la conquête du sol à la mondialisation, Montréal, Fides, 2009, 232 p.
LINTEAU, Paul-André. Histoire de Montréal depuis la Confédération, 2e édition, Montréal, Boréal, 2000, 662 p.
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