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Jackie Robinson

19 janvier 2016

Pour la saison de 1946, Jackie Robinson se joint aux Royaux de Montréal. Le baseball majeur est sous le choc : pour la première fois un joueur noir a l’opportunité d’accéder aux grandes ligues.

Jackie Robinson

Le joueur de baseball Jackie Robinson.
Canadian Baseball Hall of Fame and Museum, St. Marys, Ontario.
En 1945, le président et directeur général des Dodgers de Brooklyn, Branch Rickey, soupèse l’idée d’octroyer un contrat à Jackie Robinson. Ce dernier est un athlète accompli de l’Université UCLA, tant en athlétisme, qu’au football, au basketball et au baseball. Le seul problème est que Robinson est noir et que le baseball majeur de l’époque n’accepte pas de joueur noir. Une entente tacite entre les propriétaires d’équipe veut qu’aucun joueur noir ne joue dans les Ligues majeures. Dans ce contexte, le pari de Branch Rickey est risqué puisque d’une part l’entente serait transgressée et que d’autre part il doit s’assurer que le joueur choisi est le bon, sinon la porte pourrait être définitivement fermée pour les Noirs dans le baseball majeur.

Jackie Robinson est l’homme de Rickey. Le 28 août 1945, ce dernier annonce aux journalistes de New York la mise sous contrat de Jackie Robinson. Ce contrat professionnel stipule que Robinson se joindra au club-école des Dodgers de Brooklyn, les Royaux de Montréal, pour la saison 1946. Le baseball majeur est sous le choc : pour la première fois un joueur noir se voit donner la chance d’accéder aux grandes ligues. Montréal en est la première étape.

Le meilleur joueur des Royaux, insulté et menacé

Baseball - Jackie Robinson en 1946

Jackie Robinson en pleine course en route vers le marbre lors d’une partie des Royaux à Daytona en Floride en 1946.
1946, Jackie Robinson circles third base all-out, bound hor home plate during game. An ex-track star, he is lighting on the bases, par Ronny Jaques, Bibliothèque et Archives Canada, PA-201547.
Branch Rickey choisit délibérément d’envoyer Jackie Robinson à Montréal puisque les tensions raciales y sont beaucoup moins fortes. En fait, le premier obstacle de Robinson n’est pas l’accueil des Montréalais, mais celui de Clay Hooper, gérant des Royaux. Ce dernier, outré, avait demandé à Branch Rickey le plus sérieusement du monde : « Croyez-vous que les nègres sont des êtres humains? » Hooper s’est vite ravisé puisque Robinson est devenu son meilleur joueur.

Des commentaires racistes ainsi que de nombreuses insultes et même des menaces de mort ont ponctué la saison montréalaise de Jackie Robinson. Mis à part ses coéquipiers et les partisans montréalais, tous ont tenté de le faire échouer. Dans des villes comme Stanford (Floride), Jersey City (New York) et Baltimore (Maryland), on lui refuse une chambre d’hôtel, l’accès au restaurant et même au terrain de baseball, sous prétexte que les Noirs n’y ont pas droit. La saison est longue et dure pour Robinson, mais la population montréalaise y met un peu de baume. Habitant sur l’avenue De Gaspé, au 8232, au nord de Jarry, Robinson et sa femme Rachel font connaissance avec leur voisinage et les Montréalais en général, qui se révèlent être des gens curieux, compréhensifs et pleins de délicatesse, surtout envers madame Robinson qui attend son premier enfant. Tout le contraire de l’accueil discriminatoire reçu dans les villes américaines. Montréal veille, d’une certaine façon, à préserver le fragile équilibre moral de Jackie Robinson tout au long de l’été 1946.

Des partisans à l’enthousiasme débordant

Baseball - Royaux en 1948

Photo de l’équipe des Royaux de Montréal de 1948 au stade Delorimier. Jackie Robinson apparaît au centre gauche de la photo.
1948, Group. Royals Jr, par Conrad Poirier, Bibliothèque et Archives nationales du Québec. P48,S1,P16714.
Dans l’effervescence d’une saison déjà historique, Robinson et les Royaux vont jusqu’à remporter la Petite Série mondiale. L’euphorie des partisans des Royaux les conduit à soulever Jackie Robinson pour un tour d’honneur du stade de Lorimier. Robinson n’est pas au bout de ses peines. À sa sortie du stade, quelques minutes plus tard, une immense foule l’attend. Un journaliste de Pittsburgh assiste à la scène : « Jackie Robinson tentait d’échapper à une mer de monde qui le poursuivait ». C’est la première fois, dit ce journaliste, qu’une foule blanche court après un homme noir avec une volonté autre que le lynchage! Jackie Robinson n’a jamais oublié le public montréalais et celui-ci n’a jamais oublié le joueur le plus important de l’histoire du baseball.

Jackie Robinson jouera pour les Dodgers de Brooklyn pendant 10 ans, sera élu joueur par excellence de la Ligue nationale en 1949 et sera intronisé au Temple de la renommée du baseball en 1962. Robinson s’éteint le 24 octobre 1972 à l’âge de 53 ans. En 1997, le baseball majeur décide de retirer le numéro 42 de Jackie Robinson : plus aucun joueur ne pourra endosser le célèbre numéro. En 1986, une statue commémorative est installée sur le lieu de l’ancien stade de Lorimier. Elle est déplacée l’année suivante au Stade olympique, près de l’entrée principale sur la rue Pierre-de-Coubertin. Cette statue rappelle l’importance de Jackie Robinson comme symbole de l’égalité sociale et la place importante du baseball dans l’histoire montréalaise.

Cet article est paru dans le numéro 42 du bulletin imprimé Montréal Clic, publié par le Centre d’histoire de 1991 à 2008.