Montréal compte l’un des plus importants programmes de jardins communautaires au monde. Nés d’initiatives citoyennes, ils permettent à des milliers de citoyens de cultiver un lopin de terre en ville.
C’est au milieu des années 1970 qu’apparaissent les premiers jardins communautaires montréalais. Alors que la désindustrialisation frappe les quartiers centraux de la ville, de nombreux terrains vacants sont investis par des groupes citoyens et communautaires qui entreprennent la transformation de ces espaces en potagers urbains.
Un premier jardin né d’un drame
Jardin communautaire Benny Farm
Favorable à cette requête, le conseil exécutif de la Ville déploie alors des ressources, que le Jardin botanique accepte de gérer, tandis que l’Office d’embellissement offre son soutien pour réaménager le terrain. Le jardin Centre-Sud prend ainsi forme. Si la Ville encadre la démarche, c’est le Comité social Centre-Sud, organisme communautaire du quartier, qui en assure la gestion, en plus d’offrir un animateur social aux jardiniers. Le terrain est cultivé dès l’été suivant.
Des jardins créés et animés par les résidants
Épluchette jardins Rosemont-Pie-IX 1990
Si les jardins sont officiellement créés par la Ville, celle-ci offre surtout un rôle d’appui aux groupes populaires, qui formulent les demandes et donnent ensuite leur propre orientation à chaque jardin. Certains jardins comprennent des sections ayant une vocation spécifique, par exemple des parcelles cultivées collectivement pour le maïs, d’autres destinées aux enfants, aux retraités ou encore à des membres de groupes coopératifs.
L’administration municipale n’intervient ainsi pas dans les dynamiques internes des jardins, se contentant de fournir des ressources et d’aménager les terrains selon les demandes qui lui sont adressées. La plupart des jardins sont gérés par un comité de citoyens qui attribue les jardinets et détermine le fonctionnement collectif, généralement lors d’une assemblée générale annuelle des membres. Les premiers jardins sont principalement animés par des femmes, et leurs membres sont généralement peu fortunés, résidant dans les quartiers défavorisés. De plus, les jardiniers sont régulièrement invités à participer à diverses activités communautaires, telles des épluchettes de blé d’Inde, afin de nouer des liens entre eux.
Le jardinage communautaire comme service municipal
Jardin Villeray 1981
À partir du début des années 1980, le Jardin botanique et l’Office d’embellissement de la Ville aménagent de leur propre initiative des terrains de jardinage communautaire. Le premier à voir le jour est celui d’Hochelaga, situé dans la cour de l’École des métiers, au coin des rues Hochelaga et Davidson. Des jardins sont également aménagés sur le site occupé par l’ancienne pépinière municipale sur la rue Duquesne. La gestion de ces nouveaux jardins relève toutefois encore d’organismes locaux. Alors que le comité exécutif consacre un budget grandissant à la création de jardins communautaires, le Jardin botanique dresse une liste de règlements afin d’en encadrer le fonctionnement. Les jardiniers doivent résider à Montréal, s’engager à entretenir leur parcelle, en la désherbant, et les comités des jardins doivent tenir une liste de leurs membres.
Sous la gouverne du Rassemblement des citoyens de Montréal (RCM), la Ville prend, à partir de la seconde moitié des années 1980, complètement en charge les potagers communautaires. La gestion des jardins est alors transférée à l’autorité du Service des sports et loisirs des arrondissements. Dès lors, les comités des jardins perdent le pouvoir d’attribuer des lots et de décider de leur fonctionnement interne. De plus, le rôle du Jardin botanique s’efface graduellement, se limitant d’abord à une gestion technique, pour ensuite disparaître complètement.
Le jardinage communautaire aujourd’hui
Jardins Workman 1976
Depuis les fusions municipales de 2002, la gestion du programme des jardins communautaires est assumée par chacun des arrondissements. Dix-huit arrondissements montréalais offrent à leurs citoyens la possibilité de cultiver un jardinet. Certains jardins bénéficient de la présence d’un animateur horticole, dispensant des conseils aux usagers. Alors qu’on en dénombrait 76 en 2002, on en compte aujourd’hui 97, couvrant une superficie de près de 25 hectares. Mais le nombre de parcelles offertes à la population ne répond pas à la demande. La popularité du jardinage communautaire est telle que, dans plusieurs arrondissements, des citoyens doivent s’inscrire sur une liste d’attente et patienter plusieurs années avant de se voir attribuer un jardinet.
SAINT-HILAIRE-GRAVEL, Philippe. Fruits des institutions et récoltes populaires : Étude sur la portée sociale du jardinage communautaire à Montréal de 1909 à 1990, Mémoire (M.A.), UQAM, 2014, 114 p.
CULTIVE TA VILLE. « Histoire de l’agriculture à Montréal », dans Cultive ta ville.
DACLON BOUVIER, Nathalie. La dynamique sociale entourant les jardins communautaires : l’individu, le groupe et le jardin : le cas de Montréal, Mémoire (M.A.), INRS-Urbanisation, culture et société, 2001, 149 p.
LAURIN-DESJARDINS, Camille. « Les jardins communautaires de Montréal ont 40 ans », Journal Métro, 26 octobre 2016.
VILLE DE MONTRÉAL. « Jardins communautaires », dans Montréal.