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Le sac à Tousignant

16 mars 2020
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Fait de papier, mais durable, le « sac à Tousignant » est un souvenir des épiceries de quartier indépendantes du même nom, où les Montréalais ont magasiné de 1916 à 1966.

Ce sac en papier kraft muni d’une poignée était couramment nommé « sac à Tousignant », du nom de ces petites épiceries de quartier.

Des sacs résistants et durables

Sac à Tousignant

Sac en papier brun, avec des écritures rouges, de l’épicerie Tousignant & Frères. Des poignées en corde beige sont insérées dans le rebord en haut du sac.
Collection du Centre d’histoire de Montréal, don d’André Desaulniers. 2018.1.2.

Arborant des écritures bilingues, ce type de sac en papier était principalement apprécié pour sa durabilité. Munis d’une poignée en corde insérée dans un rebord renforcé, ces sacs étaient plus résistants que les sacs de papier conventionnels, les gens avaient donc coutume de les conserver à la maison. L’expression « sac à Tousignant » est restée et apparaît d’ailleurs dans certaines œuvres littéraires québécoises, telles que les Chroniques du Plateau Mont-Royal de Michel Tremblay : « Il se souvient très bien de l’exaltation qu’il avait ressentie quand il s’était retrouvé rue Sherbrooke avec son gros volume dans son sac à Tousignant ».

Tousignant & Frères, des épiceries de quartier

Épicerie Tousignant

Photographie noir et blanc d’une vitrine avec un étalage de produits en conserve de la marque Heinz. Sur le rebord de la vitrine, il est écrit « Marché à beurre et provisions ».
BAnQ Vieux-Montréal. Fonds Conrad Poirier. P48,S1,P10268.
La première épicerie Tousignant & Frères ouvre ses portes en 1916 sur la rue Saint-Hubert. En ce début du XXe siècle, les épiceries, ces petits commerces indépendants, se multiplient aux coins des rues montréalaises. Prenant le relais des magasins généraux, celles-ci offrent principalement des produits alimentaires, tels que du beurre, des œufs, des confitures, du café, et même du « catsup » (ou ketchup). Plusieurs se souviennent que le beurre y était conservé en gros blocs derrière le comptoir et vendu en vrac. Les clients pouvaient ainsi le commander à la livre et leur portion était emballée dans du papier ciré.

À partir des années 1920, les chaînes commencent à faire leur apparition. On pense bien sûr aux grands noms Dominion et Steinberg qui prendront davantage d’importance après la Deuxième Guerre mondiale. Tousignant & Frères grandit également et, vers 1945, possède 11 commerces situés sur des artères importantes : la rue Saint-Hubert, la rue Masson, l’avenue du Mont-Royal, le boulevard Saint-Laurent, la rue Sainte-Catherine, la rue Ontario ainsi que la rue Wellington, à Verdun. Une dernière succursale s’installe quelque temps sur la rue Monk, au milieu des années 1950.

La fin des épiceries Tousignant & Frères

Progressivement, la pression des grandes chaînes et des supermarchés entraîne la fermeture de la plupart des épiceries indépendantes. Ayant de plus grands espaces, les supermarchés peuvent offrir une plus grande variété d’aliments à de meilleurs prix. La dernière épicerie Tousignant & Frères ferme en 1966, soit trois ans après un malheureux événement. Le propriétaire, Yvon Tousignant, âgé de 49 ans, est assassiné sur la rue Wellington alors qu’il allait déposer à la banque les revenus de son commerce. Le drame a eu lieu le 26 octobre 1963.

Anachronisme publicitaire

Avez-vous remarqué le blason au centre du sac? Il s’agit de l’ancien blason des provinces du Dominion du Canada en 1873. C’est un anachronisme, puisque le sac lui-même date des années 1940, ce qu’il est possible d’affirmer par les adresses des magasins énumérées au bas du sac. La présence du blason n’est probablement qu’un choix esthétique du propriétaire ou de l’imprimeur.

De plus, bien que le sac présente deux orthographes, ketchup et catsup, il ne s’agit pas d’une traduction anglais-français du mot. Catsup était un terme couramment utilisé dans les deux langues, jusqu’à ce que la marque américaine Heinz popularise l’épellation ketchup pour son condiment le plus fameux dans les années 1980.

L’objet

Nom : Sac en papier
Numéro d’inventaire : 2018.1.2
Matériau(x) : papier; textile
Dimensions : 40 x 37,8 x 1 cm
Année ou période : entre 1945 et 1966
Donateur ou donatrice : André Desaulniers

Références bibliographiques

BURGESS, Joanne. Nourrir le quartier, nourrir la ville, Montréal, Écomusée du fier monde, 2017, 71 p.

TREMBLAY, Michel. Un objet de beauté, Leméac Éditeur, 1997, 312 p.

« Deux meurtres dans la région métropolitaine », La Presse, 80e année, no 12, lundi 28 octobre 1963, p. 3.