Le cinéaste Denys Arcand a frôlé une grande aventure : saisir le Québec sur pellicule pour le montrer au monde entier! Mais l’Expo 67 n’a pas tenu toutes ses promesses.
Il y a deux Expo 67.
Tout d’abord celle inscrite dans le grand livre d’histoire, qui se décline en statistiques et fait partie du passé.
Puis l’autre, plus intime qui, malgré son 50e anniversaire, n’a pas pris une seule ride. Cette Expo-là vit toujours dans le cœur de ceux et celles qui l’ont visitée. Dès que la porte de la mémoire s’entrouvre, les visages s’animent, les yeux s’enflamment.
Chacun a son histoire. Chacun a son souvenir. Chacun a son Expo.
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Prenez Denys Arcand par exemple. Deux ans avant l’Expo, il est cinéaste et scénariste à l’Office national du film (ONF). Il a déjà quelques modestes films à son actif, dont Seul ou avec d’autres, réalisés avec deux étudiants de l’Université de Montréal, Denis Héroux et Stéphane Venne. Installé dans le nid douillet de la sécurité d’emploi et nourri des privilèges artistiques de l’ONF, l’avenir de Denys Arcand semble tracé. C’est mal le connaître.
En 1965, Raymond-Marie Léger, un ex de l’ONF devenu adjoint du commissaire général du Québec pour l’Expo 67, veut construire son équipe de rêve pour la production des films qui seront présentés au pavillon du Québec. Associé à l’ONF depuis plus de 10 ans, le bonze du cinéma connaît bien les valeurs sûres de l’ONF. Il demande à rencontrer Jean Dansereau, Bernard Gosselin, Gilles Groulx, Michel Brault et Denys Arcand.
Saisir le Québec sur pellicule
Pavillon du Québec (CAN_MT1967-PH-3633)
Arcand et compagnie ne se font pas prier pour quitter l’ONF, pourtant à l’avant-garde de la cinématographie. « Pour moi, qui était un jeune cinéaste, le risque n’était pas très grand, se souvient Denys Arcand. Mais pour mes collègues, oui! »
L’attrait de l’Expo balaie toutes les incertitudes du revers de la main. Les Cinéastes associés ne se doutent pas encore que l’aventure sera éphémère, emportés par l’effervescence des années 1960, sourds à la notion de risque qui enferme la créativité.
« Ce que nous n’avions pas prévu, c’est la défaite du Parti libéral du Québec en 1966 et l’avènement au pouvoir de l’Union nationale, raconte Denys Arcand. Conséquence de cette élection? Les films du pavillon du Québec allaient être réalisés par des amis du parti, dont nous ne faisions pas partie! On s’est retrouvés le bec à l’eau. »
Mais Denys Arcand n’a pas été complètement absent de l’offre artistique de l’Expo. Son nom a figuré au générique de deux films.
Une présence réduite
Expo 67 - Labyrinthe
Sa deuxième présence artistique à l’Expo le trouve comédien dans un film de l’ONF présenté à son pavillon, le Labyrinthe. « Je jouais le rôle du jeune amant de Gisèle Schmidt, une comédienne de 20 ans mon aînée. Je me souviens d’une scène où je dansais langoureusement avec elle... Je la quittais finalement pour Suzanne Lévesque, laissant mon amante le cœur brisé! »
La petite histoire veut que la présence de Denys Arcand à l’Expo se résume presque à ces deux génériques. « J’habitais encore à Deschambault à l’époque et la distance a fait en sorte que je ne suis allé à l’Expo qu’une seule fois, surtout pour voir mes deux "œuvres" dans leur contexte de diffusion! Comme j’étais présent dans deux pavillons, les organisateurs de l’Expo m’avaient donné un laissez-passer pour avoir accès au site. Je suis arrivé tôt le matin, je me suis rendu au pavillon du Québec et au Labyrinthe. J’ai marché un peu et je suis rentré chez moi. »
Contrairement à bien d’autres artistes, Denys Arcand n’a pas été influencé par les découvertes faites à l’Expo 67. C’est plutôt l’espoir d’en être partie prenante qui a fait dévier sa trajectoire vers la production privée et la carrière que l’on sait.
Chacun a son Expo, qu’il l’ait visitée ou non!