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Expo 67. Jean Huard

11 mai 2017

Une quinzaine de visites à l’Expo 67 ont marqué Jean Huard pour la vie. Avec enthousiasme, il évoque les activités, les lieux et les découvertes, sans oublier sa collection de souvenirs.

Dans le cadre de son exposition Explosion 67. Terre des jeunes, soulignant le 50e anniversaire d’Expo 67, le Centre d’histoire de Montréal a reçu des messages de personnes qui souhaitaient témoigner de leur expérience. C’est ce qu’a fait Jean Huard, qui a spontanément livré ce témoignage écrit. Il nous fait découvrir l’événement par le regard d’un jeune Québécois qui a visité l’Exposition à de nombreuses reprises, même s’il habitait la Mauricie.

Jean Huard

Jean Huard et sa famille devant le pavillon de l’Iran en août 1967.
Collection personnelle Jean Huard
L’Expo 67! L’été de mes 13 ans. J’y ai fait une quinzaine de visites malgré la distance Montréal–Grand-Mère. Pour un adolescent comme moi, visiter [60] pays dans le même environnement, c’était le bonheur total. Je n’avais jamais vu autant de monde au même endroit dans une même journée. Pour moi, petit gars de région, mes seules expériences de « foule » se limitaient à quelques visites au Forum de Montréal pour y voir les Canadiens. Mais ce que je retiens de ces milliers de visiteurs, c’est la diversité des peuples, les habillements colorés, le sourire des gens et leur patience. Car les files d’attente étaient longues!

Que dire de l’architecture des pavillons! On les reproduirait dans une exposition universelle des années 2000 et ils cadreraient toujours dans le décor. Tout me fascinait : les canaux, les immenses fontaines, les lampadaires, le Minirail… même les espaces dédiés aux téléphones avec leur « chapeau » rond pour protéger les utilisateurs de la pluie.

Comme je me rendais à l’Expo en voiture avec ma famille ou de la parenté, un de mes souvenirs sont ces immenses stationnements et, pour y retrouver notre voiture à la fin de la journée, les grands panneaux d’animaux accrochés aux lampadaires. Je disais à mon père : « C’est facile de se retrouver, on est sous la girafe! »

Cinéma et nouvelles technologies

Jean Huard

Jean Huard et deux de ses frères et soeurs devant la pavillon de la Thaïlande
Collection personnelle Jean Huard
Quelques films dans les pavillons m’ont particulièrement impressionné. Celui du pavillon du Téléphone était magnifique. On oubliait vite les heures d’attente même si on devait rester debout pour voir ce film à 360 degrés. J’ai été impressionné aussi par celui de la Tchécoslovaquie qui parfois s’interrompait et les spectateurs votaient pour décider de la suite des choses. Et quand il faisait trop chaud, mes parents nous amenaient voir le film du pavillon thématique des régions polaires. Il y faisait frais. Cela reposait nos pieds et calmait les enfants.

Je n’avais pas peur des hauteurs. J’aimais mieux gravir rapidement les escaliers de la pyramide inversée du pavillon du Canada que prendre le petit ascenseur vitré. Par contre le très long escalier mobile à l’intérieur du pavillon des États-Unis était impressionnant. Et grimper sur le dernier balcon du pavillon de la France me fascinait. On pouvait voir les milliers de visiteurs circuler tout en bas. Et à La Ronde, le téléphérique au-dessus du lac des Dauphins nous donnait le vertige, surtout quand il ventait un peu. Mais on aimait ça. On était jeune.

Les odeurs de nourriture et tous ces restaurants! Que de découvertes! Je pense que c’est à l’Expo 67 que j’ai mangé de la pizza pour la première fois! Mais, en famille, on amenait souvent un lunch. Mon père louait un casier. On y plaçait les sacs et on partait à la découverte des pavillons. À l’heure du dîner, mes parents avaient identifié quelques endroits plus calmes avec tables à pique-nique ou simplement du gazon, et on dégustait nos sandwiches. Nos endroits favoris : le parc derrière le pavillon de l’Allemagne quand on était sur l’île Notre-Dame et les bancs et tables au rez-de-chaussée du pavillon de la Scandinavie quand on était à l’île Sainte-Hélène.

Des souvenirs inestimables

Jean Huard

Jean Huard et sa famille montant les escaliers d'un pavillon
Collection personnelle Jean Huard
J’étais un « ramasseux » de dépliants. J’amenais toujours un sac à dos ou à poignées, vide bien sûr, pour le remplir de tout ce qu’on pouvait donner dans les pavillons. J’ai même pris en cachette au pavillon des États-Unis quelques petites roches dans l’espace lunaire, tout près des capsules spatiales noircies par leur retour sur terre. Heureusement qu’aucun gardien ne m’a vu faire. J’ai encore ce précieux souvenir tout comme mon passeport, mon guide officiel, la plaque d’immatriculation de la voiture de mon père avec le logo de l’expo, des cartes postales, des centaines de coupures de journaux, des verres et une collection dont je suis bien fier, les capsules de bouteilles de bière Dow sur lesquelles on retrouvait les pavillons de l’expo. J’avais passé le mot d’ordre dans la grande famille de mon père : « Achetez cette marque-là et gardez-moi les capsules. »

Que dire des « étampes » dans les passeports? C’était la folie furieuse. Après avoir attendu plusieurs minutes pour entrer dans un pavillon, il y avait parfois une autre file d’attente pour faire « étamper » notre passeport. Mais quelle bonne idée! Plusieurs étaient électroniques avec la date et parfois l’heure. Aujourd’hui, avec notre passeport, on peut retrouver les dates de nos visites. Mais il y avait aussi un inconvénient à ces machines automatiques : elles manquaient souvent d’encre. J’étais alors grandement déçu! Par contre les hôtesses étaient assez vigilantes et réagissaient vite : une « étampe » manuelle était toujours disponible. Et je me souviens de la belle Lucie, hôtesse au pavillon de la République du Rwanda dans la Place d’Afrique, qui a même autographié mon passeport. Quelle fierté pour un jeune homme de 13 ans!

L’Expo en famille

Jean Huard

Jean Huard et ses frères et sœur à Expo 67
Collection personnelle Jean Huard
Ce qui était impressionnant aussi, c’était ces groupes d’enfants (des écoles primaires sans doute), attachés les uns aux autres pour ne pas se perdre, avec quelques profs ou parents à leurs côtés. Car, avec des journées de 300 000 et 400 000 visiteurs, il ne fallait pas trop s’éloigner du groupe. Moi, j’ai deux sœurs et un frère plus jeunes que moi. Quand on était à l’Expo, je me souviens que mon père choisissait toujours un endroit facile à retrouver pour s’y donner rendez-vous au cas où on se perdrait. Que de prévoyance! Mais cela ne s’est heureusement jamais produit.

Un mot en terminant sur les spectacles de l’Expo. Je me souviens surtout de celui du cirque Ringling Bros. and Barnum & Bailey à l’Autostade et des démonstrations de ski nautique à La Ronde. J’adorais les soirées à l’Expo, tous les pavillons illuminés et surtout les balades et les amusements à La Ronde. Pas surprenant qu’on s’endormait rapidement dans la voiture durant le voyage de retour. Je devais déjà rêver à ma prochaine visite.

Merci à mes parents, André et Rollande, aujourd’hui décédés, qui m’ont permis de faire ces belles découvertes et qui m’ont accordé leur permission d’accompagner la parenté dans ce monde fascinant que fut l’Expo 67.

Jean Huard
Notre-Dame-du-Mont-Carmel, Mauricie
Avril 2017