Du 6 au 11 septembre 1910, Montréal accueille le XXI
e Congrès eucharistique international. Pas moins de 3 cardinaux, 107 évêques et près de 10 000 religieux se réunissent dans la ville à l’occasion du premier congrès eucharistique tenu en Amérique. Des milliers de fidèles catholiques se joignent à eux et prennent part à des cérémonies soigneusement préparées pour émouvoir les participants.
Tenu pour la première fois à Lille en 1881, le congrès eucharistique vise à étendre la pratique et la dévotion liées à l’eucharistie. Dans la religion catholique, l’eucharistie est célébrée pendant la messe pour rappeler le sacrifice de Jésus. En mémoire de ce sacrifice, les croyants sont appelés à communier en mangeant le pain et en buvant le vin, qui sont le corps et le sang du Christ. Les congrès eucharistiques font la promotion de l’eucharistie et de sa mission sociale d’évangélisation. Ils sont aussi un moyen de lutter contre les tendances vers la laïcisation en proposant des cérémonies fastueuses et remplies d’émotion qui visent à conquérir le cœur des fidèles.
Des cérémonies majestueuses
Au Congrès eucharistique de Londres, en 1908, l’archevêque de Westminster, Mgr Francis Bourne, annonce qu’un congrès se tiendra à Montréal en 1910. L’archevêque de Montréal, Paul Bruchési, se charge d’organiser l’événement qui est présidé par le représentant du pape, le légat Vincenzo Vannutelli. Le mardi 6 septembre, la cérémonie d’ouverture attire une foule de près de 15 000 fidèles à l’église Notre-Dame, selon ce que rapportent les journaux. Les séances d’études, les séances publiques ainsi que les activités spéciales se succèdent ensuite autour du thème de l’eucharistie. La décision du pape Pie X de rapporter l’âge de la première communion des enfants à sept ans est annoncée publiquement pour la première fois pendant le congrès. La messe en plein air du samedi matin au
Fletcher’s Field (que l’on commence à appeler parc Jeanne-Mance), les discours du vendredi et du samedi soir à l’église Notre-Dame ainsi que la procession du Saint-Sacrement comptent parmi les événements les plus courus de la semaine. La procession finale parcourt la ville en partant de l’église Notre-Dame, puis en remontant à travers 13 arcs de triomphe pour prendre fin au pied du mont Royal. Selon les journaux de l’époque, elle attire plus de 100 000 fidèles. Les témoignages des participants attestent l’enthousiasme que suscite cette procession. Dans la communauté protestante, on dénonce toutefois que des fonds publics soient utilisés pour des raisons confessionnelles.
Des enjeux politiques
Présents au Congrès, le premier ministre du Québec, Lomer Gouin, et celui du Canada, Wilfrid Laurier, prononcent des discours dans lesquels ils expriment leur attachement à l’Église. Le lendemain soir, l’archevêque de Westminster, Mgr Francis Bourne, livre une allocution à peine audible devant la foule réunie à l’église Notre-Dame. Il propose que l’anglais devienne la langue d’évangélisation en Amérique du Nord. Deux autres orateurs s’expriment à sa suite, avant de laisser la parole à Henri Bourassa. Dans son célèbre discours connu sous le nom de « discours de Notre-Dame », Bourassa défend l’idée que la langue française a permis de préserver la foi catholique en Amérique du Nord et qu’elle doit demeurer la langue de l’Église, dans le respect des droits linguistiques des minorités. Son plaidoyer lui vaut l’ovation de la foule, majoritairement francophone. Les discours de Bourne et de Bourassa ravivent les tensions linguistiques qui divisent alors les catholiques canadiens, opposant les Canadiens français aux Irlandais.
Le Congrès eucharistique de Montréal prend fin le dimanche 11 septembre. Comme l’avaient souhaité les prélats réunis à Montréal, 155 congrès eucharistiques régionaux se tiennent au Canada entre 1910 et 1965. En 1935, Montréal est l’hôte d’un congrès local. Ces rassemblements poursuivent le même objectif de promouvoir la dévotion eucharistique qui connaît un sommet au Québec au début du XXe siècle.