Entre les rues Dorchester, Papineau, Craig et Wolfe, il ne reste plus un seul des 262 bâtiments du Faubourg à m’lasse en cette fin d’année 1963. Près de 5000 personnes ont perdu leur milieu de vie.
« Quand on parle de notre enfance, de ce quartier-là, on a des bons souvenirs. La façon de vivre, c’tait plus semblable à […] d’la campagne en ville […]. C’tait pas anonyme. Tu vivais pas là pour t’isoler. […] Y’avait beaucoup de liens, d’interactions. C’tait pas riche, mais c’était des gens généreux. »
Jeannelle Bouffard, ancienne résidante du Faubourg à m’lasse
Le 10 décembre 1963, à l’ombre du pont Jacques-Cartier, l’un des plus vieux faubourgs de la ville n’est plus que poussière. Entre les rues Dorchester, Papineau, Craig et Wolfe, il ne reste plus un seul des 262 bâtiments du Faubourg à m’lasse qui s’y trouvaient quelques mois plus tôt. Près de 5000 personnes quitteront leur quartier pour faire place à la tour de Radio-Canada et à ses stationnements.
Avant sa disparition, ce grand quartier ouvrier du bas de la ville accumule les architectures et les fonctions. Usines, manufactures et ateliers activent son cœur industriel. Épiceries, restaurants et boutiques dynamisent ses activités commerciales. Églises, couvents et écoles assurent sa vie institutionnelle. Maisons, multiplex et hospices abritent ses résidants. Les paroisses Saint-Pierre-Apôtre ou Sainte-Brigide rassemblent aussi une variété de gens et de parcours : familles établies depuis des générations et travailleurs de passage s’y côtoient quotidiennement.
Le Faubourg à m’lasse de Lucien Landry, chambreur, et celui de Cécile et Guy Pauzé, membres d’une famille nombreuse, est bien différent. Il y a celui de ce jeune célibataire au début de sa vie de travailleur, et celui de deux enfants pour qui le quartier est un terrain de jeu. Des vies bien singulières mais, pour eux et bien d’autres, un même quartier, une même appartenance.