Fraichement arrivé de Belgique, Auguste-Joseph de Bray lance, en 1910, le premier programme universitaire canadien en sciences commerciales. L’École des hautes études commerciales de Montréal est née.
Auguste-Joseph de Bray
Aux origines d’une idée
À la fin du XIXe siècle, Montréal est la métropole financière et industrielle du Canada. La bourgeoisie francophone, bien que très active, demeure dans l’ombre de l’élite économique anglophone. Cette dernière est reconnue pour détenir d’importantes sociétés, comme le Canadien Pacifique ou la Banque de Montréal. Elle contrôle aussi le Montreal Board of Trade où les francophones se font rares. Ceux-ci décident de constituer, en 1886, la Chambre de commerce de Montréal.
École des hautes études commerciales de Montréal
À la même époque, les écoles de commerce sont déjà bien implantées dans plusieurs pays d’Europe. Du côté des États-Unis, elles sont en pleine éclosion. En 1890, Damase Parizeau, marchand de bois et cofondateur de la Chambre, lance l’idée de créer une école de commerce. Il faut toutefois attendre l’élection de Lomer Gouin, en 1905, pour voir le projet se réaliser. Ami du milieu d’affaires francophone, le premier ministre Gouin prend sous son aile l’ambitieuse entreprise. En 1907, une loi est adoptée pour l’ouverture de l’École des hautes études commerciales de Montréal (HEC), un établissement de niveau universitaire.
Un recrutement outremer
École des hautes études commerciales de Montréal
Dans une entrevue réalisée avant son départ en 1908, l’enthousiasme de De Bray est palpable. Il dit vouloir s’inspirer du meilleur des instituts européens. En plus de l’école, il souhaite annexer un musée, un bureau de renseignement commercial, une revue et une bibliothèque. De Bray développe un programme d’études sur trois ans et recrute le corps professoral. Sans surprise, quelques Européens se joignent à l’équipe.
Des bâtons dans les roues
Henry Laureys
À l’interne, des tensions s’éveillent entre De Bray et Isaïe Préfontaine, président du bureau de direction de l’école. Ce dernier insiste pour orienter le programme vers une formation pratique. Au contraire, De Bray tient mordicus à conserver le niveau universitaire de son institut : « […] en réduisant la partie scientifique déjà trop peu importante […] et en augmentant la partie pratique, l’École cesse d’être un établissement d’instruction supérieur et devient une académie commerciale. Elle formera des employés subalternes au lieu de former des hommes d’affaires. » Les méthodes de gestion financière de De Bray sont aussi en cause. En écho, de mauvaises langues racontent que le principal néglige d’aller à la messe…
Démission et succession
École des hautes études commerciales de Montréal
Henry Laureys, un Belge recruté par De Bray, prend le relais de la direction. Il est, entre autres choses, reconnu pour avoir mené à bien certains projets entamés par son prédécesseur et pour avoir continué à défendre le programme de formation supérieure.
Contribution à la recherche : Jean-Christophe Racette.
Outre Joseph-Auguste de Bray et Henry Laureys, d’autres Belges sont appelés à travailler dans le domaine de l’enseignement au Québec au cours du XXe siècle. Alfred Fyen dirige la nouvelle École d’arpentage de Québec en 1907. L’année suivante, il prend la direction de l’École polytechnique de Montréal. Il fonde ensuite l’École des arts décoratifs et industriels et l’École d’Architecture.
Charles De Koninck, arrivé en 1934, est professeur et doyen de la Faculté de philosophie de l’Université Laval pendant une trentaine d’années. L’homme est reconnu pour ses positions controversées en faveur d’une éducation laïque.
Finalement, les réformes du système d’éducation des années 1960 et 1970 ainsi que la demande créée par le baby-boom d’après-guerre provoquent un important besoin en professeurs. Des Belges sont recrutés et occupent bientôt des postes de la maternelle à l’université.
HARVEY, Pierre. Histoire de l’Écoles des Hautes Études Commerciales de Montréal. Tome 1 : 1887-1926, Montréal, Québec/Amérique, 1994, 383 p.
JEANEN, Cornelius J. « Quelques aspects des activités professionnelles des immigrants belges (XIXe-XXe siècles) » dans Les immigrants préférés : les Belges, sous la direction de Serge Jaumain, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, p. 139-158.
RUMILLY, Robert. Histoire de l’École des hautes études commerciales de Montréal, 1907-1967, Montréal, Beauchemin, 1966, 214 p.
VERMEIRRE, André. L’immigration des Belges au Québec, Sillery, Québec : Septentrion, 2001, p. 93-100.