L'encyclopédie est le site du MEM - Centre des mémoires montréalaises

L’agriculture à Montréal au XXe siècle

08 mars 2021
Temps de lecture

Présente avant même la fondation de la ville, l’agriculture est encore dans la première moitié du XXe siècle une activité florissante sur l’île de Montréal, nourrissant une grande partie de sa population.

Agriculture 1921

Photographie en noir et blanc représentant un champ de tomates avec à l’arrière-plan des bâtiments et le mont Royal.
Archives de la Ville de Montréal. P500-Y1_054-003.
La fertilité des terres montréalaises avait déjà été remarquée par Jacques Cartier lors de sa visite sur l’île en 1535. Les Iroquoiens du Saint-Laurent cultivaient en effet maïs, courges et haricots. Un siècle plus tard, les premiers colons faisaient pousser à leur tour des semences amenées de France, à l’intérieur même de l’enceinte de la ville. Potagers et vergers côtoyaient ainsi les premières habitations. Principale source d’alimentation des habitants de la ville coloniale, l’agriculture faisait partie intégrante du paysage. Peu à peu, les terres défrichées en périphérie se sont étendues à presque l’ensemble de l’île, fournissant ainsi Montréal et les différents noyaux villageois en céréales, légumes, fruits, viandes et produits laitiers.

Propulsée par l’industrialisation, l’expansion que connaît Montréal dans la seconde moitié du XIXe siècle s’est inévitablement faite au détriment des terres agricoles environnantes, éloignant toujours plus la population de ses sources d’approvisionnement alimentaire. Mais malgré la progression de l’urbanisation, l’environnement agricole qui ceinture alors la ville demeure dynamique et d’une grande importance pour la population. Montréal et sa campagne sont ainsi interdépendantes.

Un monde agricole en mutation

Carte 1904

Plan ancien de l’île de Montréal sur lequel on reconnaît des lots, des rangs et des montées.
Archives de la Ville de Montréal. CA M001 VM066-5-P079.
Au tournant du XXe siècle, on pratique peu l’élevage à Montréal. L’agriculture est surtout adaptée au sol argileux caractéristique de l’île. On cultive principalement des pommes de terre et des céréales en réponse aux besoins du marché local, notamment les brasseries. Mais à mesure que la ville poursuit son expansion, d’autres types de production gagnent en importance.

Malgré qu’elle voie son territoire continuellement restreint, l’agriculture montréalaise se montre à l’avant-garde du Québec agricole, adoptant plus tôt la mécanisation, réduisant du même coup son bétail et se concentrant de plus en plus sur des types de production qui se généraliseront plus tard. Elle s’adapte ainsi aux nouvelles réalités du marché nord-américain, marqué notamment par le fulgurant essor de la production céréalière dans les Prairies.

Des fermes petites, mais à production intensive

Marché place Jacques-Cartier

Carte postale ancienne, colorisée, représentant des marchands de légumes sur une place publique.
Library of Congress, 2017659148.
Alors que jusqu’au milieu du XIXe siècle, elles étaient en moyennes plus grandes que celles du reste du Québec, les fermes montréalaises rétrécissent peu à peu sous la pression de l’urbanisation. Mais l’agriculture s’y fait de façon plus intensive que dans le reste de la province, où les fermes prennent toujours plus d’expansion.

Plus petites, ces fermes se tournent de plus en plus vers la production maraîchère. Alors que les vignerons qui étaient présents au XIXe siècle disparaissent peu à peu et que les vergers se font moins nombreux, la production de légumes et de certains fruits, tel le fameux melon de Montréal qui connaîtra son heure de gloire dans les années 1920 et 1930, bat son plein. La production maraîchère est particulièrement florissante dans le centre de l’île, notamment dans Notre-Dame-de-Grâce, Côte-des-Neiges et Rosemont. De petites fermes subsistent également dans les municipalités d’Outremont et de Westmount.

Jusque dans les années 1950, près de la moitié des fermes montréalaises sont ainsi vouées à la production de légumes et de fruits principalement destinés au marché local, soit nettement plus que les fermes du reste de la province. Près de la moitié de cette production maraichère est alors vendue au marché Bonsecours, inauguré en 1847. Les marchés Saint-Laurent, Saint-Jean-Baptiste, Maisonneuve, Atwater, Lachine et du Nord (Jean-Talon) se partagent l’essentiel du reste de la production.

Encore épargné par l’urbanisation, l’ouest de l’île compte au début du XXe siècle plus de la moitié des fermes de l’île. En 1921, on en trouve ainsi 143 à Pierrefonds, 128 à Saint-Laurent, 104 à Pointe-Claire et 90 à l’Île-Bizard. Dans l’est, seule la municipalité de Saint-Léonard-de-Port-Maurice (aujourd’hui arrondissement de Saint-Léonard), avec ses 107 fermes, en conserve un nombre comparable. Dans l’ouest, la culture céréalière continue de dominer le paysage agricole et la production de foin prend de plus en plus d’importance. Pour sa part, l’élevage laitier se marginalise peu à peu.

Vestiges et soubresauts

Côtes-des-Neiges ferme Deguire

Photographie en noir et blanc d’un champ de choux avec à l’arrière-plan des serres.
Archives de la ville de Montréal. P500-Y-1_053-005.
Bien qu’elle perde constamment du terrain, l’agriculture montréalaise vit encore de belles heures jusqu’au milieu du XXe siècle. En 1951, on dénombre encore 616 fermes sur l’île de Montréal. C’est nettement moins que les 1378 fermes que l’on comptait en 1861, mais ce nombre démontre que l’agriculture y demeure bien présente. Malgré l’expansion constante de la ville, on retrouve encore dans les années 1950 des fermes à Saint-Léonard, Côte-des-Neiges et Saint-Laurent.

Le boom immobilier suivant la Seconde Guerre mondiale aura toutefois raison de la plupart des fermes montréalaises. Plusieurs propriétaires cessent peu à peu de cultiver leurs terres, qui sont tour à tour achetées par des promoteurs immobiliers. Petit à petit, la campagne laisse place à la banlieue. À la fin du siècle, seule une poignée de fermes à l’extrémité ouest de l’île de Montréal et sur l’île Bizard résistent encore à la pression de l’urbanisation.

Afin de préserver le patrimoine agricole de l’ancienne ferme du sénateur Louis-Joseph Forget, à Senneville, la Ville de Montréal crée en 1991 le parc agricole du Bois-de-la-Roche. Ayant une visée éducative, ce parc est l’un des seuls endroits sur l’île de Montréal où l’on trouve encore des bâtiments de ferme de la fin du XIXe siècle.

Malgré la disparition de la quasi-totalité des terres agricoles de l’île de Montréal, de nouvelles formes d’activités agricoles ont émergé à partir des années 2000. Des initiatives d’agriculture urbaine se sont en effet multipliées dans les différentes municipalités et arrondissements de l’île. Bien que leur production ne soit en rien comparable à celle des fermes montréalaises du début du XXe siècle, elles permettent à nouveau à une partie de la population de s’approvisionner en aliments locaux.

Références bibliographiques

CASTONGUAY, Stéphane. « Agriculture on the Montreal Plain, 1850-1950: Urban Market and Metropolitan Hinterland », dans Metropolitan Natures: Environmental Histories of Montreal, sous la direction de Stéphane Castonguay et Michèle Dagenais, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 2011, p. 187-210.

DUPONT, David. Une brève histoire de l’agriculture au Québec : De la conquête du sol à la mondialisation, Montréal, Fides, 2009, 232 p.

LINTEAU, Paul-André. Histoire de Montréal depuis la Confédération, 2édition, Montréal, Boréal, 2000, 662 p.

ROBERT, Mario. « Chronique Montréalité nº 11 : L’agriculture sur l’île de Montréal depuis les Iroquoiens du Saint-Laurent », Archives de Montréal, 7 avril 2014.