Les grands vitraux colorés qui caractérisent l’édicule de la station de métro Champ-de-Mars sont l’œuvre de Marcelle Ferron, une artiste majeure qui compte parmi les signataires du Refus global.
Verrière, station Champ-de-Mars
L’œuvre tant aimée par le public ne fait pourtant pas l’unanimité lors de la présentation du projet. Marcelle Ferron doit livrer bataille avec le conseiller artistique du métro de l’époque, Robert LaPalme, qui a des vues bien arrêtées sur le sujet. Il sélectionne uniquement des artistes qui illustrent par leur œuvre une page de l’histoire de Montréal. Avec son approche automatiste, Marcelle Ferron fait naturellement une proposition non figurative. Fort heureusement, l’artiste bénéficie d’appuis de taille. Le premier ministre du Québec, Daniel Johnson, lui a donné son soutien pour la création de la verrière. C’est d’ailleurs le gouvernement du Québec qui offre l’œuvre d’art à la ville de Montréal. Le président du comité exécutif de la Ville, Lucien Saulnier, appuie également le projet. Robert LaPalme se voit forcé d’abdiquer et il approuve la verrière.
Le travail du verre
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La nouvelle technique est utilisée pour réaliser plusieurs projets qui intègrent le vitrail à des bâtiments. Marcelle Ferron trouve ainsi une belle manière de sortir du vase clos de sa production en peinture et d’introduire l’art au cœur de la vie des gens : « Mon propos a toujours été modeste, je voulais transformer ce mariage de raison [entre l’art et l’architecture] en un mariage d’amour. »
L’inauguration de la verrière du métro Champ-de-Mars a lieu en 1968, et l’œuvre est immédiatement adoptée par le public. D’autres vitraux de Marcelle Ferron ornent des édifices montréalais, dont l’Hôpital Sainte-Justine, le siège social de l’Organisation de l’aviation civile internationale et la station de métro Vendôme. Ailleurs au Québec, on remarque le tribunal de Granby, la chapelle de la prison de Saint-Hyacinthe, l’église du Sacré-Cœur à Québec, la tour Place du Portage à Gatineau et le palais de justice d’Amos.
Née en 1924 à Louiseville, la jeune Marcelle Ferron s’intéresse sérieusement à la peinture et entre à l’École des beaux-arts de Québec. Lorsqu’on l’expulse de l’institution à cause d’un conflit avec un professeur, elle déménage à Montréal où elle fait la connaissance de Paul-Émile Borduas. Cette rencontre est capitale dans l’évolution de la peintre, qui partage la philosophie des Automatistes et signe le manifeste du Refus global en 1948.
Un séjour de 13 ans à Paris lui permet de se tailler une place de choix dans le monde de l’art contemporain. Durant plus de 35 ans de carrière, Marcelle Ferron participe à plusieurs expositions au Canada, aux États-Unis et dans divers musées et galeries de Londres, Milan, Turin, Zurich, Paris, Amsterdam, Osaka…
On lui décerne des prix prestigieux, dont la médaille d’argent à la Biennale de Sao Paulo en 1961, le prix Louis-Philippe-Hébert en 1976 et le prix Paul-Émile-Borduas en 1983. Marcelle Ferron est la première femme à recevoir cette récompense qui couronne l’ensemble de la carrière d’un artiste ou d’un artisan dans les domaines des arts visuels et des métiers d’art. Décorée à deux reprises de l’Ordre national du Québec, elle reçoit l’insigne de chevalière en 1985 et est promue grande officière en 2000. Elle s’éteint à Montréal en 2001.