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Le tour du chapeau

20 janvier 2016

Au cours du XXe siècle, au-delà des barrières linguistique et culturelle, le hockey devient un véritable phénomène culturel. Quelle est l’origine de ce sport? Et quelle a été son évolution?

Les Chasseurs dans la neige, par Peter Brueghel

Tableau hivernal Les Chasseurs dans la neige (1565) du peintre Peter Brueghel. En arrière-plan se trouvent des joueurs qui utilisent des bâtons courbés pour jouer avec un objet sur ce qui s’apparente à une patinoire.
1565, Les Chasseurs dans la neige, par Peter Brueghel.
« Mon pays ce n’est pas un pays, c’est l’hiver ». Heureusement, il y a le hockey pour nous divertir entre deux bordées de neige. Mais à quand remonte l’apparition de ce sport qui fait désormais partie de notre culture?

Pour certains, le hockey s’apparente au jeu de gouret pratiqué par les Gaulois à l’époque de César, ou au jeu de crosse d’origine autochtone. On y voit aussi une certaine parenté avec le bandy, le shintey et le hurley, des sports venus de Grande-Bretagne, que les Montréalais pratiquaient chaussés de patins et armés d’un bâton, en poussant une balle sur la surface glacée du fleuve Saint-Laurent.

Hockey - patinoire Université McGill 1884

Groupe de personnes jouant au hockey sur la patinoire de l’Université McGill à Montréal en 1884.
1884, Playing hockey on the skating rink, McGill University, par Alexander Henderson, Bibliothèque et Archives Canada, C-081683.
Le 3 mars 1875, on annonce pour la première fois à Montréal une partie de hockey entre deux équipes de l’Université McGill. Il ne faut pas croire que dès lors les règles sont celles que l’on trouve aujourd’hui. D’abord composées de huit ou neuf joueurs, les équipes alignent sept joueurs à partir de 1886, en raison de l’apparition de patinoires aux dimensions limitées et des difficultés de recrutement. Cette pratique est à nouveau modifiée en 1911 pour en arriver à la règle de six joueurs que l’on connaît aujourd’hui. Les passes se faisaient vers l’arrière ou sur le côté jusqu’à l’instauration des lignes bleues qui divisent la patinoire en trois zones en 1917. Grâce à cette innovation, la passe vers l’avant est désormais permise. C’est cependant avec l’apparition de la ligne rouge centrale, en 1943, qu’aux yeux de plusieurs débute le hockey moderne.

Du statut amateur au statut professionnel

Hockey - Montreal Wanderers 1905

Photo d’équipe des Wanderers de Montréal, évoluant alors au sein de la Ligue fédérale de hockey amateur.
1905, Montreal Wanderers, 1905, Bibliothèque et Archives Canada, PA-049452.
Tout comme la réglementation, l’organisation du hockey évolue à son tour. Une première association, l’Amateur Hockey Association of Canada, regroupe quatre équipes de Montréal et une d’Ottawa, dans le but de promouvoir et de régir le hockey au Canada. En 1893, on innove en attribuant un trophée à la meilleure équipe amateur : la Coupe Stanley, emblème le plus prestigieux du hockey. La même année Joseph Seagram crée un scandale en rétribuant ses joueurs. Ainsi, ils passent du statut d’amateur au statut de professionnel, vendant leurs services à l’équipe la plus offrante. Cette pratique augure sans doute les salaires faramineux des joueurs dans les années à venir!

Hockey - Le Canadien 1909-1910

Photo de l’équipe 1909-1910 du Canadien de Montréal.
1909-1910, Club de hockey Le Canadien. 1909-1910, par Albert Dumas. Source inconnue.
Le hockey gagne des adeptes. De 2 équipes en 1875, on passe à 124 en 1893. Des collèges, des universités de même que des employés de compagnie forment des clubs qui se joignent à différentes ligues. Malgré tout, il reste peu populaire chez les Canadiens français. Il faut attendre 1909 pour assister à Montréal à la création d’une équipe de hockey majeur composée principalement de francophones : le Canadien. La fondation du Canadien, souvent présenté comme un produit de l’éternelle rivalité entre Canadiens français et Canadiens anglais, est d’abord et avant tout le résultat d’un calcul purement commercial. Un homme d’affaire anglophone originaire d’Ottawa, Ambrose O’Brien, déjà propriétaire de quatre équipes, a l’idée d’exploiter cette rivalité ethnique et d’établir une équipe entièrement composée de Canadiens français dans l’unique but d’attirer des foules plus nombreuses. Le nom du club, le Canadien, fait bien sûr référence aux colons du Canada sous le Régime français, ancêtres directs des Canadiens français et des Québécois. À l’époque, ce sont les francophones qui sont étiquetés de Canadiens tandis que les Canadiens anglais s’identifient comme Britanniques. Le terme Habs est une abréviation d’habitant, autre manière de désigner les anciens colons canadiens. À cette époque, les amateurs de hockey ont donc le choix d’applaudir à Montréal les équipes National, Wanderers, Shamrock, All Montreal et le Canadien.

Les arénas se vident, l’attrait demeure

Hockey - Montreal Maroons 1934-1935

Photo de l’équipe 1934-1935 des Maroons de Montréal.
1934-1935, Montreal Maroons Hockey Team. Worlds Champions. Holder of the Stanley Cup, 1934-1935, Bibliothèque et Archives Canada, PA-049467.
Toutefois, cinq clubs professionnels à Montréal, c’est trop. Après des départs et des fusions, le Canadien reste la seule équipe montréalaise. La situation du hockey à Montréal n’en est pas stable pour autant. La Ligue nationale de hockey, fondée en 1917, tente de s’implanter tout en prenant de l’expansion. C’est ainsi que les Maroons voient le jour, représentant Montréal au sein du circuit Calder. Avec la crise économique des années 1930, les arénas se vident. Ainsi, après avoir évolué de 1924 à 1938, enlevant même deux Coupes Stanley, les Maroons quittent la Ligue nationale de hockey.

Mais l’attrait demeure. Les pages sportives publiées par les journaux, la radiodiffusion des matchs dès 1934 et surtout la venue de la télévision en 1952 permettent au hockey et à la Ligue nationale de toucher de larges couches de la population. Au-delà des barrières linguistique et culturelle, le hockey devient un véritable phénomène culturel. Les noms de Jacques Plante, de Jean Béliveau, de Toe Blake et de bien d’autres sont connus de tous. Les jeunes garçons tentent d’imiter les gestes de leurs idoles en jouant au hockey dans les cours, dans les ruelles ou sur les patinoires improvisées, rêvant de faire partie du « Grand Club ». Que ce soit en chantant les louanges de Maurice Richard ou en incluant dans leurs récits des personnages jouant au hockey, la chanson populaire et le roman québécois n’échappent pas à ce courant.

Hockey - Jacques Plante en 1960

Le gardien de but des Canadiens de Montréal, Jacques Plante, en action lors d’une partie contre les Bruins de Boston le 17 janvier 1960.
1960, Jacques Plante, gardien de but des Canadiens de Montréal, en action contre les Bruins de Boston, 17 janvier 1960, Bibliothèque et Archives Canada.
Aujourd’hui, le hockey atteint son maximum de popularité, surtout durant les séries éliminatoires de la Coupe Stanley. Cependant, il n’est pas à l’abri des critiques : majoration des salaires des joueurs, phénomène de la violence, arbitrage déficient, nombre d’équipes, coût des billets... Depuis près d’un siècle et demi, le hockey occupe donc nos hivers et il est fort à parier que cela continuera encore longtemps.

Cet article est paru dans le numéro 28 du bulletin imprimé Montréal Clic, publié par le Centre d’histoire de 1991 à 2008.

Droit au but...

Le 30 décembre 1899, au Victoria Skating Ring, une partie de hockey bien spéciale a lieu. En effet, on installe pour la première fois des filets derrière les buts. Jusque-là, deux bâtons munis de fanions servaient à délimiter le but.

Au lendemain de cette partie, le rédacteur sportif de La Patrie de Montréal est partagé quant aux conséquences de cette nouveauté sur l’évolution du jeu : le joueur placé derrière le but devra désormais faire un détour pour contourner le filet afin de faire une passe à son coéquipier.

Malgré cet inconvénient, les dirigeants des différentes ligues décident d’adopter les filets mettant fin aux disputes relatives à la validité des buts.

Références bibliographiques

BRODEUR, Denis, et Daniel DAIGNAULT, Trente ans de photos de hockey, Montréal, Éditions de l’Homme, 1993, 302 p.

GUAY, Donald. L’histoire du hockey au Québec : origine et développement d’un phénomène culturel avant 1917, Chicoutimi, Éditions JCL, 1991, 293 p.