Au début des années 1970, des milliers d’Haïtiens quittent leur île pour rejoindre celle de Montréal. Certains sont reçus par un organisme d’accueil et d’aide émergent, à l’avenir prometteur.
Maison d’Haïti - rue Lajeunesse
Retour en arrière
Maison d’Haïti - carnaval
La majorité de la première vague d’immigrants haïtiens s’installe à Montréal entre 1967 et 1977. Nous l’appellerons l’exode des cerveaux, terme qui illustre bien le départ de ces milliers de professionnels, force vive du pays, fuyant la dictature et la sauvage répression qui s’abattait sur elle. Une perte sèche pour Haïti. La plupart de ces nouveaux arrivants ne subiront aucun déclassement de leur diplôme, et leurs compétences seront reconnues immédiatement. Il faut dire que, durant toute la décennie 1960, le Québec met en place de nouvelles institutions et a terriblement besoin de professionnels francophones. Cela tombait bien.
L’année 1971 est marquée par la mort du dictateur Duvalier en Haïti, aussitôt remplacé par son fils qui hérite du titre de son père comme « président à vie ». C’est l’exode des bras qui débute. Au Québec, le besoin de main-d’œuvre est très fort et, cette fois, on demande des ouvriers spécialisés ou non. Cette nouvelle catégorie d’immigrants haïtiens va rencontrer des écueils que ceux des années 1960 n’ont même pas imaginés. Ils sont moins scolarisés et moins qualifiés, ils occupent des emplois dans les secteurs manufacturiers et de service.
Haïti devient, durant deux décennies, le premier pays fournisseur d’immigrants pour le Québec, principalement pour Montréal.
La Maison d’Haïti
Maison d’Haïti - enfants
Installée dans un petit bureau du YMCA de l’avenue du Parc, la Maison d’Haïti a répondu immédiatement aux besoins de ces immigrants qui déferlaient sur Montréal. Cette première forme d’organisation communautaire était aussi liée aux mouvements politiques de lutte contre la dictature en Haïti et pour les droits sociaux des communautés noires en Amérique du Nord.
Ancrage territorial
Maison d’Haïti - femmes
Braver les tempêtes
Maison d’Haïti - enfants
Bien que demeurant l’organisme phare de la communauté haïtienne, la Maison d’Haïti accueille des familles originaires de tous les coins de la planète, des personnes venues chercher asile et avenir dans un quartier Saint-Michel, en pleine transformation, qui les reçoit avec générosité. En effet, depuis 2001, la composition de la population immigrante de Saint-Michel se modifie pour devenir de moins en moins italienne et de plus en plus diversifiée. La Maison d’Haïti cherche à s’adapter à toutes les nuances et complexités des diverses communautés qui font tranquillement leur nid au Québec.
Nouvelle adresse
Maison d’Haïti
Avec son redéploiement dans un nouvel édifice en juillet 2016, la Maison d’Haïti possède désormais des locaux mieux adaptés à ses activités qui permettent la mise à contribution de plus de personnel et de bénévoles. Cet espace offre aussi aux habitants de Saint-Michel une vitrine culturelle grâce au tout nouveau Centre des Arts de la Maison d’Haïti, une contribution venant combler un déficit d’infrastructures et d’espaces de diffusion, amplement constaté par l’ensemble des citoyens.
Regard vers l’avenir
Tant que le quartier abritera des personnes vulnérables, fragiles, en difficulté, des citoyens dont les enfants héritent des mêmes difficultés, exclus sociaux, en butte au racisme, peu scolarisés, sous-payés, la Maison d’Haïti les accompagnera, afin qu’ils prennent parole et posent des gestes citoyens. Mais elle ne travaille pas seule. De concert avec les organisations et institutions du quartier, elle met en place des projets inclusifs, dont toute la population bénéficie. Actions souvent peu visibles, mais combien essentielles.
Qui peut prédire ce que sera la Maison d’Haïti dans les années à venir? Sans être aussi visionnaire que ses bâtisseurs, il est permis d’imaginer qu’elle maintiendra le cap, jouant un rôle de plus en plus déterminant dans son milieu. L’inclusion économique et sociale de trois générations de Québécois d’origine haïtienne et des populations fragilisées du quartier sera évidemment au cœur de ses préoccupations, tout comme la quête d’une place dans le paysage culturel québécois pour que se développe une culture métissée qui ne sera ni marginale ni ethnique, mais bel et bien québécoise.
Cet article est une adaptation de deux textes de Marjorie Villefranche :
« La Maison d’Haïti, 36 ans d’histoire », publié dans l’ouvrage Le Saint-Michel des Haïtiens (2012).
« Partir pour rester. L’immigration haïtienne au Québec », publié dans l’ouvrage Histoires d’immigrations au Québec (2012).
BENJAMIN, Frantz (dir.). Le Saint-Michel des Haïtiens, Montréal, Les éditions du CIDIHCA, 2012, 188 p.
FONTAINE, Julie. La petite histoire de Saint-Michel. De la campagne à la ville. 1699-1968, [En ligne], Ville de Montréal, 2008.
http://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/docs/PAGE/ARROND_VSP_FR/MEDIA/DOC... (Consulté le 20 novembre 2017)
VILLEFRANCHE, Marjorie. « Partir pour rester. L’immigration haïtienne au Québec », dans Guy BERTHIAUME et al., Histoires d’immigrations au Québec, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2012, p. 145-161.