On doit à Augustin Frigon, ingénieur en génie électrique méconnu, la création de la station CBF-Montréal, le réseau francophone de la société publique Radio-Canada alors toute nouvelle.
Souvent snobé par les intellectuels de son époque et généralement peu connu aujourd’hui, le Montréalais Augustin Frigon (1888-1952) est pourtant l’une des figures les plus importantes de l’histoire de la radiodiffusion au Canada. Fort de sa formation d’ingénieur électricien, il est amené à occuper des postes de plus en plus importants, notamment comme professeur et directeur à l’École Polytechnique de Montréal, puis comme directeur général de la Société Radio-Canada. N’ayant laissé que peu d’écrits au cours de sa carrière, ses contributions immenses ont quelque peu été oubliées par la mémoire collective.
Une brillante carrière à l’École Polytechnique
Augustin Frigon
À son retour à Montréal en 1923, fort d’un parcours brillant dans un domaine en pleine expansion, il se voit confier le rôle de directeur de l’École Polytechnique, qu’il occupe jusqu’en 1935. Figure désormais bien connue du milieu académique, Frigon exerce une influence positive sur l’institution. Sa présence contribue à rehausser considérablement la réputation de Polytechnique, reconnue comme l’une des meilleures écoles au Canada.
Augustin Frigon à la Commission Aird (1928)
Commission Aird
Quelques années plus tard, en 1928, on choisit donc Frigon pour siéger comme membre de la Commission Aird sur la radiodiffusion au Canada. La Commission a pour but de dresser un portrait de la situation de la radio à l’époque. La nouvelle technologie est alors peu encadrée : il y a peu de contrôle gouvernemental sur le contenu diffusé par les différentes stations de radio privées. À Montréal, près de 40 % des ménages possèdent un récepteur radio à la fin de la décennie, et certains récepteurs arrivent à capter les stations américaines. Plusieurs s’inquiètent de l’influence néfaste du contenu des États-Unis sur l’identité et la culture canadiennes. D’autant plus que plusieurs stations canadiennes commencent à copier les formules américaines!
La Commission dépose son rapport en 1929, déclarant que « la plupart des programmes radiodiffusés proviennent de sources extra-canadiennes. Or, [...] la réception continuelle de ce genre de programmes tend à modifier la mentalité de la jeunesse de chez nous, de façon à lui inculquer un idéal et des opinions qui ne sont pas canadiennes ». On suggère donc, entre autres choses, de nationaliser la radiodiffusion, sur un modèle similaire à la BBC en Grande-Bretagne. Cette mesure permettrait un contrôle de la qualité des émissions, en plus de pouvoir les adapter au public canadien. Les bases idéologiques de la création de Radio-Canada sont ainsi établies.
Frigon, bâtisseur du réseau francophone de Radio-Canada
Augustin Frigon vers 1946
Convaincu par Maurice Duplessis, alors premier ministre du Québec, Frigon accepte d’abord un poste de directeur général adjoint au sein de la nouvelle société. Il sera plus tard promu au poste de directeur général. Dans le cadre de ses différentes fonctions, il est chargé de penser et de créer le réseau francophone de la nouvelle société : la station CBF de Montréal, inaugurée en 1937. Les studios sont situés à la fin des années 1930 au 1231, rue Sainte-Catherine Ouest, au centre-ville. La métropole devient en quelque sorte le quartier général francophone de Radio-Canada, alors que Toronto en devient le pendant anglophone.
Augustin Frigon 1944
Pour des raisons de santé, Frigon doit quitter la direction de la société en 1950. Son bilan est éclatant : environ 82 % du contenu original canadien de Radio-Canada provient à l’époque du réseau francophone. Augustin Frigon meurt en juillet 1952, quelques semaines avant l’inauguration de la première chaîne de télévision de la société, CBFT. L’arrivée de cette nouvelle technologie marque le début d’une nouvelle ère pour Radio-Canada.
Merci à Alain Dufour de la Société québécoise de collectionneurs de radios anciens d’avoir contribué à la vérification du contenu de cet article.
CANUEL, Alain. Augustin Frigon et la Radio Nationale au Canada, Scientia Canadensis, vol. 19, no 48, 1995, p. 29-50.
https://www.erudit.org/fr/revues/scientia/1995-v19-scientia3120/800393ar...
GAGNON, Robert et Pierre FRIGON. Augustin Frigon. Sciences, techniques et radiodiffusion, Montréal, Boréal, 2019, 248 p.
PETIT, Kim. Le projet pédagogique de Radio-Collège dans la décennie 1940. La conservation des institutions scolaires traditionnelles et la promotion des sciences, Mémoire (M.A.), Université de Sherbrooke, 2008. http://www.disten.com/radiocollege/Kim_Petit.pdf