Première Canadienne française médecin, Irma LeVasseur est à l’origine de la fondation, en 1907, du premier hôpital pour les enfants malades canadiens-français de Montréal.
Irma LeVasseur
Sur le portrait en médaillon, datant de 1900, Irma LeVasseur pose fièrement à la remise de son diplôme de médecine de l’Université St. Paul [aujourd’hui l’Université du Minnesota]. Première Canadienne française à devenir médecin, la jeune femme habite pendant ses études chez le docteur Canac-Marquis, un ami de la famille. C’est probablement lui qui lui a conseillé de venir étudier aux États-Unis, où la formation médicale est plus complète que celle offerte au Bishop College, la seule université québécoise acceptant les femmes en médecine au tournant du XXe siècle. Toutefois, comme son diplôme américain ne lui permet pas d’exercer sa profession au Québec, Irma dépose un projet de loi privé à l’Assemblée législative du Québec. Attendant trois ans la reconnaissance de ses compétences, Irma pratique à New York aux côtés de la docteure Mary Putman Jacobi, militante féministe et pionnière en pédiatrie. Touchée par le dévouement de la docteure Jacobi pour les enfants malades, Irma a une révélation lors de son retour en 1903 : la vie des petits Montréalais ne tient qu’à un fil.
La fondation de Sainte-Justine
Deuxième hôpital Sainte-Justine
Face à tant de détresse, Irma décide d’étudier la pédiatrie en Europe, la discipline n’étant pas encore enseignée au Québec. De retour en 1907, la docteure LeVasseur cherche des appuis pour fonder un premier hôpital pour les enfants malades canadiens-français. Sa rencontre avec Justine Lacoste-Beaubien est déterminante. Cette dernière en a ainsi témoigné :
« Je me rappellerai toujours ce samedi après-midi, c’était un vingt-six novembre, où une jeune fille reçue médecin aux États-Unis, mademoiselle Irma LeVasseur, venait me demander de l’aider à réaliser un projet cher à son cœur : fonder un hôpital pour enfants. C’est bien loin et il me semble que c’était hier. Je me revois encore aller trouver mon mari qui lisait le journal, et lui exposer le projet. Nous n’avions pas d’enfants et il lui sembla tout naturel que je fasse quelque chose pour les déshérités de la vie. Dès cet instant, il approuva le projet et jamais il ne cessa de s’y intéresser, l’appuyant de son prestige et de ses dons. »
Trois jours plus tard, Justine fonde, avec sept femmes, Le Refuge des petits malades dans une maison au 3778, rue Saint-Denis, prêtée par le frère de son amie Euphrosine Rolland. Irma y amène un bébé gravement malade qu’elle gardait chez elle pour mieux le soigner. Si des hommes médecins avaient déjà lancé l’idée d’un hôpital pour enfants, ce sont des femmes qui mettent en œuvre concrètement le projet. En mai 1908, l’hôpital, déjà bondé, déménage sur l’avenue De Lorimier. Il devient ainsi le pendant francophone du Montreal Children’s Hospital, ouvert en 1904 sur la rue Guy.
Du lait frais au dispensaire
Goutte de lait en 1912
Au dispensaire, les infirmières de la Goutte de lait assurent un suivi hebdomadaire auprès des mères et leur donnent des conseils sur l’alimentation et l’hygiène. De plus, des bouteilles de lait frais pasteurisé sont offertes à un prix minime pour chaque nourrisson inscrit. Entre 1910 et 1914, les infirmières suivent 800 bébés. Toutefois, la coutume d’aller à la clinique prend du temps à s’inscrire dans les mœurs, les mères ne sont pas aussi assidues que les médecins le voudraient.
Cet article est paru dans la chronique « Montréal, retour sur l’image », dans Le Journal de Montréal du 20 mars 2016.
Quatre lieux ont accueilli l’Hôpital Sainte-Justine depuis sa création en novembre 1907. Les dirigeants à la tête de l’institution sont toujours en quête d’espace pour héberger les petits malades, mais aussi l’équipement et le personnel nécessaires pour en prendre soin.
Dès novembre 1907, l’Hôpital Sainte-Justine est hébergé dans la demeure du frère d’Euphrosine Rolland, au 644 de la rue Saint-Denis (correspondant maintenant au numéro 3774), au sud de l’intersection avec la rue Roy. En mai 1908, l’Hôpital déménage au 820, De Lorimier (aujourd’hui le numéro 4056), au sud de la rue Rachel. Sur ce lieu, on trouve aujourd’hui l’école primaire Saint-Joseph. Le dispensaire Goutte de lait, affilié à l’Hôpital, est à quelques pas, au 1107 de l’avenue De Lorimier (maintenant le numéro 4259), au nord de Rachel, dans une demeure qui a aujourd’hui disparu. En 1914, l’Hôpital déménage au 1879 de la rue Saint-Denis (l’actuel numéro 6057), près de la rue Bellechasse, bâtiment aujourd’hui disparu et remplacé par la Chambre de la jeunesse. Le quatrième et actuel Hôpital Sainte-Justine est inauguré en 1957 au 3175, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, sur le domaine de Lorne McDougall, qui a accueilli, entre autres, le Montreal Hunt Club jusqu’en 1940.
Note : Les adresses actuelles ont été déterminées grâce à la consultation des annuaires Lovell et des plans Goad.
FORGET, Nicolle, et autres. Justine Lacoste-Beaubien et l’Hôpital Sainte-Justine, Québec, Les Presses de l’Université du Québec, 1997.
BAILLARGEON, Denyse. Naître, vivre et grandir, Sainte-Justine 1907-2007, Montréal, Boréal, 2007.