Bien qu’il s’agisse d’un petit pays, la présence de Cuba à Expo 67 fait grand bruit. Très fréquenté, le modeste pavillon cubain suscite la controverse et sera même la cible de projets d’attentats.
Expo 67 - Pavillon de Cuba
Un pavillon sous haute surveillance
Expo 67 - Pavillon de Cuba (intérieur)
C’est donc sous haute surveillance que le pavillon cubain est inauguré le 28 avril. L’arrestation de Rivero, le 14 mai, n’éliminera pas la menace. Dans l’après-midi du 31 mai, un colis suspect explose à proximité du pavillon, sans toutefois faire de victimes. Tout au long de l’Expo, le pavillon fait l’objet d’une protection spéciale des services de sécurité. Il est également surveillé de près par des espions du régime cubain. Il n’est en effet pas rare d’apercevoir, assis sur des bancs à proximité du pavillon, des hommes vêtus de noir portant des lunettes aux verres fumés.
L’annonce de la visite de Fidel Castro à l’Expo, prévue pour le jour de la fête nationale cubaine, le 26 juillet, provoquera plusieurs maux de tête aux organisateurs. Ce serait d’ailleurs pour des raisons de sécurité que celle-ci sera finalement annulée, vraisemblablement à la demande des autorités canadiennes.
Symboliser la transformation de la société cubaine
Expo 67 - Pavillon de Cuba (nuit)
Le renforcement de la sécurité autour du pavillon cubain ne dissuade cependant pas les visiteurs, qui sont très nombreux à y pénétrer. Conçu par Sergio Baroni et Vittoria Garatti, deux architectes italiens impliqués dans plusieurs projets à Cuba, le pavillon cubain est constitué d’un assemblage de modules en aluminium recouverts de vinyle blanc. Son architecture singulière représente « l’idée d’une nation qui se développe avec la même intention dans toutes les directions ». Elle vise ainsi à symboliser la transformation de la société cubaine, portée par sa révolution.
L’architecture du pavillon surprend, il en est de même pour le contenu de son exposition. Des photographies et articles de journaux illustrant les faits d’arme de la révolution et dénonçant l’impérialisme tapissent les murs, aux côtés de slogans et poèmes révolutionnaires. Si on trouve plusieurs éléments documentant la révolution, le pavillon offre également un regard sur l’histoire cubaine, dans une perspective clairement anticoloniale et anti-impérialiste. On dénonce les ravages de la colonisation espagnole en saluant la résistance des peuples autochtones et des esclaves noirs. Ainsi peut-on lire sur un mur : « En Amérique se lève le premier guérillero, le nègre marron, esclave fugitif et rebelle. » On dénonce également les interventions américaines en Amérique latine et au Vietnam, en déplorant la complicité tacite de certains États : « Observer un crime en silence, c’est le commettre. » Les visiteurs peuvent également visionner des films illustrant la vie quotidienne à Cuba, dont certains sont diffusés sur des écrans installés sur les murs extérieurs du pavillon.
De discussions en débat idéologique
Expo 67 - Pavillon de Cuba (intérieur)
Aucune légende n’accompagne cependant les documents exposés. C’est donc souvent aux hôtesses que revient la responsabilité d’informer les visiteurs sur le contenu de l’exposition. Toutes universitaires et révolutionnaires, celles-ci démontrent une profonde connaissance de l’histoire de leur pays, en plus de maîtriser habilement la rhétorique révolutionnaire. Plusieurs visiteurs, dont un bon nombre d’Américains, entretiennent ainsi des discussions animées avec les hôtesses, discussions qui se transforment souvent en débat idéologique. Si la plupart d’entre eux se montrent polis, d’autres se font plus agressifs et dirigent leur haine du régime castriste contre les hôtesses. Certains finissent par se faire expulser du pavillon et parfois même du site de l’Expo.
Certains journalistes goûtent pour leur part à la médecine révolutionnaire. Habitués aux passe-droits que leur confère d’ordinaire leur statut, ils apprennent ainsi à leurs dépens que, au pavillon cubain, tous les visiteurs sont égaux. Deux journalistes de La Patrie rapporteront s’être fait refuser le privilège de dépasser la file d’attente au restaurant du pavillon, réputé pour ses fruits de mer. Après avoir présenté leur carte de presse au maître d’hôtel en prétextant faire la tournée des restaurants de l’Expo, celui-ci leur a répondu : « C’est là une coutume américaine que nous ne pratiquons pas. Chez nous, pas de privilégiés. Vous devez faire la queue comme les autres clients. » Surpris par ce traitement, les deux journalistes se résigneront à attendre leur tour avant de savourer leur repas, qu’ils trouveront par ailleurs fort délicieux.
Expo 67 - Pavillon de Cuba (intérieur)
Hommage révolutionnaire
Expo 67 - Pavillon de Cuba
Malgré sa taille modeste et les menaces qui ont plané sur lui, le pavillon cubain aura connu un succès remarquable. Les files d’attente y ont été presque continuelles tout au long de l’Expo. Alors qu’il devait être démonté pour retourner à Cuba, le gouvernement cubain le cède finalement à la ville de Montréal. Cuba y présentera à nouveau une exposition lors de la première édition de Terre des Hommes, en 1968. Misant essentiellement sur la culture et les charmes du pays, celle-ci sera cette fois dépouillée du contenu révolutionnaire qui avait causé beaucoup d’émoi à l’Expo. Occupé les deux années suivantes par la Bulgarie, le pavillon sera démoli en 1976 pour permettre l’aménagement du bassin olympique pour les Jeux olympiques de 1976.