Le lanternon permet de repérer un taxi montréalais en service de loin. Il fournit aussi le nom de la compagnie à laquelle le chauffeur est associé, avec ses coordonnées.
Taxi - Rue Sainte-Catherine 1966
Un tel usage du lanternon sur la toiture d’un véhicule s’est généralisé vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, et perdure jusqu’à maintenant. Sa codification est simple et universelle. S’il n’y a pas de client dans la voiture, le lanternon est allumé. Dès lors, n’importe qui peut le prendre ou le héler sur la route. S’il y a un client à l’intérieur, le chauffeur de taxi doit éteindre l’enseigne lumineuse et mettre le taximètre en marche (compteur qui calcule le prix d’une course à la fin du trajet). Il faut savoir que tout véhicule doit être obligatoirement équipé d’un lanternon et d’un taximètre pour porter l’appellation « taxi ». C’est ce qui le distingue des autres types de transport rémunéré des personnes par automobile.
Évolution du lanternon
Taxi - article lanternon
Durant les années 1960, les compagnies de taxi s’opposent vivement à l’application d’un règlement de la Ville de Montréal qui les obligerait à porter une enseigne de toit uniforme, ce qui aurait pour effet de noyer les taxis dans la masse de la circulation. Au contraire, elles réclament de conserver le nom de leur marque sur leur lanternon de manière à être identifiables par les clients qui souhaitent privilégier une compagnie au détriment d’une autre.
En 2010, le Bureau du taxi de Montréal légifère finalement pour demander une standardisation généralisée, puis lance, en 2017, la toute première image de marque de taxi, Taxi Bonjour, laquelle influencera parfois la couleur du lanternon de certaines compagnies de taxi.
En 2020, la nouvelle loi provinciale supprime l’application de plusieurs des normes préalablement établies par le Bureau. Par conséquent, les chauffeurs peuvent mettre les lanternons qu’ils veulent, ce qui crée un certain relâchement et le recul d’une uniformité d’ensemble.
Fabrication, formes, couleurs et matériaux
Lanternon de taxi
Pour obtenir l’objet convoité, il suffit de découper la forme dans des feuilles d’acrylique, de mouler les contours et de les assembler avec de la colle. L’impression des informations sur le lanternon (nom et numéro de téléphone de l’intermédiaire) se fait à l’encre ou à la peinture jusqu’en 2003 ou 2004. Par la suite, les ateliers mettent fin à cette pratique trop exigeante et adoptent le vinyle qui est apposé directement sur le lanternon. Comme ces ateliers fabriquent plusieurs lanternons à la fois, ils finissent par acquérir une multitude de moules préfabriqués qu’ils conservent en réserve avec les spécifications propres à chacune des compagnies.
Les premiers lanternons reposent sur différents types de bases qui sont fabriquées par les mêmes artisans. Ces systèmes sont installés selon la demande des chauffeurs, laquelle évoluera. Une des méthodes utilisées consiste à visser une plaque en résine phénolique sur le toit de la voiture afin de faire glisser le lanternon dessus pour le maintenir en place. Une autre approche, qui permet d’éviter de percer la toiture, est de visser la plaque sur un porte-vélo amovible de la largeur du toit. Ainsi, le chauffeur peut l’enlever à volonté lorsqu’il n’est pas en fonction. C’est d’autant plus commode que plusieurs chauffeurs de taxi utilisent leur voiture personnelle pour exercer leur métier et ne souhaitent pas y être associés durant leur temps libre. En outre, il leur arrive de changer de compagnies et ils préfèrent pouvoir adapter facilement le lanternon représentatif de l’intermédiaire pour lequel ils travaillent. Les bases aimantées arrivent sur le marché autour de l’an 2000 et sont rapidement adoptées car elles n’abîment pas les voitures.
Nouveaux lanternons réglementés
Taxi - intro et article lanternons
Pour que toutes les compagnies aient une apparence homogène, en conformité avec les normes réglementaires promulguées par la Ville en 2010, le lanternon est redessiné. Il doit obligatoirement être fabriqué en résine blanche translucide et être incorporé à un support noir. L’ensemble a une forme de croix. Seuls les couleurs et le logo des intermédiaires sont conservés : un autocollant imprimé à leur effigie est apposé sur la façade du lanternon.
Le projet impose aussi des règles strictes quant à l’uniformisation des informations devant apparaître sur les lanternons. Chaque enseigne lumineuse doit être enregistrée et porter son numéro de vignette d’identification à quatre chiffres. On le remarque sur la partie supérieure de la face arrière. À la base, on doit voir le mot taxi. Pour les propriétaires indépendants qui ne sont associés à aucune compagnie, le mot taxi apparaît entre deux barres noires sur le fond blanc du lanternon. Le logo « taximontréal » doit être visible sur chaque côté du support du lanternon et sur les ailes arrière de tous les véhicules. Des pictogrammes illustrant les modes de paiement acceptés peuvent apparaître sur les faces latérales du lanternon.
L’arrivée de Taxi Bonjour
Taxi le Journal été 2017
Bien que le choix des couleurs soit libre, porter la signature est encouragé. La dépense pour réaliser cette transformation graphique est importante et demeure une mesure volontaire pour tous les chauffeurs de taxi. Ce qu’il faut retenir, c’est que les lanternons ne s’harmonisent pas toujours avec les couleurs Taxi Bonjour. Certaines compagnies décident cependant d’adhérer au projet Taxi Bonjour et d’agencer leur couleur à celle de leur lanternon. Taxelco a choisi de représenter ses trois compagnies selon des couleurs distinctes : le gris charbon pour Diamond qui s’harmonise avec le noir et blanc de son lanternon d’origine, le vert pomme pour Téo Taxi et le bleu sarcelle pour Hochelaga. On pense aussi à Taxi Coop de l’Ouest, basé à Dorval, qui a appliqué la couleur vert bouteille de son lanternon sur les véhicules les plus récents de son parc. Par ailleurs, la petite compagnie Taxi Atlas, située dans Notre-Dame-de-Grâce, a choisi le bleu « comme la couleur du drapeau du Québec », couleur que l’on retrouve sur la partie du lanternon qui affiche son nom.
Depuis que, en 2020, les pouvoirs législatifs ont été rapatriés à Québec pour le transport rémunéré des personnes par automobile, plusieurs normes se sont assouplies, voire ont disparu. Par exemple, les vignettes d’identification autrefois obligatoires ne le sont plus. Néanmoins, quelques compagnies, comme Taxi Coop et Champlain, affichent encore leur numéro, ce qui permet aux usagers d’identifier leurs voitures rapidement en cas de problèmes. Et les principales compagnies de taxi ont tout de même décidé de conserver leur lanternon conforme aux normes de 2010, en forme de croix, dans l’intention de projeter une image rassurante et sécuritaire.
SCHOETERS, Jean. « Taxi Diamond – Les Premières Années », Montréal Taxi Blog, 9 mars 2022.
WARREN, Jean-Philippe. Histoire du taxi à Montréal. Des taxis jaunes à UberX, Les Éditions du Boréal, 2020, 432 p.
MINISTÈRE DES TRANSPORTS ET DE LA MOBILITÉ DURABLE. « Transport rémunéré de personnes par automobile », Entreprises et partenaires.
VILLE DE MONTRÉAL. Règlement sur le transport par taxi. Codification administrative au 15 octobre 2015. (RCG 10-009 modifié par RCG 10-009-1, RCG 10-009-2), 15 octobre 2015, 88 p.
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Une série d'entrevues ont été réalisées en 2024 par Johane Bergeron dans le cadre de l’acquisition de la collection du Bureau de taxi de Montréal par le MEM. Les entrevues suivantes ont servi à l’écriture du présent article :
- Entretien avec Lise et Christian Roy, propriétaires de Gingras taximètre à Montréal, le 6 mai 2024. Gingras taximètre est une des plus vieilles compagnies d’installation de taximètres à Montréal. L’entreprise vend et fabrique des taximètres et des lanternons, en plus d’effectuer l’entretien de tous les appareils, peu importe les marques. Monsieur Gingras a fondé son entreprise autour de l’année 1959 et Jean Roy en a fait l’acquisition en 1982. Sa conjointe, Lise Roy, également propriétaire, s’est occupée du service clientèle de l’acquisition de l’entreprise jusqu’à ce que son fils, Christian Roy, reprenne les rênes. Il assure ainsi la relève de l’entreprise familiale qui compte sept employés. Au fil des ans, ils ont constitué une belle collection de taximètres et de lanternons en provenance de divers pays, qu’ils ont reçus en cadeau de la part de clients qui voyagent autour du monde.
- Entretien avec Amine Smaoui, conseiller en analyse et contrôle de gestion, Division des stratégies de mobilité durable, Service de l’urbanisme et de la mobilité, Ville de Montréal, le 8 mai 2024. Il a dirigé le projet Taxi Bonjour pour le Bureau du taxi de Montréal en collaboration avec l’industrie du taxi à Montréal et Tourisme Montréal.