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L’Association Hum

20 juin 2023

Depuis plus d’un siècle, les associations familiales jouent un rôle de gardiennes dans la communauté chinoise. L’Association Hum est l’une des plus anciennes de ce genre à Montréal.

Association Hum

Photo couleur montrant une dizaine de personnes d’origine chinoise dans une grande salle, certaines sont debout, de dos, devant une table, d’autres assises derrière la table.
© Gilbert Duclos
Les associations familiales (會館) sont les piliers des quartiers chinois d’Amérique du Nord et jouent depuis longtemps un rôle essentiel dans la création et la pérennisation des communautés diasporiques chinoises. Basées sur l’aide mutuelle, proposant des services de protection et sociaux — souvent difficiles d’accès pour les Sino-Canadiens, en particulier à l’époque de la taxe d’entrée et de la loi sur l’exclusion des Chinois (de 1885 à 1947) — ces associations peuvent être considérées comme les intendants et les gardiens des quartiers chinois. Inspirées de modèles existants en Chine, elles sont aussi appelées associations claniques, de noms ou de districts et rassemblent des gens qui partagent un nom de famille et/ou un district d’origine.

L’une des plus anciennes associations de ce genre à Montréal, l’Association Hum (aussi connue sous le nom de Hum Quong Yea Tong, 譚光裕堂), a vu le jour dans les années 1880 et continue de servir ses membres aujourd’hui. Forte de sa longue histoire, elle a relevé des défis majeurs, offrant à ses adhérents des services essentiels, des espaces communautaires et un sentiment d’appartenance. Parmi d’autres associations à Montréal, on compte aussi Gee How Oak Tin (至孝笃亲公所), l’Association des Lee de Montréal (李氏公所), l’Association Wong Wun Sun (黄云山公所) et l’Association des Chan de Montréal, Chin Wing Chun Tong (陳潁川堂).

Les gardiens du Quartier chinois

Association Hum

Photo en noir et blanc montrant le coin des rues Saint-Urbain et De La Gauchetière.
© Gilbert Duclos
Comme beaucoup d’autres associations familiales, l’Association Hum a été formée à une époque où le sentiment anti-Chinois était très fort. Après la fin de la construction du chemin de fer du Canadien Pacifique, en 1885, les ouvriers sino-canadiens sont devenus des concurrents de la main-d’œuvre blanche, et leur présence au Canada a été vivement contestée; ils ne correspondaient pas à l’image d’un « Canada blanc » souhaitée par le gouvernement et la société de l’époque. La plupart des Sino-Canadiens s’étaient installés en Colombie-Britannique (où le racisme anti-Chinois était le plus virulent). Au début des années 1900, plusieurs ont décidé de s’établir ailleurs, notamment au Québec. Entre 1881 et 1901, la population chinoise y est passée de 7 à 1033 personnes, la plupart habitant à Montréal.

Afin de répondre aux préoccupations liées au « problème chinois », le gouvernement du Canada a mis en place la Commission royale sur l’immigration chinoise en 1884. L’année suivante, l’Acte de l’immigration chinoise a été votée et a exigé que tous les Chinois payent une taxe d’entrée, d’abord fixée à 50 dollars, puis portée à 500 dollars en 1903. Selon Denise Helly, ce montant correspondait au budget annuel d’une famille de cinq personnes, et Karen Cho rapporte qu’il était suffisant pour acheter deux maisons à l’époque. La Loi de l’immigration chinoise, aussi connue comme la loi sur l’exclusion des Chinois, qui a suivi en 1923, interdisait à pratiquement tous les Chinois d’entrer au Canada, incluant les membres des familles déjà installées. Bien qu’elle ait été abolie en 1947, la race et la nationalité ont continué à faire partie des critères d’immigration pendant encore 20 ans. Les 62 années de discrimination sociale et juridique ont donc empêché la croissance de la communauté sino-canadienne, créant une « société de célibataires » composée presque exclusivement d’hommes. En l’absence de famille à proximité, et dans ce climat difficile et haineux, les associations de familles sont nées, répondant à un besoin de soutien, d’hébergement et de protection des concitoyens d’origine chinoise.

L’une des six premières associations familiales de Montréal, l’Association Hum, a été créée dans les années 1880, dans les locaux d’un petit commerce du Quartier chinois naissant de la métropole québécoise. À mesure que la population sino-montréalaise s’est agrandie, le nombre d’adhérents a augmenté et, dans les années 1920, l’Association Hum s’est installée dans ses locaux actuels, au 90, rue De La Gauchetière Ouest. Ouverte à ceux qui portent le nom de famille 譚 (translittéré en Hum, Tom, Tam ou Tan), l’association leur donnait accès à une variété de services.

Des services essentiels

Association Hum 2

Photo couleur montrant des personnes d’origine chinoise dans une grande salle, certains sont assis derrière une table, à gauche, et d’autres sont debout de l’autre côté de la table, à droite.
© Gilbert Duclos
À une époque de discrimination locative envers les Sino-Montréalais, l’association gérait une pension de famille pour ceux qui n’avaient pas les moyens de régler un loyer ailleurs. Les membres payaient ce qu’ils pouvaient pour avoir accès à un lit et à une cuisine partagée. C’était aussi le premier endroit où de nombreux Hum se rendaient pour chercher un emploi, puisque les adhérents s’échangeaient souvent des références pour décrocher des emplois dans des restaurants ou des buanderies. Un service de rédaction de courrier, particulièrement précieux à l’époque, était offert à plusieurs membres qui ne savaient pas lire ou écrire le chinois. Cela leur permettait de communiquer avec leur famille restée en Chine. Les lettres pouvaient également être rédigées en français ou en anglais, ce qui était particulièrement utile pour ceux qui tenaient des buanderies, une occupation courante pour les Chinois de Montréal à l’époque. Cette occupation n’était pas sans embûches pour les Sino-Montréalais. En 1912, le gouvernement du Québec a par exemple réagi aux craintes à l’égard des Chinois en imposant une taxe de 50 dollars aux buandiers chinois, qui s’ajoutait au droit de permis de 50 dollars.

L’une des fonctions les plus importantes de l’association était le système communautaire de prêt d’argent appelé wui (會), courant dans les associations familiales d’Amérique du Nord. Toujours en vigueur aujourd’hui, le wui a permis aux membres d’avoir accès à du capital à une époque où de nombreux Sino-Montréalais se voyaient refuser des prêts par les banques ordinaires. L’association a joué un rôle important en aidant ses adhérents à préserver certaines traditions culturelles, comme plusieurs festivités et banquets, mais aussi le jour du Balayage des tombes. Elle prêtait également assistance pour d’autres rituels funéraires, en payant notamment les funérailles des membres qui n’avaient pas de famille. L’Association Hum a aussi soutenu la création de l’Association Ciu Leon sur la rue Clark dans les années 1960 (昭倫親義公所), qui était au service des jeunes du Quartier chinois.

Comme plusieurs autres associations familiales en Amérique du Nord, l’Association Hum demeure un pilier important de la communauté du Quartier chinois. Elle possède son propre bâtiment et joue ainsi le rôle de propriétaire sensible aux questions du patrimoine et de la préservation culturelle. Contrairement aux grands promoteurs immobiliers qui, depuis quelques années, s’empressent d’acquérir des terrains dans les quartiers chinois nord-américains, les associations familiales veillent à ce que leurs propriétés soient bien intégrées dans le tissu de la communauté.

Un bâtiment utile à la communauté

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Une femme d’origine chinoise est assise derrière une table, des livres de compte ouverts devant elle.
© Karen Tam 譚嘉文
L’Association Hum loue notamment son rez-de-chaussée à un restaurant chinois local; ce revenu locatif contribue à financer les coûts de fonctionnement. Au deuxième étage, une sous-association nommée Jyun Jyun (譚源源堂) continue à opérer le wui qui, selon plusieurs membres, est le dernier du Quartier chinois de Montréal. Tous les dimanches, les membres peuvent venir déposer leur argent ou obtenir un prêt. Avec des taux d’intérêt plus bas que ceux des banques conventionnelles, l’Association Hum continue d’offrir une source de capital accessible à plusieurs individus et entreprises. Toujours au deuxième étage, deux autres sous-associations appelées Dou Cing (杜澄同鄉會) et Baak Seoi (白水譚氐公所) offrent la possibilité de jouer au mahjong durant la semaine, une source importante de soutien social pour les personnes âgées. Plusieurs événements spéciaux sont aussi organisés pour les membres. Le troisième étage sert de siège social à l’association et est réservé aux réunions ainsi qu’aux banquets et aux célébrations. L’organisation de ce bâtiment polyvalent de plusieurs étages est un bon exemple du fonctionnement des associations familiales nord-américaines, une illustration parfaite d’une propriété utilisée pour appuyer de plusieurs manières la communauté du Quartier chinois.

Sans les importantes contributions des associations familiales telles que l’Association Hum, le Quartier chinois ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui. Malgré presque 150 ans de lutte, de l’époque de la taxe d’entrée et de la loi sur l’exclusion aux épreuves liées à la pandémie de la COVID-19, les associations familiales sont demeurées les pierres angulaires des communautés des quartiers chinois. Cependant, elles continuent à relever des défis pour survivre, ce qui inclut une population vieillissante et l’entretien difficile des bâtiments patrimoniaux.

Compte tenu de l’évolution des besoins de la communauté du Quartier chinois, les associations doivent aussi trouver des moyens de demeurer pertinentes et engagées pour les nouvelles générations. Dans certains cas, des membres plus jeunes ont assumé des rôles de leadership, comme l’a fait Heather Tom, une étudiante à l’université qui gère le wui de l’Association Hum. Elle ressent un sentiment de responsabilité envers les générations précédentes et affirme : « Je ne veux pas que tout le dur labeur de nos ancêtres soit gaspillé, car je me sens privilégiée d’être là où on s’est rendu avec toutes les choses qui nous ont été données. » Dans d’autres cas, l’apprentissage de la langue d’origine et des arts sont devenus des outils pour rassembler aînés et plus jeunes.

En créant des occasions de renouvellement à travers les générations, les associations familiales peuvent continuer à jouer leur rôle historique de gardiennes, en s’assurant que le Quartier chinois demeure dynamique, axé sur la culture et centré sur la communauté. Comme le résume le membre Walter Tom, « le Quartier chinois n’existerait même pas si ce n’était pas des associations familiales, puisqu’elles sont réellement les gardiennes du quartier ».

Nous remercions sincèrement Victor Hum, Heather Tom et Walter Tom, qui nous ont apporté une aide précieuse pour la rédaction de cet article.

宗亲会:唐人街社交生活支柱

谭氏宗亲会成立于 1880 年代,是蒙特利尔唐人街最古老的机构之一,为姓 Hum、Tom、Tam 或 Tan (谭) 的人提供服务。谭氏宗亲会是蒙特利尔众多宗亲会之一,为会员提供社会、互助服务和保护。尤其在排华法案实施期间(1887 年至 1947 年),华人因受到歧视难以获得此等服务。谭氏宗亲会最初提供住宿、书写、工作推荐、中文报纸和转账到中国等服务。自 1920 年代以來位于 90A, De La Gauchetière ouest 街 。

该宗亲会还建立了一个名为标会的社区借贷系统,允许华人获得大额款项,以往多家银行都拒绝向他们提供贷款。这个系统现在依然存在,据成员称,这是唐人街剩下的最后一家。谭氏宗亲会还设有两间麻将室,并举办多个节日庆祝活动。 谭氏宗亲会被视为唐人街《守护者》,与其他氏族一起提供社区空间,为蒙特利尔华裔数代人士间建立联系,确保唐人街的可持续发展。

谭役操: “ 正如我告诉你那样,以往我父亲在 Ville-St-Pierre 拥有一间洗衣房。由于是星期天,我们不能营业。他来唐人街说自己的方言,他觉得[自己和]熟悉的人在一起。他的母语既不是英语也不是法语……在邻里许多事情让他找到安慰。他不仅能买到米饭,还能买到中式蔬菜……他每周去一次买菜,与其他人交流等等。他在那里感觉很好。这个宗亲会能够提供慰藉,在那里他有宾至如归的感觉。”

谭志仁: “宗亲会与相关建筑之所以能在唐人街生存这么多年,全靠社群精神。今天,这种社群精神更具包容性。可以肯定的是,社会在变,邻里和华人社区也在变。以前只有台山人,然后陆续出现其他移民潮,有香港移民,有华裔越南移民。近20年来,都是中国大陆移民。第一代移民总需要不同的服务,他们无法在其他地方获取。尤其是一些家庭相关服务。移民第二代人则希望清晰了解自己的身份。我们需要为第一代、第二代和第三代人之间建立桥梁。”

谭倩茵: “我作为下一代成员继续参与谭氏宗亲会的原因是,我不想白费祖先的血汗功夫,我很荣幸能够承继他们留下来的一切。 我觉得我们跟老一辈人相比,简直什么也没有见识过,很多时候以为所有东西都是理所当然的。”

资料搜集及撰写:柯诚欣

Références bibliographiques

SIMON FRASER UNIVERSITY. « A Brief Chronology of Chinese-Canadian History: From Segregation to Integration »

CHAN, Kwok Bun. Smoke and Fire: The Chinese in Montreal, The Chinese University Press, 1991.

CHO, Karen. In the Shadow of Gold Mountain, National Film Board of Canada, 2004. 

VANCOUVER PUBLIC LIBRARY. Clans and District Associations

HELLY, Denise. Les Chinois à Montréal, 1877-1951, Institut québécois de recherche sur la culture, Québec, 1987, 315 p.

LAI, David Chuenyan. Chinatowns: Towns Within Cities in Canada, University of British Columbia Press, 1988.

SIMON FRASER UNIVERSITY. Le quartier chinois de Montréal, des années 1890 à 2014