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Au centre-ville, le site archéologique Dawson

12 avril 2018
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À deux reprises, à 157 ans d’intervalle, le site Dawson, situé au centre-ville de Montréal, a révélé des vestiges du seul village des Iroquoiens du Saint-Laurent retrouvé sur l’île.

Aujourd’hui, des dizaines de milliers de véhicules et de personnes exécutent une folle chorégraphie quotidienne qui alimente la trépidante activité du centre-ville de Montréal. Comment était ce lieu il y a environ 500 ans? Drôle de question. Mais la réponse vaut bien un petit effort d’imagination...

Une découverte exceptionnelle au milieu du XIXe siècle

En 1859, la ville de Montréal est en pleine expansion hors des faubourgs d’origine qui entouraient la vieille ville. Le territoire de l’actuel centre-ville est alors loti et bâti. John William Dawson, géologue et directeur du Collège McGill (qui deviendra l’Université McGill en 1885), examine les trouvailles faites par des ouvriers dans une sablière située devant l’entrée de l’établissement, dans ce qui est aujourd’hui le quadrilatère délimité par les voies Sherbrooke, Metcalfe, de Maisonneuve et Mansfield. De nombreux vestiges y sont ramassés pêle-mêle, principalement de la poterie, mais également des outils en os et en pierre, des pipes en argile cuite, des traces de foyer, des ossements d’animaux et même des sépultures humaines. Intrigué, Dawson y reconnait les restes d’un village autochtone datant d’avant l’installation des colons français dans la vallée du Saint-Laurent.

Serait-ce le Hochelaga visité par Cartier?

Site Dawson

Planche montrant des tessons de poteries variées provenant du site Dawson.
Ville de Montréal
Dawson émet immédiatement l’hypothèse qu’il pourrait s’agir de Hochelaga, le village des Iroquoiens du Saint-Laurent visité à l’automne 1535 par Jacques Cartier lors de son second voyage. On se rappellera que ce dernier ne reste qu’une journée, après avoir visité le village où il est accueilli de façon cérémonielle. Cartier décrit un grand village palissadé avec une cinquantaine de maisons longues et entouré de champs de maïs, le tout au pied de la montagne. Depuis la découverte du site Dawson, l’hypothèse qu’il s’agit d’Hochelaga a fait l’objet de débats chez les historiens et les anthropologues.

Malheureusement, la science archéologique n’était qu’embryonnaire à l’époque de Dawson, et aucune fouille ne fut conduite sur le site. Aucun plan, aucun relevé n’a été réalisé. Et depuis, l’endroit des trouvailles a été complètement oblitéré par la construction de gratte-ciels. Par conséquent, ce site est encore très peu compris, même s’il s’agit malgré tout du premier site archéologique reconnu comme tel et examiné sous le regard scientifique au Québec. L’avancement des connaissances en archéologie au cours du XXe siècle et une analyse des vieilles collections effectuée au cours des années 1960 nous ont permis de confirmer qu’il s’agit d’un village occupé peu de temps avant l’arrivée des Français mais, même aujourd’hui, il n’est toujours pas possible d’associer le site Dawson avec certitude à Hochelaga.

Une surprise fort bienvenue, juste sous la rue

Site Dawson

Fouilles archéologiques dans la rue Sherbrooke
Ville de Montréal
Mais voilà qu’à l’été et à l’automne 2016, des travaux sont réalisés dans la rue Sherbrooke dans le cadre d’un réaménagement pour les festivités du 375e anniversaire de la ville. Coup de chance! À l’intersection de la rue Peel, les archéologues trouvent des sols anciens, non perturbés, à environ 60 cm seulement de la surface de la chaussée, et, à leur grande joie, ils constatent qu’ils contiennent des vestiges contemporains de ceux du site Dawson. La proximité avec ce dernier leur fait réaliser qu’il s’agit en fait du même site, qui se prolonge un peu vers l’ouest mais n’a jamais été détecté auparavant.

Des fouilles d’urgence sont alors entreprises et, pour la première fois depuis 150 ans, de nouvelles données sont récoltées sur le site Dawson. Il s’agit d’une occasion unique de poser un regard scientifique moderne sur ce lieu. Par exemple, des datations au radiocarbone semblent placer ce site vers le début du XVe siècle, soit un peu plus d’un siècle avant le passage de Cartier à Hochelaga, et les études des résidus carbonisés conservés sur la poterie montrent que les habitants du site Dawson consommaient beaucoup de poissons. On ne pourra probablement pas prouver qu’il s’agit de Hochelaga, mais on mettra à jour notre connaissance sur les modes de vie au sein de ce qui reste encore, à ce jour, le seul village des Iroquoiens du Saint-Laurent retrouvé sur l’île de Montréal. Voilà qui motive réellement les archéologues.

Les analyses variées sont toujours en cours et les résultats viendront bientôt alimenter avec un vent de fraicheur la recherche archéologique montréalaise. La frénésie urbaine nous a depuis longtemps fait oublier certaines histoires anciennes, pourtant, là, juste sous la chaussée, leurs traces persistent. Les sols de Montréal n’ont pas fini de livrer leurs secrets.