L'encyclopédie est le site du MEM - Centre des mémoires montréalaises

Des revendications des années 1960 à la création de l’Office de consultation publique de Montréal

25 octobre 2022

La volonté des Montréalaises et Montréalais d’être consultés dans les débats sur l’aménagement s’exprime tôt dans l’histoire de la ville, et de plus en plus fermement au milieu du XXe siècle. 

Bien avant la création de l’Office de consultation publique de Montréal en 2002, des Montréalaises et des Montréalais se mobilisent pour faire reconnaître leur droit d’être consultés sur les grands enjeux qui touchent l’aménagement de la ville. Dès le milieu du XIXe siècle, des mobilisations citoyennes s’organisent pour protéger et mettre en valeur le mont Royal. Au fil des décennies suivantes, des groupes se rassemblent pour être informés et faire connaître leurs opinions sur différents sujets liés à l’aménagement de la ville.

Revendiquer l’action citoyenne dès les années 1960

Héritage Montréal

Une dizaines de femmes et d’hommes en réunion autour d’une table
Héritage Montréal
À partir des années 1960, les mouvements sociaux et communautaires occupent une place grandissante dans le débat public à Montréal. De La Petite-Patrie au Centre-Sud, des organismes s’engagent pour favoriser la participation citoyenne. Alors que l’administration municipale s’inspire d’un modèle de développement qui passe par la démolition de quartiers entiers, des citoyens se mobilisent. Formé en 1973, l’organisme Sauvons Montréal, constitué de bénévoles, nait à la suite de la démolition de la maison Van Horne. Cette maison centenaire de la rue Sherbrooke Ouest avait été détruite cette année-là, malgré une importante campagne de sauvegarde. En 1975, Héritage Montréal est fondé par Phyllis Lambert pour promouvoir la protection du patrimoine montréalais et pour appuyer les groupes existants. L’organisme veut mieux comprendre les prises de décision qui mènent à tant de démolitions, sans que la population soit consultée.

En 1984, une coalition formée d’associations comme Héritage Montréal et Sauvons Montréal ainsi que de représentants du milieu des affaires, dont la chambre de commerce de Montréal et le Montreal Board of Trade, fait pression pour obtenir une consultation sur un projet immobilier prévu par la firme Cadillac Fairview dans le secteur de l’avenue McGill College. Une alliance d’organismes, de professionnels et du milieu des affaires convainc alors le promoteur de financer une consultation indépendante. En 1985, une consultation sur l’aménagement du Vieux-Port de Montréal est menée par le Comité consultatif du Vieux-Port de Montréal. Cet exercice très pionnier permet d’éviter des dégâts qu’ont connus d’autres villes comme Toronto ou Québec dans le réaménagement de leur zone portuaire comme en témoigne Dinu Bumbaru, directeur des politiques chez Héritage Montréal.

En 1986, le Rassemblement des citoyens et citoyennes de Montréal (RCM) arrive au pouvoir à la Ville, sous la direction de Jean Doré. Ce parti politique, fondé en 1974, qui accorde une grande importance à la démocratie participative, va changer les procédures municipales et encourager la consultation. Dès la première séance du conseil de ville suivant son arrivée au pouvoir, le RCM s’engage à ouvrir une période de questions pour les citoyens à l’Hôtel de Ville, signe de la place qu’il désire donner à la parole citoyenne. En 1987, la Ville de Montréal commande une consultation pour l’agrandissement du Musée des beaux-arts de Montréal puis, en 1988, une autre sur le mont Royal.

Le Bureau de consultation de Montréal

Bureau de consultation de Montréal

Trois hommes et une femme siègent à une table, côté à côte. On peut lire sur une affiche accrochée derrière eux : Bureau de consultation de Montréal. Consultation publique sur le projet de redéveloppement du marché Bonsecours.
Archives de la Ville de Montréal
Peu de temps après son arrivée au pouvoir, le RCM souhaite se doter d’outils pour permettre une meilleure participation des citoyens. En 1989, il crée le Bureau de consultation de Montréal (BCM), sur le modèle du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), mais en l’adaptant au contexte municipal. Il s’agit alors d’une première dans l’histoire de la consultation publique en milieu municipal au Québec. Le Bureau est créé par l’adoption d’un règlement au conseil de ville. Cet organisme tient pendant cinq ans des consultations sur des questions préparées par des représentants de la Ville. Luc Ouimet, qui avait été 10 ans commissaire au BAPE et qui avait été président ad hoc, c’est-à-dire pour un mandat spécifique sur la commission portant sur l’agrandissement du Musée des beaux-arts, en est nommé président.

Le BCM mène des commissions qui tiennent des audiences publiques en deux temps, une première partie est réservée à la présentation du projet, une seconde à l’audition des opinions. Dans une troisième phase ont lieu l’analyse et la production d’un rapport. Jules Patenaude, qui a travaillé au BCM comme analyste, affirme qu’il « était important que l’audience publique, [au cœur de] la consultation, soit un processus d’apprentissage, avec la période des questions [et avec] la possibilité d’avoir aussi des personnes invitées à des audiences pour expliquer certains volets plus précis ». Il ajoute : « Les questions du public, les questions des commissaires font en sorte que tout le monde évolue dans sa pensée, […] sur la façon de voir le projet et […] dans sa propre opinion. Tout le monde apprend des choses pendant l’audience publique. » Selon monsieur Patenaude, considérer l’audience publique comme un processus d’apprentissage pour tous est primordial.

Parmi les audiences marquantes tenues par le BCM, celles sur le plan d’aménagement du mont Royal ainsi que celle sur l’avenir de l’Hôtel-Dieu marquent particulièrement Jules Patenaude qui voit dans le Bureau de consultation de Montréal l’incubateur de l’Office de consultation publique de Montréal. En 1994, le RCM est renversé, et une nouvelle administration arrive au pouvoir, qui a davantage de réserves sur le travail du BCM. Son existence n’étant pas enchâssée dans la charte de la Ville, le Bureau est aboli par abrogation du règlement municipal qui l’avait créé. Une coalition formée d’organismes, dont Héritage Montréal, se mobilise pour demander le maintien du BCM, mais sans résultat. Le Bureau est remplacé par une commission du conseil municipal, composée d’élus. La Commission de développement urbain de Montréal (CDUM) tient les consultations prévues par la loi, mais il s’agit d’un organisme étroitement lié au pouvoir politique.

En 1997 et en 1998, deux coalitions de citoyens décident de tenir des audiences publiques et créent des commissions indépendantes pour discuter d’un projet d’ensemble résidentiel, le projet Villa Maria dans Notre-Dame-de-Grâce, et de l’avenir de la gare Jean-Talon. En calquant le modèle du BCM, ces citoyens insatisfaits mettent en place des commissions consultatives indépendantes, n’ayant pas d’organisme municipal crédible qui puisse se charger de cette mission.

La commission Tremblay

Bureau de consultation de Montréal 2

Une femme assise s’exprime devant un micro.
Archives de la Ville de Montréal
En 1999, alors que le mécontentement s’intensifie, la Ville travaille à élaborer une politique de consultation en matière d’urbanisme. Le conseil municipal crée, par règlement, une commission indépendante formée de cinq commissaires, présidée par Gérald Tremblay. L’enjeu de la consultation, selon Jules Patenaude qui y a travaillé, est de rétablir la confiance des citoyens et de travailler pour que les audiences publiques soient, selon les critères qui avaient existé au Bureau de consultation de Montréal, crédibles, efficaces et utiles à la prise de décision. Dès l’annonce de la tenue de la consultation, on sent l’intérêt qu’elle suscite au sein de la population. Lors de la deuxième partie de l’audience publique, une centaine de personnes prennent la parole et plus d’une soixantaine de mémoires sont déposés. Un rapport de confiance s’établit. Au terme de la consultation, la commission rend publics son rapport et ses recommandations. On compte parmi les principales propositions celle de créer un office de consultation publique indépendant, protégé par la charte et qui puisse bénéficier des ressources nécessaires.

Peu de temps après, Louise Harel, alors ministre des Affaires municipales, dépose le projet de loi 170 qui crée la nouvelle Ville de Montréal. Très rapidement on y ajoute des dispositions comportant un chapitre sur l’office de consultation. Le 1er janvier 2002, l’Office de consultation publique de Montréal voit le jour, en même temps que la nouvelle Ville de Montréal.

La consultation publique à Montréal avant l’Office de consultation publique de Montréal

La consultation publique à Montréal avant l’Office de consultation publique de Montréal

Témoignage de Dinu Bumbaru et Jules Patenaude, entrevues réalisées en 2022.

Recherche et entrevues : Annick Brabant 

Durée : 4 min 36 s

2022

Réalisation : 
Marc Thomas-Dupuis

Références bibliographiques

LONDON, Mark. « Un mouvement en progression. La préservation à Montréal », Continuité, no 20, 1983, p. 18-20.

OFFICE DE CONSULTATION PUBLIQUE DE MONTRÉAL. Ma ville, ma voix. 10 ans de consultations publiques auprès des Montréalais, Montréal, OCPM, 2012.

OFFICE DE CONSULTATION PUBLIQUE DE MONTRÉAL. « Le mont Royal, une richesse collective », Les cahiers de l’OCPM, vol. 3, no 1, Montréal, OCPM, 2012.

OFFICE DE CONSULTATION PUBLIQUE DE MONTRÉAL. Participation sans exclusion : rétrospective des 15 ans de l’OCPM, Montréal, OCPM, 2017.

PARÉ, Jean. « Chapitre 7. Le rôle de l’Office de consultation publique de Montréal », Renouveler l’aménagement et l’urbanisme : Planification territoriale. Débat public et développement durable, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2008 (généré le 22 avril 2022), p. 201-219.

Une série d'entrevues ont été réalisées en 2022 dans le cadre du 20e anniversaire de l’OCPM. Les entrevues suivantes ont servi à l’écriture du présent article :

  • Isabelle Beaulieu, 26 avril 2022
  • Judy Gold, 25 avril 2022
  • Luc Doray, 25 avril 2022
  • Dinu Bumbaru, 10 mai 2022
  • Jules Patenaude, 25 avril 2022