En 1981, une première maison de la culture ouvre ses portes à Montréal dans l’objectif de rendre la culture plus accessible dans les quartiers de la ville.
Maison de la culture Côte-des-Neiges 1983
En 1979, le gouvernement du Québec instaure le plan Vaugeois qui permet entre autres de construire ou rénover des équipements multifonctionnels dans les bibliothèques publiques. La Ville de Montréal saisit l’occasion et s’engage à couvrir les frais des installations liées aux manifestations culturelles. Le projet montréalais prend forme : les maisons de la culture seront jumelées aux bibliothèques et ces lieux permettront à la fois la diffusion culturelle et documentaire. L’objectif est ambitieux : décentraliser la diffusion culturelle et rendre la culture accessible au plus de personnes possible dans les quartiers de la ville. Le Service des activités culturelles est créé en 1979 et reçoit le mandat de développer le programme des maisons de la culture. Monique Verschelden est la première coordonnatrice de ce service et elle fait équipe avec Yvon Lamarre pour donner vie aux maisons. Ces institutions sont créées pour faire vibrer la culture dans les quartiers montréalais, stimuler la création, accroître la diffusion, soutenir les artistes et faciliter l’accès à la culture.
L’ouverture des premières maisons
« Les spectacles, concerts se tenaient dans le hall d’entrée. […] Les gens étaient assis dans l’escalier. On pouvait accueillir entre 75 et 80 personnes à ce moment-là dans la bibliothèque. Dès le début, les petits concerts qui étaient présentés remportaient beaucoup de succès. » ― Sylvain Galarneau, ancien agent culturel
Bibliothèque et maison de la culture Maisonneuve 1981
Le 20 octobre 1981, Montréal célèbre l’inauguration de sa première maison de la culture, la maison de la culture Maisonneuve, en présence du maire Jean Drapeau. Des activités d’ouverture soulignent cet événement attendu. Au programme, ateliers d’histoires, cinéma, lancements de livres, musique et conférence. La maison de la culture partage les locaux de la bibliothèque, et les expositions sont présentées sur ses murs.
Quelques mois plus tard, en juin 1982, la maison de la culture Marie-Uguay ouvre dans le Sud-Ouest, suivie de celle de Côte-des-Neiges un peu plus tard, qui est la première située dans un bâtiment neuf. En 1984, c’est au tour des maisons Plateau-Mont-Royal, Notre-Dame-de-Grâce et Petite-Patrie de s’établir dans leurs quartiers respectifs. Les agentes et agents culturels élaborent des programmations multidisciplinaires et gratuites qui permettent aux habitants du quartier de découvrir de nouveaux artistes. Une maison dite éclatée est ensuite créée en 1988 à Ahuntsic-Cartierville, elle utilise différents lieux de l’arrondissement, jusqu’à l’aménagement de la maison dans l’édifice Albert-Dumouchel en 1999. Les maisons éclatées permettent d’implanter dans les quartiers l’action des maisons de la culture, même s’il n’est pas possible financièrement qu’un bâtiment leur soit propre dès le départ.
Pour le choix des agentes et des agents culturels, Monique Vershelden, la première gestionnaire du réseau, embauche des personnes formées dans différentes disciplines artistiques et elle s’assure d’engager autant de femmes que d’hommes. Dans chaque maison, on trouve alors un agent et un adjoint : une femme et un homme occupent ces postes dans chaque maison dans un souci de parité, et à proportion égale dans les deux fonctions. Le Centre d’histoire de Montréal, fondé en 1983, et la Chapelle historique du Bon-Pasteur sont aussi intégrés au réseau des maisons en 1987 et en 1988 en proposant des programmations spécialisées en histoire et en musique de concert.
Des installations à la fine pointe de la technologie
Inauguration maison de la culture Marie-Uguay.
Ces maisons permettent de présenter des spectacles sur des scènes plus grandes, d’aller beaucoup plus loin dans la diffusion culturelle et d’offrir aux artistes ou aux organismes culturels l’accès à ces espaces de qualité pour se produire avec des équipements culturels à la fine pointe de la technologie. Les maisons de la culture deviennent rapidement des lieux de choix pour les artistes de la relève, dont plusieurs se font connaître grâce au réseau. Le milieu culturel s’approprie peu à peu les maisons qui deviennent des points de rencontre entre les artistes et les citoyens et qui transforment la vie culturelle des quartiers.
En 1989, deux maisons sont créées dans des quartiers plus éloignés du centre, à Pointe-aux-Trembles et à Rivière-des-Prairies. Ces maisons dites éclatées utilisent les lieux existants dans l’arrondissement pour leurs événements. Celle de Pointe-aux-Trembles emprunte huit sites différents, dont des écoles et un centre communautaire, alors que la maison de Rivière-des-Prairies utilise l’auditorium du Collège Marie-Victorin, une école secondaire, une église et une bibliothèque. En 1992, c’est au tour de la maison Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension de voir le jour, aussi sous forme éclatée jusqu’en 2018. Des églises, l’auditorium du centre communautaire et de loisir du Patro-Le Prévost (aujourd’hui Patro Villeray) et d’autres salles permettent de mettre en œuvre une programmation riche et multidisciplinaire dès le début. Les maisons de la culture Pointe-aux-Trembles et Ahuntsic inaugurent leur propre bâtiment en 1999.
Les défis et réalisations des années 1990
Maison de la culture Pointe-aux-Trembles
Des projets emballants marquent aussi cette décennie, dont un grand nombre de « projets réseau », qui résultent du travail de collaboration de plusieurs maisons. Ces projets offrent de belles occasions aux artistes émergents de faire circuler leur spectacle dans différents quartiers de la ville et de se faire connaître. La gratuité des activités permet aux agentes et aux agents culturels de prendre des risques dans l’élaboration de leur programmation et ainsi de favoriser la découverte de nouveaux artistes et de nouvelles formes d’arts.
En permettant au public de découvrir une grande variété d’artistes gratuitement, les maisons de la culture contribuent à initier les usagers à des formes d’arts qu’ils connaissaient moins et à installer une habitude culturelle qui rejaillit sur tout le milieu culturel montréalais. À l’aube des années 2000, ce réseau est devenu un acteur incontournable dans la diffusion culturelle montréalaise en touchant les citoyens dans leur quartier.
CHEVALIER, W. « Les Maisons de la Culture à Montréal », Vie des arts, vol. 30, no 120), 1985, p. 42–45. https://www.erudit.org/en/journals/va/1985-v30-n120-va1161924/54110ac.pdf
LAFORTUNE, Benoît. « Les maisons de la culture », Possibles, vol. 16, no 1, 1992, p. 75-94.
NICHOLSON, Georges. La Chapelle historique du Bon-Pasteur : La maison de la musique, Montréal, Druide, 2014.
PAQUIN, Jean. Art, public et société, l’expérience des Maisons de la culture de Montréal, Montréal, Éditions Hurtubise, 1996, 122 p.
PAQUIN, Jean. « La place des Maisons de la Culture de Montréal dans le réseau institutionnel de l’art », Possibles, vol. 9, no 4, 1985, p. 100-106.
Ville de Montréal. Les maisons de la culture : un choix d’accessibilité, Ville de Montréal, 1994.
Une série d'entrevues ont été réalisées en 2021 et en 2022 avec des personnes ayant travaillé dans le réseau des maisons de la culture. Les entrevues suivantes ont servi à l’écriture du présent article :
- Louise Matte et Joanne Germain, 5 novembre 2021
- Paul Langlois, 5 novembre 2021
- Sylvain Galarneau, 5 novembre 2021
- Martin-Philippe Côté, 5 novembre 2021
- Jean Paquin, 29 mars 2022
- Claude Toupin, 4 avril 2022
- Guy Soucie, 30 mars 2022