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Des écoles montréalaises associées aux communautés culturelles

09 novembre 2020
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À la fin du XIXe siècle, les écoles montréalaises existantes accueillent un nombre croissant d’élèves immigrants. Cependant, des écoles portées par les communautés culturelles voient aussi le jour.

À la fin du XVIIIe siècle, les écoles de Montréal sont franco-catholiques ou anglo-protestantes. L’arrivée d’immigrants irlandais au XIXe siècle provoque la création d’écoles catholiques anglophones. En 1890, l’école Baron de Hirsch, fondée par l’institut du même nom, accueille les élèves juifs, suivie par plusieurs autres établissements. L’école Platon destinée aux élèves du primaire de la communauté grecque orthodoxe s’établit en 1909 sur le Plateau Mont-Royal. Des missions religieuses chinoises accueillent pour leur part des élèves chinois depuis la fin du XIXe siècle, rivalisant pour les convertir à leur religion et leur langue.

Langue, religion et système scolaire

Fête école juive 1930

Une cinquantaine d’élèves accompagnés de parents font un pique-nique à l’extérieur.
Jewish Public Library Archive. Jewish People's School 85-280
Au moment de la Confédération, en 1867, les catholiques et les protestants cherchent à protéger leurs droits pour ce qui touche à l’éducation des enfants de leur communauté. Au Québec, une loi adoptée en 1869 crée un système biconfessionnel. Un comité protestant et un autre catholique ont pour mission de régir l’enseignement pour leurs communautés et de s’assurer que l’école fournie une éducation religieuse adéquate aux élèves de la province. Des commissions scolaires catholiques et protestantes se forment. Les écoles catholiques sont majoritairement francophones, et les protestantes anglophones. Le système protestant accueille aussi des immigrants d’autres confessions, mais ils n’ont pas voix au chapitre dans la direction de la commission scolaire. Au sein de ces commissions scolaires, certaines écoles sont bilingues ou trilingues et permettent l’apprentissage des langues d’origine.

Lors de la création du ministère de l’Éducation en 1963, les droits en éducation des églises protestantes et catholiques sont remis en cause par le projet de loi 60. L’Église catholique monte aux barricades afin de préserver ses prérogatives à l’intérieur de la nouvelle structure scolaire. Les représentants de l’Église parviennent à obtenir des garanties qui seront inscrites dans la loi finale : les parents pourront choisir des institutions scolaires conformes à leurs convictions et ces écoles, même si elles sont privées, pourront recevoir du financement. Les gains de l’Église serviront non seulement aux écoles catholiques, mais aussi aux écoles privées d’autres religions ou minorités ethniques.

Réformes en éducation

École portugaise

Des élèves sont debout sur une scène et tiennent des diplômes et trophée. Ils sont entourés de leurs enseignants.
Collection personnelle de Joaquina Pires
Dans les années 1960, malgré la création du ministère de l’Éducation, l’administration du système scolaire par les commissions scolaires catholiques et protestantes constitue parfois un frein à l’intégration des immigrants d’autres confessions. Des écoles à forte prédominance ethnoculturelle existent à l’intérieur des commissions scolaires protestantes ou catholiques : des écoles à prédominance italienne ou polonaise par exemple, où l’enseignement est souvent bilingue ou trilingue. En 1969, les premières classes d’accueil sont ouvertes dans le système public, bien qu’elles ne connaissent un véritable essor qu’après 1977. Elles visent à favoriser l’intégration des élèves immigrants en soutenant leur apprentissage du français. Le Programme d’enseignement des langues d’origines apparait aussi en 1977. Si ce programme propose des stratégies pour favoriser l’apprentissage linguistique, il ne parvient pas à résoudre la question confessionnelle.

Le développement de nouvelles écoles dites « ethnospécifiques », dont plusieurs ont une spécificité religieuse, s’inscrit pendant cette période comme une réponse au désir de ces communautés de trouver leur place. Après la querelle du projet de loi 60, à partir de 1964, il devient plus facile pour ces écoles d’obtenir une place dans le réseau scolaire et d’obtenir du financement, puisque le droit des parents à choisir une école qui correspond à leurs convictions est protégé par la loi.

Rôle des communautés culturelles

École du dimanche

Environ 30 élèves du primaires sont assis à leur bureau.
Bibliothèque et Archives Canada. BAC,1991-067 NPC
Parmi les nouvelles écoles fondées pendant ces années, on compte l’école Maïmonide fondée en 1969 qui devient le premier établissement de la communauté juive francophone. Quelques années plus tard, en 1973, une première école arménienne voit le jour, puis une première école musulmane en 1985. Des écoles catholiques de la communauté portugaise, comme l’école primaire Santa Cruz, l’école Português do Atlântico (9e année) ou l’école Lusitana, comptent parmi les établissements créés pendant cette période. À partir de 1977, les écoles qui se conforment à la Charte de la langue française et offrent le nombre requis d’heures d’enseignement du français par semaine peuvent obtenir du financement. Ces écoles sont alors souvent bilingues ou trilingues.

En 1998, les commissions scolaires confessionnelles sont remplacées par des commissions scolaires linguistiques et, cinq ans plus tard, le gouvernement modifie la loi pour abolir l’enseignement religieux confessionnel dans les écoles publiques. Le droit des parents à l’éducation religieuse de leurs enfants n’est plus protégé par la Charte québécoise des droits et libertés et cela ravive le débat sur le financement des écoles privées confessionnelles.

En 2011, 61 écoles ethnoreligieuses étaient recensées au Québec. La forte majorité d’entre elles sont des écoles privées de la région de Montréal. Parmi elles, 38 appartenaient à la communauté juive, 12 à la communauté musulmane, 6 à la communauté grecque, 4 étaient des écoles arméniennes et 1 turque. En 2000, la professeure au Département d’administration et fondements de l’éducation de l’Université de Montréal, Marie McAndrew estimait que plus de la moitié des élèves grecs et près des trois quarts des élèves juifs fréquentaient des écoles associées à leur communauté.

Les écoles du samedi

Dès le XIXe siècle, des églises organisent des écoles du samedi proposant des cours de religion et de langues aux enfants d’immigrants. Encore de nos jours, de nombreuses communautés se dotent d’« écoles du samedi », portées par des associations religieuses ou culturelles.

La Commission des écoles catholiques de Montréal (CÉCM) organise aussi des classes du samedi pour les enfants des néo-Canadiens au début des années 1950. Plus de 10 000 enfants participent à l’une de ces 357 classes bilingues durant cette décennie. Ces classes proposent à la fois l’apprentissage des langues maternelles et du français, mais elles sont abandonnées. On reproche aux enseignants qui œuvrent dans ces programmes d’accorder davantage d’attention aux langues d’origine qu’au français et d’être insuffisamment formés. Malgré leur popularité, ces classes disparaissent en 1969 lors de la création des classes d’accueil.

Les écoles du samedi demeurent bien présentes à Montréal. Depuis déjà plusieurs années, de nombreuses communautés offrent des écoles du samedi afin de transmettre leur langue et leur culture aux enfants et petits-enfants d’immigrants établis à Montréal. Ces écoles enseignent la langue d’origine du pays qui, bien qu’elle ne soit plus toujours utilisée à la maison, demeure un symbole d’attachement aux traditions du pays d’origine. Dans les années 1970, la communauté portugaise crée trois écoles du samedi à Montréal. Des écoles du samedi grecques, chinoises, malgaches, russes, allemandes ainsi que plusieurs autres viennent avec le temps s’y ajouter.

Références bibliographiques

BERTHIAUME, Guy, et autres. Histoires d’immigrations au Québec, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2012.

SIMAO ANDRADE, Miguel. « La Commission des écoles catholiques de Montréal et l’intégration des minorités ethniques : de la foi à la langue », dans LACROIX, Jean-Michel, et Paul-André LINTEAU (dir.), Vers la construction d’une citoyenneté canadienne, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2006, p. 49-76.

SIMAO ANDRADE, Miguel. « La Commission des écoles catholiques de Montréal et la prise en compte du pluralisme ethnique et religieux (1977-1998) », Historical Studies in Education – Revue d’histoire de l’éducation, printemps 2008, p. 89-117.

TREMBLAY, Stéphanie. Les écoles privées à projet religieux ou spirituel : analyse de trois « communautés éducatives- juive, musulmane et Steiner- à Montréal », Thèse (Ph. D.), Université de Montréal, 2013, 372 p.

TREMBLAY, S. « Les écoles religieuses et ethnospécifiques : histoire, enjeux et réalités », dans POTVIN, M., MAGNAN, M.-O. et J. LAROCHELLE-AUDET (dir.), La diversité ethnoculturelle, religieuse et linguistique en éducation. Théorie et pratique, Montréal, Fides Éducation, 2016, p. 60-67.