L’école Platon et l’école Socrate, créées pour promouvoir la langue, la religion et la culture grecques, témoignent aussi des divisions qui existent au début du XXe siècle au sein de la communauté.
Dans la première décennie du XXe siècle, la communauté grecque de Montréal subit des changements démographiques considérables. En Grèce, particulièrement dans les régions rurales, les problèmes agricoles et économiques provoquent une vague d’émigration sans précédent vers le Canada et les États-Unis. Entre 1901 et 1910, 173 513 personnes quittent la Grèce, comparativement à 16 979 la décennie précédente. À Montréal, la communauté grecque passe d’une population d’environ 60 personnes en 1901 à plus de 700 en 1905.
Écoles grecques - plan
Dès la première année, environ 30 élèves, répartis en quatre niveaux, y font leur entrée. Ils y suivent le même programme que celui des autres écoles publiques de la ville, en plus d’y apprendre trois langues : le grec, le français et l’anglais. Financée par la nouvelle église Evangelismos, l’école Platon a pour objectif d’inculquer aux jeunes élèves la religion, la langue et les traditions de leurs parents. Le nombre d’élèves augmente au rythme de l’immigration grecque. Vers 1913, l’école compte 50 élèves; en 1920, elle en accueille 110.
L’école Socrate et la division de la communauté
Écoles grecques - Holy Trinity
À la fin des années 1920, toutefois, les désaccords au sein de la communauté semblent s’amenuiser. Le président de la première Koinotita, M. Charalambos Koutsogiannopoulos, dénonce en 1927 la haine entre les enfants grecs de Montréal, créée selon lui par la séparation des deux écoles. De 1928 à 1931, l’archevêque Athenagoras de New York visite aussi fréquemment la communauté grecque de Montréal et travaille activement à convaincre ses membres de réunifier leurs institutions. Dès 1929, à cause des difficultés associées à la Grande Dépression, soutenir financièrement deux écoles et deux églises devient de plus en plus compliqué. Résultat du travail conjoint des leaders de la communauté et de la situation économique précaire, la Koinotita de Montréal est réunifiée le 3 décembre 1931. Seule l’église Holy Trinity et l’école Socrate seront conservées — l’église Evangelismos est vendue à une congrégation catholique hongroise.
De nouveaux lieux de culte et d’éducation
Grecs - Nicholas Salamis
Écoles grecques - Manuel
Également, pendant cette décennie, la Fédération hellénique des Parents et des Gardiens est créée par la communauté pour donner une nouvelle direction à l’éducation grecque à Montréal. La Fédération encourage, entre autres, la tenue de cours de l’après-midi pour les jeunes grecs de la ville. Il s’agit d’un tournant puisque, auparavant, les initiatives d’éducation étaient principalement chapeautées et financées par le clergé. Ainsi, avec l’expansion démographique et géographique de la communauté grecque, la mission originale d’éducation est partagée avec de nouvelles organisations et institutions. Les écoles de l’après-midi sont renommées en 1980 les écoles « Platon » en l’honneur de la première école de la communauté, et fonctionnent sur plus de 28 campus différents à travers la ville. Vers 1985, 5000 étudiants fréquentent des classes associées à 11 différentes organisations communautaires grecques, sans compter 2000 autres étudiants qui fréquentent à l’époque d’autres institutions officielles. Outre les cours de base de la formation académique, les différentes institutions proposent aussi des cours de danse folklorique, des ateliers de théâtre et des activités sportives.
L’expansion de la communauté grecque est aussi reflétée par l’expansion de l’école Socrate, qui se dote dès les années 1980 de nouvelles installations. En 1982, un complexe commence son activité dans le nouveau centre communautaire hellénique, situé sur l’avenue Wilderton dans Outremont, suivi par un troisième complexe à Roxboro. En 1985, une nouvelle installation ouvre en banlieue de Montréal, à Saint-Hubert. Le cinquième complexe de l’école Socrate, situé à Laval, commence ses opérations dès 1993. Aujourd’hui, ces différentes institutions sont encore en service, et sont une source de fierté pour la communauté grecque.
En 1914, au déclenchement de la Première Guerre mondiale, le roi de Grèce déclare que le pays doit rester neutre au sein du conflit. Le premier ministre grec, Elefthérios Venizelos, est plutôt d’avis que la Grèce doit soutenir les Alliés. Cette opposition divise la diaspora grecque en deux factions politiques, l’une royaliste (en soutien au roi) et l’autre libérale, ou vénizéliste (en soutien au premier ministre Venizelos).
À Montréal, le chef de l’église Evangelismos, un dénommé M. Koutsoyannopoulos, est royaliste. Ainsi, à la fois l’église et l’école Platon deviennent pour les libéraux montréalais synonymes d’allégeance au roi. La situation s’envenime au courant des années 1920, alors que chacune des factions boycotte les commerces de l’autre faction, causant la faillite de plusieurs entrepreneurs grecs. En 1925, la séparation des deux groupes est rendue officielle par la création d’une deuxième Koinotita et d’une deuxième église, l’église Holy Trinity, dans laquelle se tiennent les cours de la nouvelle école Socrate. Il faudra attendre jusqu’en 1931 pour que la Koinotita de Montréal soit réunifiée.
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