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Le Faubourg à m’lasse

11 décembre 2015
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Le Faubourg à m’lasse, appellation familière et non officielle, est un quartier populaire canadien-français composé de maisons à deux ou trois étages et de services de proximité.

QD - Faubourg à m'lasse, avant-après

Montage photographique montrant le quartier avant les démolitions, une fois démoli et après la construction de la Maison Radio-Canada.
Photos des Archives de la Ville de Montréal. Photomontage du Centre d’histoire de Montréal.
Ce nom désigne un territoire aux frontières mal définies, quelque part entre le fleuve et la rue Sainte-Catherine, et entre le Vieux-Montréal et le quartier Hochelaga. Ce morceau du territoire montréalais appartient à l’ancien faubourg Québec (aussi appelé faubourg Sainte-Marie) apparu après 1730 dans l’axe du chemin du Roi qui reliait Montréal à Québec. À partir de 1845, et pendant plus d’un demi-siècle, il est réparti entre les quartiers Saint-Jacques et Sainte-Marie, séparés par la rue Panet (puis Visitation, après 1851).

Le nom Faubourg à m’lasse n’a jamais eu de connotation officielle. C’est une appellation familière apparue au cours du XIXe siècle et dont l’origine reste nébuleuse. La mélasse, un sirop moins coûteux que le sucre, était surtout consommée dans les milieux populaires et pouvait être associée à des familles peu fortunées. La proximité du port, où étaient déchargés les barils de mélasse, peut aussi expliquer ce nom. Dans l’imaginaire montréalais, le Faubourg à m’lasse devient l’archétype du quartier populaire canadien-français, à la fois rustre et coloré. Pour certains de ses habitants, le nom devient un élément identitaire d’une population vaillante et fière, pour d’autres, il est plutôt synonyme de mépris et de discrimination.

Au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle, le Faubourg abrite surtout une population ouvrière francophone peu scolarisée et peu qualifiée, donc à faible revenu. On y trouve des débardeurs employés au port, des journaliers allant d’un chantier à l’autre au gré des contrats et des saisons, et de nombreux ouvriers d’usine. Plusieurs établissements industriels imposants se trouvent dans les environs, notamment la brasserie Molson, des usines de verre (Dominion Glass), de linoleum (Dominion Oil Cloth), de caoutchouc (Dominion Rubber) et d’autres encore. En outre, un bon nombre de petits établissements — imprimeries, ateliers d’usinage ou de réparation, manufactures modestes — sont disséminés sur le territoire.

Un quartier composite et malmené

La trame urbaine est tissée de rangées de maisons à deux ou trois étages flanquées à l’arrière de hangars recouverts de tôle. Construites à diverses époques, elles sont assez disparates et témoignent du caractère ancien de cette partie de la ville. On y trouve surtout des logements locatifs, mais aussi de nombreux services de proximité : épiceries du coin, tavernes, restaurants, salons de coiffure, garages, etc. L’Église catholique assure une présence importante avec ses églises paroissiales, ses maisons d’enseignement et ses divers établissements de services sociaux.

QD - Carte des quartiers

Plan présentant les délimitations des trois quartiers « disparus » (en partie pour le Red Light et le Faubourg à m’lasse).
Bibliothèque et Archives nationales du Québec.

Le Faubourg à m’lasse est charcuté une première fois dans les années 1920, pour la construction du pont Jacques-Cartier, puis de nouveau entre 1953 et 1955, quand la Ville de Montréal démolit plusieurs pâtés de maisons pour transformer l’étroite rue Dorchester en grand boulevard, qu’on renommera René-Lévesque en 1987. Un coup plus terrible est porté en 1963-1964 avec les démolitions requises pour la construction de la Place Radio-Canada. Le secteur visé est borné par les rues Dorchester, Wolfe, Viger et Papineau. En plein cœur du Faubourg, tout est rasé. Les photographies témoignent de l’état des lieux — du milieu de vie et de travail de ses habitants — juste avant le grand bouleversement.

Ce texte de Paul-André Linteau est tiré du livre Quartiers disparus. Red Light, Faubourg à m’lasse, Goose Village, sous la direction de Catherine Charlebois et Paul-André Linteau, Les éditions Cardinal, 2014, p. 112-113.

Avant-après : Maison de Radio-Canada

Vue aérienne du site déblayé de la future Maison de Radio-CanadaVue aérienne du site de la Maison de Radio-Canada

1400, boul. René-Lévesque Est

Avant

1964. Vue aérienne du site déblayé de la future Maison de Radio-Canada, Faubourg à m’lasse. Archives de la Ville de Montréal. VM94-U124-2.

Après

1989. Vue aérienne de la Maison de Radio-Canada. Archives de la Ville de Montréal. VM94-B273-070.