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Ernest Cormier, architecte de Montréal

06 mai 2022

Ernest Cormier est un des architectes majeurs du XXe siècle montréalais. Parmi ses œuvres, classiques ou fleurtant avec l’avant-garde, figurent des édifices marquants de la métropole.

Ernest Cormier

Photographie en noir et blanc d’un homme portant de petites lunettes rondes et un nœud papillon. Une cigarette est pendue au coin droit de sa bouche. Une table est visible devant lui. Sur celle-ci, il y a un jeu d’échecs.
Archives du Centre canadien d’Architecture de Montréal. Fonds Ernest Cormier, CCA ARCH252686
« Cormier est à l’architecture ce que Riopelle est à la peinture », rappelle Jean-Claude Marsan, professeur émérite à la Faculté d’aménagement de l’Université de Montréal. Né en 1885, Ernest Cormier est le fils du médecin Isaïe Cormier et de Malvina Généreux. Très tôt, le jeune garçon développe des aptitudes pour le dessin.

Ernest Cormier poursuit des études supérieures en génie civil à l’École polytechnique de Montréal, dont il obtient son diplôme en 1906, avant d’effectuer un stage dans ce domaine à la Dominion Bridge Company. Quelques années plus tard, en 1909, il se rend à Paris où il complète une formation en architecture à l’École des beaux-arts. Cormier y acquiert une maîtrise complète de son métier, de la conception architecturale au design intérieur, dans un style classique très épuré. Son travail est vite remarqué alors qu’il obtient, en 1914, la bourse Henry Jarvis décernée par le Royal Institute for British Architects entre 1913 et 1928. Cet honneur est associé à un séjour à Rome où Cormier passe les années qui suivent. Il y développe sa vision et son métier avant de rentrer dans la Ville Lumière en 1917. Cormier revient au Canada en 1918, année malheureuse où son épouse meurt de la grippe espagnole. Le jeune veuf se plonge dans le travail et fonde son cabinet d’architecte-ingénieur.

Le Montréal bâti de Cormier

Palais de justice - vers 1926 et 1930

Carte postale en couleurs d’un grand immeuble à colonnade. Des voitures noires sont stationnées devant l’édifice et deux arbres feuillus sont visibles au premier plan.
BAnQ Numérique. Collection Pierre Monette, notice 0005599529.
De retour dans la métropole, Cormier est sollicité pour de nombreux ouvrages civils, scolaires et religieux. L’un de ses premiers contrats sera celui de l’École des beaux-arts de Montréal (ÉBAM) qui doit être érigée sur la rue Saint-Urbain. Il aménage d’ailleurs son studio à un jet de pierre de l’école, entre 1921 et 1922. Cet atelier, reconnaissable par ses volumes éclectiques lui donnant une forme singulière et par sa verrière en façade qui surplombe la porte d’entrée, devient un lieu fréquenté par les intellectuels et les artistes de l’époque. L’aspect particulier du studio témoigne des intérêts très personnels d’Ernest Cormier en architecture. Doté en plus d’un atelier, d’une chambre noire et d’un espace de vie, le studio est le lieu où Cormier supervisera la construction de l’ÉBAM avec Jean-Omer Marchand, son partenaire entre 1919 et 1923.

À la suite de cette réalisation, Cormier se remet à la table dessin pour des clients de plus en plus nombreux. On lui doit l’annexe du palais de justice de Montréal construit dans les années 1920 en collaboration avec Louis-Auguste Amos et Charles Jewett Saxe. L’édifice à la colonnade imposante de la rue Notre-Dame abrite, au XXIe siècle, la Cour d’appel du Québec. Les contrats s’enchaînent, et Cormier fait partie du groupe d’architectes derrière la reconstruction de l’hôtel de ville de Montréal à la suite de l’incendie de 1922. Ses services sont également retenus par l’Université de Montréal afin de concevoir les plans de son campus sur les flancs du mont Royal. Il est le concepteur du pavillon principal de l’université dont la tour emblématique est terminée en 1943. Pendant les années 1930 et 1940, Cormier sort du Québec et conçoit le bâtiment de la Cour suprême du Canada à Ottawa ainsi que les portes d’entrée de l’édifice de l’Organisation des Nations Unies à New York. L’un de ses derniers projets d’envergure sera le grand séminaire de Québec qui fait désormais partie de l’Université Laval (pavillon Louis-Jacques-Casault).

Outre ces bâtiments civils, Ernest Cormier laisse aussi sa trace sur le bâti religieux montréalais. Il dessine les églises Sainte-Marguerite-Marie-Alacoque (devenue Notre-Dame-de-la-Guadeloupe), rue Ontario, et Saint-Ambroise, rue Beaubien. Dans les deux cas, la construction de l’église fait suite à l’érection canonique de leur paroisse respective et est un exemple de la vitalité religieuse à Montréal dans les années 1920.

L’architecture privée de Cormier

Ernest Cormier - studio

Photo couleur en plan rapproché de la façade d’un bâtiment de brique rouge avec une grande verrière au-dessus et autour de la porte d’entrée.
Photo : Denis-Carl Robidoux. MEM - Centre des mémoires montréalaises
La résidence de Cormier sur l’avenue des Pins et son studio témoignent des réflexions et des intérêts architecturaux de l’architecte. Le studio, au 3450A, rue Saint-Urbain, est un lieu d’expérimentation. Cormier y joue avec les volumes et les matériaux et y apporte des modifications en 1922-1923 et en 1928, avant de le quitter dans les années 1930. Les ateliers de céramique et de sculpture de l’ÉBAM s’y tiendront au cours de cette décennie avant que le studio ne soit acheté par le gouvernement du Québec en 1944. À la suite d’une importante restauration, il devient une résidence d’artistes en 1985. Mis en vente, le studio est, depuis 2015, la demeure d’un particulier et est classé comme immeuble patrimonial par le gouvernement du Québec.

Construite en 1930-1931, sa maison peut, quant à elle, être considérée comme un exemple particulièrement réussi du courant Art déco à Montréal, notamment pour son intérieur et son usage de matériaux modernes. Cormier parvient, par ailleurs, à bien intégrer la maison à son environnement immédiat. En effet, elle épouse la pente de ce terrain du Mille carré doré faisant en sorte qu’un seul étage soit visible de la rue alors que l’on peut en apercevoir quatre à l’arrière. La réalisation de cette demeure témoigne du succès professionnel de Cormier qui s’est taillé une place de choix dans sa sphère d’activité. À la suite du décès de l’architecte en 1980, c’est Pierre Elliott Trudeau, ancien premier ministre du Canada, qui occupera la résidence jusqu’en 2000.

Cormier est par ailleurs responsable de la réalisation du 3535-3537, avenue Lorne dans le quartier Milton Parc qui reflète ses intérêts en termes d’architecture privée. À l’instar de sa propre demeure, les façades avant et arrière de celle de l’avenue Lorne sont bien différentes. En effet, l’avant s’intègre élégamment dans un cadre bâti d’inspiration victorienne faisant la part belle à la pierre, alors que l’arrière s’inspire directement du style Bauhaus, un choix avant-gardiste dans les années 1920 à Montréal.

Reconnaissance d’une carrière florissante et multiple

Ernest Cormier - salon

Photographie en noir et blanc montrant l’intérieur d’un salon luxueux. Les murs sont de deux teintes différentes, l’une pâle et l’autre foncée. Il y a un foyer à gauche dont le revêtement est de marbre. Il y a des fauteuils disposés sur les pourtours.
Centre canadien d’architecture, Répertoire du patrimoine culturel du Québec, Collection Ernest-Cormier
Cormier cesse ses activités professionnelles en 1973. Architecte-ingénieur accompli, il enseigne à l’Université McGill au tournant des années 1910, puis à l’École Polytechnique jusqu’en 1954 ainsi qu’à l’ÉBAM. Au cours de sa carrière, il adhère à plusieurs associations professionnelles et il reçoit de nombreux prix et marques de reconnaissance, dont un doctorat honoris causa de l’Université de Montréal. Cormier est reconnu pour son modernisme architectural modéré dont le style est, entre autres, influencé par sa formation en beaux-arts. Il décède tout au début de l’année 1980 et est inhumé au cimetière Notre-Dame-des-Neiges.

Références bibliographiques

MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DES COMMUNICATIONS. « Cormier, Ernest », Répertoire du patrimoine culturel du Québec, Gouvernement du Québec

MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DES COMMUNICATIONS. « Maison Ernest-Cormier », Répertoire du patrimoine culturel du Québec, Gouvernement du Québec

MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DES COMMUNICATIONS. « Studio Ernest-Cormier », Répertoire du patrimoine culturel du Québec, Gouvernement du Québec.

VANLAETHEM, France. « Cormier, Ernest », L’Encyclopédie canadienne, 4 mars 2015.