Prise d’une fièvre tenace, Yolande Méthot a fait 54 visites d’Expo 67! Plus elle y allait, plus elle devait y retourner. Elle a relaté cette belle aventure humaine dans son Récit de l’Expo 1967.
Yolande Méthot et sa sœur
Récit de l’Expo 1967
Récit de l’Expo 1967, page 1
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En dépit de mes 54 visites – d’une durée moyenne de 12 heures chacune –, j’ai parfois l’impression d’en avoir loupé un peu. J’ai bien visité tous les pavillons, et certains… plus d’une fois, mais il y avait tant à voir, à découvrir! C’était facile de passer tout droit, de faire un coin rond, de baisser la tête quand il fallait la relever. D’ailleurs, visiter 62 pays dans ses moments libres, c’était en soi un projet insensé.
Mais depuis 1963, alors que 28 000 000 de tonnes de terre et de roc allaient, au beau milieu du fleuve, devenir les Iles de l’Expo, nous avions pris l’habitude des projets insensés qui se réalisent, des mots-chocs qui ne surprennent plus. Pour 20 $, je pris donc un billet aller-retour, bon pour 54 visites, et je passai le plus merveilleux des étés.
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La bonne humeur comme passeport
Yolande Méthot - 28 avril 1967
Qui n’a pas expérimenté une de ces longues attentes à la porte d’un pavillon plus couru? Et quand je dis « à la porte », j’exagère un peu. Cette longue file d’attente n’a-t-elle pas rejoint le pavillon voisin plus d’une fois, et en serpentant en plus de cela?
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Pour moi, et pour la majorité, je crois bien, les interminables queues ont présidé à la naissance d’amitiés nouvelles, à des conversations animées et enrichissantes.
J’ai connu ma première file d’attente dès le début de l’Expo. Le jour de l’ouverture, pendant quatre heures, j’ai fait le piquet au pavillon des Nations-Unies. Je n’étais pas la seule! Mais j’en suis ressortie avec le « pli premier-jour » convoité par tous les collectionneurs de timbres qui se respectent et le « pli des queues ». Et je n’étais même pas collectionneur!
Yolande Méthot et sa sœur
La foule devint si habituée à faire la queue que, maintes fois, sans raison apparente, il s’en formait une. Ainsi, deux employés du pavillon tchécoslovaque, attendant qu’on leur ouvre la porte de service, voient derrière eux une vingtaine de personnes qui attendent aussi!
Et cette autre queue qui se forma non loin du pavillon belge! Un employé intrigué demanda pourquoi on faisait la queue : certains voulaient des gaufres, d’autres se dirigeaient vers les toilettes. Il se rendit donc à la tête de la file pour découvrir que l’on vendait bien des gaufres, et les toilettes étaient tout à côté!
Le 15 septembre, les visiteurs avaient déjà perdu 2283 années à faire la queue! Durant les mois de juillet et août, c’était peine perdue d’essayer de n’en pas faire. Il y avait du monde partout, à pleines rues. Il fallut en prendre son parti. Cela n’avait rien de trop désagréable; la foule offrait des perspectives d’étude de comportement humain à nulles autres pareilles.
Pour le seul plaisir d’être là
Yolande Méthot - photo d'enfants
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Prise d’une fièvre tenace, je ne pus m’en débarrasser que lorsque je franchis le dernier seuil du dernier pavillon qu’il me restait à voir le 23 septembre! Plus j’y allais plus je sentais le besoin d’y retourner. Et cette soif de l’Expo m’a tenaillée presque jusqu’à la fin. Fièvre merveilleuse s’il en est, exaltante et communicative, que j’ai bien dû malgré moi transmettre à d’autres. Le maire Drapeau saura-t-il jamais quel « agent secret » de publicité je fus pour son Expo?
J’ai, de par mon emballement maladif pour cette terre fantastique des îles, contaminé plus d’un et je ne m’en repens point.
Yolande Méthot et sa sœur - photomaton
La famille, les amis de Colombie-Britannique et d’Ontario, à un rythme assez régulier, et souvent la famille entière, défilèrent chez nous. Sur les 51 personnes venues rue Sherbrooke, 36 y ont passé de 7 à 12 jours chacune. Ce n’est pas un record, bien sûr, mais ça meuble bien une maison. Et ça fait de la vie! Ouf!
Pour vous donner une idée du mélange international qui eut lieu alors, un jour, Bernard l’Arabe et Yves le Marocain se rencontrèrent chez nous. Puis un autre jour, le patriarche François, de France, fit la connaissance de la délicieuse Suissesse, Sylvia. Béatrice, de Belgique connut notre ami Johnnie, de Colombie-Britannique.
Ainsi filèrent les jours, plus remplis et plus merveilleux les uns que les autres.
Le culte de l’hospitalité
Yolande Méthot - lettre de Jean Drapeau
Le matin, je faisais le café. Rien d’autre. Eux préparaient leur déjeuner, pigeant à même le réfrigérateur et les armoires bien garnis ce qui les tentait. Eux, ils étaient en vacances et faisaient, plus souvent qu’autrement, la grasse matinée. Nous… sur le bout des pieds, nous devions aller travailler.
Le retour à la maison le soir, c’était tout un spectacle. Là encore, ça dépendait du programme des visites de la journée que chacun avait ébauché pour lui-même.
Je revois ma belle-sœur étendue sur le tapis, les jambes posées sur le divan, crevée! Hélène, de Nice, qui se laissait choir sur un fauteuil essayant de récupérer le plus vite possible quelques bribes de courage pour pouvoir jouer au scrabble dont elle venait de faire la découverte!
François que les jours suffocants de juillet rendaient à bout de souffle, la bouche sèche et les jambes en compote. Faut dire que des jambes de 64 ans n’ont plus la résistance de celles de 20 ans! Et Béatrice avait beau pousser sur son courage belge, elle devait se coucher assez tôt pour être sur pied le lendemain.
Quant aux enfants, nombreux et en « grappes », qui vinrent chez nous, c’était la fête! Pour les tenir en laisse, rien comme du découpage, du collage et la piscine. Le découpage faisait bien des bouts de papier sur le tapis, puis après! Les enfants eux ne semblaient jamais au bout de leurs forces. Mais aussitôt dans leurs lits – quand ils avaient la chance d’en avoir, car plus d’une fois il fallut improviser… sur le tapis –, le sommeil les emportait dans un monde merveilleux.
Et moi, j’ai été choyée de bons becs et de bras autour de mon cou… Ça aussi c’est sans prix!