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Kondiaronk, dit Le Rat

13 janvier 2016

La Grande Paix de 1701 doit beaucoup au chef huron Kondiaronk. Grâce à ses qualités d’esprit, son éloquence et son talent d’orateur, les Français ont pu rallier les nations alliées à une paix générale. Qui est donc ce grand chef connu des Français sous le nom de Le Rat?

Pour briser l’isolement

C’est dans une Huronie en déclin que naît Kondiaronk (environ 1649-1701) qui doit son surnom à son emblème totémique, le rat musqué. La dispersion des nations huronnes mène les Tionontatés (Pétuns), nation de Kondiaronk, à s’installer à Michillimakinac, territoire situé entre les lacs Huron et Michigan et habité par plusieurs tribus algonquines. La population de la Huronie, estimée à 30 000 personnes vers 1600, fond dramatiquement : on en dénombre que 500 vers 1678 à Michillimakinac. Malgré tout, les Hurons demeurent une figure emblématique aux yeux de plusieurs nations. Cette position de force des Hurons sera avantageuse pour Kondiaronk dans ses relations diplomatiques avec les Français. Toutefois, la cohabitation Hurons-Algonquins n’est pas aisée en raison des différences linguistiques et culturelles. Mais la crainte d’un péril commun, le risque d’être anéanti par les Iroquois, favorise la bonne entente.

Pour Kondiaronk, l’alliance avec les Français est essentielle. Il est sans équivoque dans un discours prononcé à la conférence de Montréal en 1682 : « Saretsi [Kondiaronk] ton fils, Onontio (gouverneur français), se disoit autrefois ton frere, mais il a cessé de l’estre, car il est maintenant ton fils, et tu l’as engendré par la protection qui tu luy a donnée contre ses ennemis (…) » Fin stratège, Le Rat sait qu’une paix entre les Français et les Iroquois laisserait ces derniers libres de s’attaquer à lui et aux tribus de l’Ouest. Il devient impératif pour lui et son peuple d’entretenir cette rivalité. Il n’hésite donc pas à soutenir diverses intrigues guerrières pendant près de dix ans. Il réussit à briser l’isolement de son peuple et à en assurer, par le fait même, la survie.

Vers la Grande Paix

C’est autour de 1695 que s’ouvre lentement le chemin qui mènera à la Grande Paix de 1701. À cette époque, Kondiaronk dirige une faction proche des Français alors qu’un autre chef huron, Le Baron, est à la tête d’un groupe voulant faire alliance avec les Anglais et les Iroquois. Pour favoriser cette alliance, Le Baron souhaite offrir son appui aux Iroquois pour anéantir la nation algonquienne des Miamis. Kondiaronk a vent de l’attaque et en avertit les Miamis. C’est donc le plan inverse qui se produit : Le Rat et les Miamis attaquent les Iroquois sur le lac Érié en 1697 et la bataille à sens unique tourne à l’avantage des Hurons. Cette bataille scelle la fin d’une alliance possible entre Hurons et Iroquois et rétablit la suprématie de Kondiaronk à la tête des Hurons. Toujours en 1697, une trêve entre les Français et les Anglais amène ces derniers à retirer l’appui matériel qu’ils offraient jusque là aux Iroquois. Ceux-ci, dépourvus de l’aide des Anglais, fatigués et décimés par de longues guerres, se trouvent maintenant disposés à discuter d’une paix durable pour la Nouvelle-France.

La première étape de l’établissement de cette paix globale est de convaincre les nations autochtones de leurs intérêts dans cette négociation et, surtout, de les convaincre de la bonne volonté de tous et chacun. Trop souvent dans les décennies précédentes, les alliances et les trêves ont été violées. Kondiaronk assiste à toutes les délibérations entre les Français et les autres nations autochtones favorables à la paix. Sa présence et ses qualités d’orateur permettent aux défenseurs de la paix de rallier un nombre grandissant de nations. Le 21 juillet 1701, l’arrivée d’une flottille composée de 200 Iroquois sonne le début de la conférence finale, à Montréal. Le lendemain, les Outaouais, les Potéouatamis, les Hurons, les Miamis, les Winnebagos et des dizaines d’autres nations arrivent à bord de 200 canots contenant 700 hommes. Rapidement la petite ville de Montréal, qui abrite alors 1200 habitants, voit ses alentours occupés par les campements autochtones. On compte à un certain moment autant de Français à l’intérieur des murs de la ville que d’autochtones à l’extérieur!

Disparition d’un grand chef

Kondiaronk - Funérailles

Illustration montrant une procession pour les funérailles du chef Huron Kondiaronk qui se rend à l’église Notre-Dame.
2001. Les funérailles du chef huron-wendat Kondiaronk en 1701, par Charles Vinh. Collection privée.
Mais, le destin frappe : à quelques jours de la signature du traité historique pour lequel il n’a ménagé aucun effort, Kondiaronk apparaît devant une assemblée, fortement affaibli par la fièvre. Son discours de deux heures est à la hauteur de l’homme : éloquent et captivant pour tous ceux y ayant assisté. Après ce discours, la fièvre s’intensifie si bien que Le Rat est transporté à l’hôpital de la rue Saint-Paul où son état ne fait que se détériorer. Très tôt avant le lever du jour, le 2 août 1701, Kondiaronk, dit Le Rat, rend l’âme. Célébrées le lendemain, ses funérailles sont grandioses : dans le cortège, Français, Hurons et Iroquois, tous sont venus rendre hommage au chef huron dont le corps sera inhumé sous l’église Notre-Dame. Aujourd’hui, il ne reste plus de traces de la tombe de Kondiaronk, mais on suppose qu’elle se trouve quelque part sous la place d’Armes ou dans les environs.

Cet article est paru dans le numéro 47 du bulletin imprimé Montréal Clic, publié par le Centre d’histoire de 1991 à 2008.