Venu en Chine pour soigner ses camarades communistes, le docteur Norman Bethune meurt moins de deux ans après son arrivée. Les Chinois le pleurent, et Mao rédige un texte élogieux à sa mémoire.
Bethune Chine
Depuis l’abdication du dernier empereur, en 1912, ce pays est la proie des seigneurs de guerre chinois et des puissances étrangères. Le gouvernement nationaliste du Guomindang, sous Tchan Kaï-chek, tente de reconquérir le pays tout en réprimant les communistes. En août et septembre 1937, les Japonais envahissent brutalement les villes de Shanghai et Nankin. L’armée gouvernementale s’allie à celle du Parti communiste pour repousser l’ennemi. Des villes sont détruites, des milliers de civils chassés et tués par l’armée impériale.
La nouvelle relègue le conflit espagnol aux pages intérieures des journaux du monde. Bethune est alors en pleine tournée. Il lit l’ouvrage du journaliste américain Edgar Snow, Red Star over China, faisant l’apologie des communistes chinois. En novembre, le voilà à New York pour acheter de l’équipement médical et des médicaments. À Vancouver, il s’embarque pour la Chine à bord de l’Empress of Asia, le 8 janvier 1938. Il écrit à son amie Marian Dale Scott : « Je me sens plus heureux et si gai à présent. » Il est accompagné du médecin américain Charles Parsons et de Jean Ewen, une infirmière canadienne qui a déjà travaillé en Chine. La petite équipe se rend jusqu’à Hangzhou, que le gouvernement du Guomindang vient d’abandonner. Après avoir rencontré Chou En-lai, bras droit de Mao Zedong, ils entreprennent un voyage semé d’embûches jusqu’au quartier général de la 8e armée de route, à Yan’an. La nuit même de son arrivée, Bethune est convoqué par le président du Parti, Mao Zedong. Ils échangent sur les besoins les plus urgents de la 8e armée. Bethune accepte de se rendre sur le front, dans les montagnes, accompagné du chirurgien canadien Richard Brown.
Chirurgie en zone de guerre
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Comme lors de la guerre d’Espagne, Bethune se déplace sans cesse, suivant la ligne de front sans se soucier du danger. Pendant une offensive japonaise, en avril 1939, l’équipe de son unité mobile opère 115 blessés en 69 heures. Le récit de son extraordinaire endurance se propage à travers les plaines de Hopei jusqu’aux montagnes du Shanxi. Les soldats communistes adoptent bientôt comme slogan : « Si nous sommes blessés, nous avons Pai Tchou-en pour nous soigner. À l’attaque! » Le peuple chinois lui apprend la patience et l’abnégation. Ses collègues occidentaux parlent d’apaisement, les Chinois, de métamorphose. L’effort physique et mental l’aide aussi à s’éloigner des plaisirs éthyliques.
À l’automne 1939, Bethune est heureux du travail accompli. Mais, fatigué par le travail épuisant des derniers mois, il a beaucoup maigri et n’entend plus d’une oreille. Il songe à retourner en Amérique, le temps de recueillir des fonds et de profiter un peu des plaisirs de la vie. Le destin ne lui accordera pas ce répit. Il se coupe à la main gauche en pratiquant une opération, puis développe une infection du sang en soignant une blessure sans porter de gants. Le 11 novembre 1939, dans la région de Hebei, Bethune écrit : « Je suis rentré du front hier. Je ne servais à rien là-bas. Je ne pouvais pas me lever, ni opérer. […] J’ai ou bien une septicémie […] ou la fièvre typhoïde […]. » Son premier diagnostic se confirme pour son plus grand malheur. Âgé de 49 ans, il décède le lendemain, faute d’antibiotiques. Un long cortège de camarades et de soldats emporte son corps en direction du Shanxi.
Mao honore Bethune
Bethune Chine intervention
Deux mois après son décès, les villageois lui construisent un tombeau à Jucheng avec des tonnes de marbre transportées à travers les lignes japonaises. En 1950, la dépouille de Bethune est déplacée au cimetière des Martyrs, à Shijiazhuang, parmi celles des 3,2 millions de soldats chinois morts pendant la guerre de résistance. Tout près se trouvent un musée à sa mémoire et l’Hôpital international de la paix Norman Bethune.
Hors de Chine, Bethune est pendant longtemps oublié. Son engagement communiste ne cadre pas avec le conservatisme ambiant. De peur d’être accusée de sympathie communiste, sa famille se défait de presque tout ce que Bethune avait rapporté de son voyage en Union soviétique. À partir des années 1960, le souvenir du chirurgien revient discrètement dans son pays d’origine à la faveur de publications, documentaires et œuvres de fiction. En 1970, les relations diplomatiques entre le Canada et la Chine sont rétablies, et Bethune reçoit le statut d’ambassadeur posthume. En 1976, la République populaire de Chine offre à la Ville de Montréal une réplique en marbre de la statue de Bethune du mémorial de Shijiazhuang. Encore aujourd’hui, à l’anniversaire de sa mort, la mémoire de ce Canadien devenu chinois parmi les Chinois est honorée dans l’empire du Milieu.
Ce texte est tiré de l’exposition Les aventures de l’imprévisible Dr Bethune présentée par le Centre d’histoire de Montréal du 17 novembre 2009 au 29 août 2010.
Extrait de l’essai écrit par Mao Zedong quand il a appris la mort de Norman Bethune :
« L’esprit du camarade Béthune, oubli total de soi et entier dévouement aux autres, apparaissait dans son profond sens des responsabilités à l’égard du travail et dans son affection sans bornes pour les camarades, pour le peuple. [...]
Il arriva à Yenan au printemps de l’année dernière, puis alla travailler dans le Woutaichan où, à notre plus grand regret, il est mort à son poste. Voilà donc un étranger qui, sans être poussé par aucun intérêt personnel, a fait sienne la cause de la libération du peuple chinois. [...]
Maintenant, nous honorons tous sa mémoire, c’est dire la profondeur des sentiments que son exemple nous inspire. Nous devons apprendre de lui ce parfait esprit d’abnégation. »
Mao Zedong