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Bienvenue dans la Petite Italie de Montréal!

02 juin 2017
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Rue Saint-Laurent, lorsque les odeurs de café et de tomates prennent d’assaut vos narines et que les drapeaux vert, blanc, rouge happent votre œil, vous savez être rendu dans la Petite Italie.

Joueurs de Bocce

Joueurs de Bocce
Archives CCPI-Casa d’Italia. IMG_9840.
Le boulevard Saint-Laurent est connu comme le « corridor de l’immigration montréalaise ». Au fil des ans, de nombreux groupes en ont occupé les tronçons et les pourtours, laissant leurs traces au cœur de la ville. Bien qu’il soit habité par une faible proportion d’Italo-Montréalais en 2016, le secteur entre les rues Saint-Zotique et Jean-Talon est encore considéré comme le centre culturel italien de Montréal et reconnu comme la « Petite Italie ».

Aux limites de la ville urbanisée

Au début du XXe siècle, les ouvriers italiens arrivent par milliers à Montréal afin de travailler sur les grands chantiers de construction canadiens. Cette immigration, temporaire au départ, laisse tranquillement place à un établissement permanent qui entraine la venue de femmes et d’enfants. En 1911, la ville compte un peu plus de 7000 Italiens.

Club Shamrock

À l’est de la rue Saint-Laurent, où se trouve l’actuel Marché Jean-Talon, le club irlandais Shamrock possède un stade de crosse qui peut accueillir quelque 7000 spectateurs.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec. CP 6578 CON.
D’abord installés dans les quartiers et banlieues qui longent les rives du Saint-Laurent, certains de ces premiers Italo-Montréalais font un saut vers le nord, dépassant le quartier juif et le chemin de fer du Canadien Pacifique, pour s’établir non loin de l’ancienne gare du Mile End.

Cette zone est alors peu urbanisée. Les fermes côtoient les industries et les maisons ouvrières qui se multiplient. À l’est de la rue Saint-Laurent, là où se trouve l’actuel marché Jean-Talon, le club irlandais Shamrock possède un stade de crosse qui peut accueillir quelque 7000 spectateurs.

Un logis, un travail et un jardin

Fête religieuse italienne

Photo tirée de l'Album universel montrant une fête religieuse italienne devant l'église Saint-Jean-de-la-Croix
Album universel, 2 septembre 1905, Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Revues d’un autre siècle.

La ligne de tramway 55, qui est prolongée jusqu’à la rue Isabeau (actuelle rue Jean-Talon) en 1893, encourage le déplacement de cette population. Les terrains et les logements à prix modiques ainsi que la création de nombreux emplois, stimulée par la présence du chemin de fer et des industries, sont autant de raisons qui poussent les Italo-Montréalais à se diriger vers le nord. L’une des motivations insoupçonnées est toutefois l’espace disponible. En effet, les champs permettent la cueillette de fruits et d’herbes sauvages, mais aussi la culture d’un potager qui garantit aux familles ouvrières une certaine autonomie alimentaire. Avoir son propre jardin offre également la possibilité de cultiver des produits du terroir italien alors difficiles à trouver sur le territoire montréalais. Les zones forestières environnantes sont sources de bois, pour la construction ou le chauffage, et de petits gibiers à chasser.

La population italienne est telle que la paroisse Notre-Dame-de-la-Défense est fondée à sa demande en 1910. L’église, située au coin des rues Dante et Henri-Julien, est construite en 1918; d’autres services italiens, dont deux écoles, sont ensuite créés. Quelques commerces à saveur italienne ouvrent également leurs portes.

Famille Fratino

La famille Fratino sur le pas de la porte de leur maison sur la rue Clark. Ils sont quatre debout et trois enfants assis.
Archives CCPI-Casa d’Italia. HM_ARC_001623.
Malgré cette présence italienne marquée (17 %), en 1930, les Canadiens français sont majoritaires dans le secteur (68 %) et détiennent la plupart des entreprises et des bâtisses. D’autres groupes sont représentés, comme les Britanniques (10 %), les juifs, les Slaves et les Asiatiques qui font aussi leurs marques dans le paysage.

Vague italienne

Malgré la crise économique des années 1930, le quartier connaît un développement important. La ville lance des travaux d’aménagement d’envergure avec la construction, entre autres, du marché du Nord (actuel marché Jean-Talon, 1933) et de la Casa d’Italia (1936).

Après la Seconde Guerre mondiale, entre 1948 et 1972, 121 700 Italiens arrivent au Québec, dont une très grande proportion à Montréal. Ils supplantent en nombre les Italo-Montréalais déjà présents et font de la langue italienne le troisième idiome le plus parlé dans la métropole, après le français et l’anglais.

Casa d'Italia

Carte postale annonçant l'ouverture prochaine de la Casa d'Italia
Archives CCPI-Casa d’Italia
Arrivés grâce au parrainage, ces néo-Montréalais viennent rejoindre leurs parents dans les différents secteurs de la ville, dont le nord de la rue Saint-Laurent où la population, en 1970, est partagée entre francophones et italophones. C’est à cette époque que se multiplient les commerces italiens, dont les nombreux cafés, restaurants, boucheries et épiceries, parmi lesquels nous comptons Milano, ouvert en 1954, et bien d’autres lieux symboliques du coin.

La Petite Italie

Épicerie Milano

Devanture de l'épicerie Milano sur le boulevard Saint-Laurent.
Archives de la Ville de Montréal. VM94-2000-0260-014.

Cette arrivée massive entraine le déploiement d’une population déjà dispersée. Les quartiers Saint-Michel, Montréal-Nord, Saint-Léonard, Rivière-des-Prairies et autres banlieues montréalaises sont, à leur tour, colorés par la présence italienne. Au fil des décennies, les Italiens désertent le secteur de la rue Saint-Laurent. De nouvelles communautés, surtout des Haïtiens et des Latinos, s’y installent.

Depuis les années 1980, la Ville entreprend des travaux de revitalisation du tronçon Saint-Zotique–Jean-Talon. Des arches décoratives sont ajoutées au paysage et les commerçants sont encouragés à exprimer le caractère italien de leur entreprise. La Petite Italie prend un tournant commercial et touristique.

Il n’en demeure pas moins que ses odeurs de café nous envoutent; ses pizzas, ses pâtes, ses charcuteries et ses glaces nous allèchent; et ses joueurs de bocce nous charment. La Petite Italie reste le lieu symbolique de la présence plus que centenaire des Italo-Montréalais. En 2011, Montréal compte plus de 260 000 personnes d’origine italienne.

Les « mini-Italie »

Les Italiens arrivés après la Seconde Guerre mondiale investissent de nouveaux secteurs de Montréal. Tout comme leurs prédécesseurs l’ont fait dans la rue Saint-Laurent et ailleurs, ils marquent ces lieux de leur présence. Pensons aux typiques maisons comportant plusieurs logements développées par des entrepreneurs italiens à l’intention de leur communauté. Avec leurs briques blanches et leurs ornementations, elles se remarquent dans plusieurs quartiers de la ville. Les commerces, affublés d’une enseigne verte, blanche et rouge, témoignent aussi de cette empreinte typiquement italo-montréalaise. 

Références bibliographiques

DEL BASO, Michael. « Une communauté en transition : la Petite Italie de Montréal » RCHTQ, vol. 28, no 1, 2002, p. 9-14.

FAUBERT, Lynne, et Michèle FORGIONE. Montréalissimo. Vivre et manger à l’italienne, Montréal, Éditions de l’homme, 2016, 224 p.

GERMAIN, Annick, Rose DAMARUS et Myriam RICHARD. « Les banlieues de l’immigration ou quand les immigrants refont les banlieues », dans FOUGÈRES, Dany (dir.), Histoire de Montréal et de sa région (tome 2 : 1930 à nos jours), Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2012, p. 1107-1142.

GOUVERNEMENT DU QUÉBEC. Portraits statistiques des groupes ethnoculturels. Enquête nationale auprès des ménages de 2011, [En ligne], 4 mars 2016.
http://www.quebecinterculturel.gouv.qc.ca/fr/diversite-ethnoculturelle/s... (Consulté le 31 octobre 2016).

LINTEAU, Paul-André. Histoire de Montréal depuis la Confédération, 2e édition, Montréal, Boréal, 2000, 627 p.

LINTEAU, Paul-André. « Les grandes tendances de l’immigration au Québec (1945-2005) », Migrance, no 34, 2009, p. 30-42.

RAMIREZ, Bruno. « Immigrants italiens dans l’espace social et culturel montréalais », dans BERTHIAUME, Guy, et al. (dir.), Histoires d’immigrations au Québec, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2012, p. 43-60.

RAMIREZ, Bruno. Les Premiers Italiens de Montréal. L’origine de la Petite Italie au Québec. Montréal, Boréal Express, 1988, 136 p.

TRÉPANIER, Mathieu Alexandre. Le boulevard Saint-Laurent dans la Petite-Italie : 1930, 1960, Mémoire (M.A.) (histoire), UQAM, 2014.

VILLE DE MONTRÉAL. Les grandes rues de Montréal : De la rue Bernard à la rue De Castelnau, [En ligne].
http://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=5677,117389645&_dad=port... (Consulté le 19 décembre 2016).